vendredi 1 février 2013

Fraudes relatives aux relevés de frais

Fraudes relatives aux relevés de frais  | KPMG | CA 
(Texte reproduit dans sa quasi-intégralité)

Cupidité, opportunisme, besoin et probabilité de ne pas se faire prendre : la présence de ces quatre facteurs crée un terreau fertile pour la fraude en milieu de travail. Il n’est donc pas surprenant que leur amalgame ait l’incidence à laquelle on peut s’attendre sur les actifs d’une société victime de fraude : leur disparition.

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Le sondage sur la fraude que Juricomptabilité KPMG a mené en 2009 a révélé que 70 % des fraudes occasionnaient des pertes de moins de 100 000 $, la zone idéale pour la fraude relative aux relevés de frais.

Quelles sont les répercussions possibles de la fraude relative aux relevés de frais? Ses effets peuvent être nombreux et désastreux. Outre les pertes financières, qui peuvent être beaucoup plus importantes que ce à quoi plusieurs s’attendraient, l’incidence sur une entreprise peut se révéler grave et durable. Des exemples extrêmes, comme un chef de la direction qui juge acceptable d’imputer ses dépenses à titre de récompenses, peuvent causer plus de tort que la déclaration de simples dépenses exagérées. Les employés pourraient alors considérer que ce comportement est acceptable ou constitue une forme de rémunération admise et attendue. L’imitation devient alors chose courante : ce qui s’applique au patron s’applique à tout le monde. Essentiellement, cet exemple représente l’échec d’un des éléments phares du contrôle : l’existence d’une culture éthique reconnue et éprouvée ainsi que l’exemple de bonne conduite donnée par la direction.

En outre, dans le cas de nombreuses entreprises, les irrégularités des relevés de frais sont bien plus que des distractions indésirables : une publicité négative et une atteinte à leur réputation sont à prévoir lorsque les médias, les actionnaires ou d’autres groupes d’intérêt découvrent que les dépenses ont fait l’objet de manipulations irrégulières. Bien que dans certains territoires, les dépenses douteuses soient régulièrement le principal objet des commentaires formulés à l’égard des politiciens, des sociétés d’État et des autres institutions financées par les deniers publics, leur incidence négative ne se limite pas à de telles entités. Il est très normal de s’attendre à ce que les personnes qui occupent des postes de responsabilité traitent les fonds qui leur sont confiés avec soin et diligence. Dans le cas contraire, si ni ces personnes ni d’autres employés se situant à un niveau inférieur dans la hiérarchie organisationnelle ne font preuve de cette diligence, de sérieuses et réelles questions devraient être posées et le seront sans doute.

Pour bien comprendre le risque auquel est exposée une entreprise quant à la fraude relative aux relevés de frais, il importe de savoir comment ces fraudes peuvent être commises. Quatre grands types d’irrégularités des relevés de frais peuvent être distingués :

Demande de remboursement de dépenses personnelles

Le stratagème le plus simple consiste à demander un remboursement des dépenses personnelles (par opposition aux dépenses d’entreprise). Par exemple, un employé invite sa conjointe et leurs enfants au restaurant, et soumet le reçu à titre de « frais de prospection ».

Parmi tous les types d’abus en matière de dépenses, certains diront de cette catégorie qu’il s’agit d’une question d’interprétation compte tenu des circonstances. Par exemple, si, dans le cadre d’une sortie du vendredi soir, une personne paie les consommations de ses amis, puis, la conversation se transforme en discussion d’affaires utile pouvant mener à une vente éventuelle, s’agit-il d’une dépense justifiable? Mais qu’en est-il lorsque la discussion est moins productive d’un point de vue professionnel?

Dépenses exagérées

Cette situation survient lorsqu’un employé engage effectivement une dépense d’entreprise, mais demande un remboursement supérieur au montant réel. Il peut s’y prendre de plusieurs façons. Par exemple :

  • en achetant un article dans un magasin, en soumettant une demande de remboursement, puis en retournant l’article au magasin pour se faire rembourser;
  • en « arrondissant » les dépenses en espèces, comme l’ajout d’un pourboire dans sa demande de remboursement pour repas au restaurant qui est beaucoup plus élevé que celui du pourboire réellement laissé;
  • en étant de connivence avec un autre employé qui examine ou traite les demandes de remboursement : le montant excédentaire de la dépense peut alors être partagé avec le complice qui ferme les yeux sur la situation;
  • en suivant les directives d’un superviseur qui a ordonné à l’employé de gonfler les dépenses afin de créer une caisse noire à d’autres fins, laquelle peut ensuite servir à étaler les dépenses (c.-à-d. manipulation des résultats financiers relatifs aux primes liées au rendement ou aux autres incitatifs) ou servir de surplus monétaires (comme dans le cas du stratagème précédent, les fraudeurs se partagent l’argent).

Dépenses fictives

Ce stratagème est tout indiqué pour les fraudeurs les plus créatifs. Les employés créent simplement de fausses dépenses pour lesquelles ils demandent un remboursement comme si elles étaient réelles et justifiées. Par exemple :

  • création de faux reçus. De nos jours, la technologie de conception graphique facilite grandement ce processus. Même le plus novice des utilisateurs d’ordinateur peut imprimer un faux reçu qui n’attirera pas l’attention de l’examinateur moyen (d’ailleurs, les examinateurs auraient intérêt à savoir reconnaître un modèle de facture Excel);
  • obtenir des reçus contrefaits d’amis ou d’autres sources. Il peut s’agir de reçus « en blanc » (qui donnent plus de liberté aux fraudeurs), ou de vrais reçus, mais pour des dépenses engagées par d’autres personnes et qui n’ont assurément aucun lien avec les affaires (p. ex., le reçu du voisin pour les dépenses engagées dans le cadre du souper d’anniversaire de son fils).

Remboursements multiples

Un peu plus audacieux, ce stratagème est employé lorsqu’un employé tente de soumettre les mêmes dépenses plus d’une fois. Selon le processus de remboursement des dépenses de la société, cette tentative peut prendre plusieurs formes :

  • soumission des dépenses à deux personnes différentes, en supposant qu’elles ne compareront pas les reçus;
  • soumission des dépenses espacée dans le temps, en espérant que l’examinateur n’en garde aucune trace;
  • soumission de la facture du magasin pour la première demande de remboursement, puis soumission d’une facture de carte de crédit pour une deuxième demande;
  • soumission du reçu original, puis soumission d’une photocopie. La facturation électronique étant de plus en plus courante (notamment la facturation de nombreux fournisseurs de téléphonie cellulaire), il devient de plus en plus difficile de déterminer en quoi consiste une facture « originale ».

Même si, pris séparément, l’un ou l’autre de ces stratagèmes peut sembler anodin, la valeur monétaire des pertes peut s’additionner rapidement. Selon les estimations qui ressortent d’un sondage, une société canadienne type accuse une baisse de 5 % de son chiffre d’affaires annuel en raison de fraudes1. Par comparaison avec la corruption et la fraude dans les états financiers, le détournement d’actifs (qui comprend la fraude relative au relevé de frais) est, de loin, le type de fraude le plus répandu. C’est ce qu’a permis de démontrer un récent sondage, qui indiquait que cette catégorie représentait 86,3 % des fraudes professionnelles auxquelles l’échantillon avait dû faire face2. Dans un contexte où prévalent la réduction des coûts et la recherche d’économies dans tous les secteurs en vue de l’amélioration des résultats financiers, cette information devrait suffire pour que les sociétés envisagent de donner la priorité à un audit interne du remboursement des dépenses ou soumettent le processus à un examen proactif du risque de fraude.

Par contre, les répercussions non financières sont peut-être plus inquiétantes en ce qui concerne ce type de comportement. En cette période de reprise économique, tandis que les entreprises essaient d’améliorer leurs résultats financiers, les employés luttent pour restaurer leurs finances personnelles. Ainsi, quelques dollars ici et là peuvent suffire pour qu’ils parviennent à combler leur « besoin ». Toutefois, un employé dont le relevé de frais truqué est toujours passé inaperçu est beaucoup plus susceptible de récidiver, soit un cas d’« opportunisme » dans lequel il n’existe qu’une mince « probabilité de se faire prendre ». Par la suite, un relevé de frais gonflé peut sembler insignifiant, ainsi, l’excitation et la « prime en espèces » reçue par l’employé peuvent suffire à transformer le « besoin » de départ en « cupidité ». De par leur nature, toutes les fraudes comportent un abus de confiance.

L’impunité d’un remboursement malhonnête des dépenses peut constituer un terrain glissant vers d’autres comportements déloyaux. Imaginons un cadre qui gonfle çà et là son relevé de frais de 20 $ ou 30 $ (et les statistiques et l’expérience démontrent que ce sont souvent les cadres qui commettent ce genre de fraude). Qu’est-ce que ce comportement nous apprend sur son sens moral? S’il n’a pas besoin de l’argent, s’agit-il de cupidité, d’insouciance? Quelles autres décisions seront fondées sur cette attitude avide ou blasée?

Bien que la réaction instinctive à une telle situation soit l’instauration d’une politique de tolérance zéro, certaines « zones grises » doivent être éclaircies au moment d’élaborer un programme visant à prévenir et à détecter la fraude relative aux relevés de frais et à y faire face. Songez à ce que serait votre réaction dans les scénarios suivants :

  • Après un voyage d’affaires de deux semaines, un employé a perdu certains des reçus de repas pour lesquels il avait légitimement droit à un remboursement en vertu de la politique de voyages de l’entreprise. Pour s’assurer de ne rien payer de sa poche et pour éviter d’avoir à expliquer la situation au service de la comptabilité, l’employé gonfle ses reçus de taxi (évidemment, le chauffeur ne les avait pas remplis) pour couvrir le coût des reçus perdus. Bien que ce scénario n’engendre aucune perte financière pour l’entreprise, ce comportement est-il acceptable?

  • Pour tuer le temps dans le cadre d’un long voyage d’affaires en solitaire, une employée commande des films à la carte de la télévision de sa chambre d’hôtel chaque soir, pendant deux semaines. Pour éviter d’avoir à séparer les coûts et pour justifier que cette dépense est de toute façon négligeable et qu’elle fait partie des coûts de voyage d’affaires, elle soumet le montant total du reçu de l’hôtel aux fins d’un remboursement sous la rubrique « hébergement ». Le coût de location des films est-il une dépense d’affaire appropriée? Auriez-vous fermé les yeux si l’employée ne s’était loué qu’un seul film, et non quatorze? Le type de film commandé influence-t-il votre décision?

  • Une employée réserve un vol pour un voyage d’affaires à venir, puis elle soumet sans tarder les frais pour obtenir un remboursement et ainsi, ne pas payer de frais de retard sur sa carte de crédit. Après le remboursement, le voyage est annulé et elle obtient un crédit pour le vol non remboursable. Il s’écoule presque un an sans qu’elle ait à voyager de nouveau par affaire. Lorsqu’elle se rend compte que le crédit est sur le point d’arriver à échéance, elle décide de l’utiliser pour un week-end en amoureux, et justifie cette décision par le fait que le crédit aurait été gaspillé de toute façon. Encore ici, aucune perte financière n’est subie, mais quelles sont les conséquences d’une telle situation? Qu’adviendrait-il si ses collègues avaient vent de cette transaction?
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Prévention

  • Mettez en place des politiques et procédures appropriées relativement au remboursement des frais. Ayez des exigences précises afin que les employés ne se posent pas de questions (ou fassent des interprétations inappropriées en leur faveur). Exigez-vous une addition détaillée du restaurant, ou simplement le reçu de carte de crédit? Est-ce que des reçus sont exigés dans le cas de toutes les dépenses, ou seulement dans le cas des dépenses au-dessus d’un certain seuil?

  • Mettez en œuvre des procédures d’examen appropriées. Assurez-vous que l’examen est effectué par une personne qui connaît bien les activités des employés et qui sera en mesure de juger si la dépense est nécessaire, acceptable et raisonnable. Si le processus d’examen donne l’impression d’être trop fastidieux, envisagez de le décentraliser en confiant l’examen à différentes personnes, ou en adoptant une approche axée sur les risques ou une méthode d’évaluation. Quoi qu’il en soit, assurez-vous que les examinateurs savent qu’ils sont responsables de ce qu’ils approuvent.

  • Soyez précis sur les conséquences d’une violation des politiques de l’entreprise. Les employés sont moins susceptibles de commettre une infraction s’ils sont clairement en mesure de prévoir les conséquences de leurs actes. Compte tenu des « zones grises », les conséquences d’une violation peuvent s’avérer difficiles à déterminer. Toutefois, un traitement équitable de tous les employés constitue une pratique exemplaire.

  • Élaborez une procédure pour le traitement des exceptions. Soyons réalistes. Même l’employé le plus honnête peut perdre un reçu de temps à autre. Plutôt que de refuser systématiquement le remboursement, élaborez un protocole qui permet d’aborder la situation. Existe-t-il d’autres preuves? L’approbation adéquate avait-elle été obtenue avant que la dépense soit engagée? À quelle fréquence cette situation est-elle survenue?

  • Communiquez les politiques et procédures de l’entreprise et offrez une formation adéquate. Envisagez d’offrir aux examinateurs de relevés de frais une formation particulière qui leur permettra d’identifier les activités inhabituelles.

Détection

  • Mettez en œuvre des examens appropriés des relevés de frais. Un examen diligent est l’un des meilleurs moyens pour détecter les dépenses inappropriées. En conservant les documents adéquats et détaillés, vous serez également bien outillé en cas de vérification fiscale ou autre vérification réglementaire.

  • Envisagez d’avoir recours à une analyse proactive des données électroniques pour détecter les anomalies. Cette approche est particulièrement utile dans le cas des grandes sociétés qui traitent un volume élevé de données. Par exemple, si votre politique prévoit qu’il faut fournir des reçus pour toute dépense supérieure à 25 $, la soumission répétitive de reçus au montant de 24,95 $ pourrait mériter un examen approfondi. D’autres routines électroniques, telles que l’application de la « loi de Benford3 », permettent d’identifier statistiquement les tendances inhabituelles sur lesquelles il vaut la peine de se pencher.

  • Testez la conformité. Malgré les efforts déployés, le processus d’examen des relevés de frais peut donner l’impression d’être fastidieux et insignifiant en comparaison des autres tâches quotidiennes des employés et de la direction. Rappelez aux employés que leurs relevés de frais ne passent pas inaperçus en procédant à un examen annuel du processus dans le cadre du programme de vérification interne de la société.

  • Faites preuve de jugement. L’examen va bien au-delà de la simple vérification d’un reçu. Il vise à s’assurer du caractère raisonnable de la dépense. Est-elle justifiée et appropriée dans les circonstances? L’examen prévoit aussi que vous vous teniez à jour à l’égard des stratagèmes courants. Bien que cette possibilité puisse sembler absurde, les employés peuvent consulter des blogues sur les meilleures façons de faire accepter de fausses dépenses par leur employeur, y compris l’utilisation d’outils et de technologies permettant de créer de faux reçus. Il existe notamment des sites Web qui permettent de commander ou d’imprimer de faux reçus. Si la compréhension de l’anglais ne vous pose pas de problème, essayez de chercher « how to expense a steak » dans Google…

Réponse

  • Posez des questions. Si quelque chose semble louche, il peut valoir la peine de se pencher sur la question. Selon la situation, il peut être nécessaire de demander à l’employé de fournir davantage de renseignements, ou une meilleure explication concernant la nature de la dépense. Lorsque les employés savent que les dépenses sont examinées avec diligence, ils sont moins susceptibles de faire preuve d’exagération relativement à l’interprétation de ce qu’est une dépense et plus susceptibles d’éviter les ambiguïtés relatives au remboursement des dépenses.

  • Enquêtez, s’il y a lieu. Selon les preuves, une enquête plus approfondie peut être justifiée. Dans le cas de stratagèmes plus complexes, il est utile d’avoir recours à des conseillers externes (comme des conseillers juridiques ou des juricomptables) qui vous aideront tout au long du processus d’enquête et de poursuite, si une poursuite s’avère nécessaire. Bien que les enquêtes puissent être perçues comme dispendieuses par rapport à l’infraction, songez aux conséquences indirectes d’une culture d’entreprise qui préconise l’absence d’enquête. Voulez-vous vraiment que vos employés testent les limites de l’entreprise avant qu’elle décide de mettre en œuvre des procédures d’enquête?

  • Sanctionnez adéquatement les contrevenants. Les cas de violations des politiques de l’entreprise ne devraient pas passer inaperçus. Si les actes des contrevenants demeurent sans conséquence, il est probable que d’autres employés les imiteront, puisqu’ils s’attendront à pouvoir s’en sortir indemnes.

Par-dessus tout, il est important que la direction donne le bon exemple. Si la politique relative aux relevés de frais est perçue comme étant juste (ce qui signifie équitable pour tous les employés), les employés auront moins tendance à essayer de profiter du système. Décidez de ce que l’entreprise tolérera, et n’en démordez pas. Offrez aux employés la possibilité de prendre des décisions morales, et encouragez ce genre de décisions. Vous constaterez certainement que les employés qui n’ont rien à cacher ne cacheront rien du tout.

Indicateurs potentiels de violation des relevés de frais

  • photocopies;
  • reçus numérotés en ordre séquentiel;
  • reçus sans numéro d’inscription aux fins de la TPS;
  • déclaration répétitive d’un montant se situant juste en dessous du seuil pour lequel un reçu est exigé (p. ex., dépenses fréquentes de 24 $ lorsque le seuil est fixé à 25 $);
  • formulaires d’inscription (à des conférences, des cours, etc.) sans preuve de paiement, comme un reçu ou une facture appropriés;
  • reçus qui ont simplement l’air louche : fautes d’orthographe, marque d’altération, papier à en-tête de qualité médiocre;
  • reçus qui semblent familiers : ont-ils déjà été soumis?
  • soumissions tardives : l’employé pourrait espérer que vous ne vous souviendrez pas si la dépense était de nature professionnelle ou si elle a déjà été soumise.

 Tiré de: Fraudes relatives aux relevés de frais | KPMG | CA  
Lien vers le document  
http://www.kpmg.com/ca/fr/topics/at-risk-magazine/pages/fraudesrelativesauxrelev%C3%A9sdefraismenuemonnaieoudollarsn%C3%A9fastes.aspx

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