samedi 7 septembre 2013

Certains principes relatif à la plaidoirie du ministère public

Delisle c. R., 2013 QCCA 952 (CanLII)


[118]     L'appelant présente une série de critiques à l'endroit de la plaidoirie du ministère public. Il lui reproche d'avoir représenté faussement la preuve, d'avoir invité le jury à spéculer, d'avoir donné son avis personnel sur la crédibilité des témoins et d'avoir, selon lui, ridiculisé la position de l'appelant. Le juge n'aurait pas remédié adéquatement à ces irrégularités, ce qui aurait compromis le droit de l'appelant à un procès équitable.
[119]     Le ministère public rétorque qu'il est en droit d'argumenter et que son rôle ne se limite pas à résumer la preuve, comme semble le croire l'appelant. Il répond aux principaux reproches qui lui sont adressés, soulignant qu'il a rappelé maintes fois aux jurés qu'ils ne devaient pas se fier à son opinion et que la tâche d'apprécier les faits leur revenait. Le ministère public termine en notant que l'appelant a porté ces irrégularités alléguées à l'attention du juge lors du procès, qui a corrigé certaines d'entre elles, mais en a sciemment écarté d'autres, une décision qui mérite déférence.
[120]     Le juge Rand décrit le rôle du procureur du ministère public dans un passage maintes fois cité de l'arrêt Boucher c. R.  :
It cannot be over-emphasized that the purpose of a criminal prosecution is not to obtain a conviction, it is to lay before a jury what the Crown considers to be credible evidence relevant to what is alleged to be a crime. Counsel have a duty to see that all available legal proof of the facts is presented: it should be done firmly and pressed to its legitimate strength but it must also be done fairly. The role of prosecutor excludes any notion of winning or losing; his function is a matter of public duty than which in civil life there can be none charged with greater personal responsibility. It is to be efficiently performed with an ingrained sense of the dignity, the seriousness and the justness of judicial proceedings.
[121]     Ce rôle restreint la liberté du ministère public lorsqu'il s'adresse au jury dans son exposé final. Ces limites sont énoncées en ces termes par la Cour suprême dans l'arrêt Rose :
[107]   […] Dans cet exposé, le substitut du procureur général doit faire preuve de rigueur et d'objectivité. Il ne doit faire allusion à aucun fait qui n'a pas été établi et il ne peut présenter comme des faits à prendre en considération en vue de déclarer l'accusé coupable des affirmations pour lesquelles il n'y a pas de preuve ou qui sont fondées sur son observation et son expérience personnelle comme avocat. […] Lorsqu'il présente son exposé, le substitut du procureur général a le devoir de s'en tenir à la preuve et de limiter ses moyens de persuasion aux faits qui ont été déposés en preuve devant le jury; […]
[122]     Par contre, cela ne signifie pas que le ministère public ne peut pas s'efforcer de convaincre le jury de sa position, comme le fait remarquer la Cour d'appel de l'Ontario dans l'arrêt R. c. Daly :
A closing address is an exercise in advocacy. It is a culmination of a hard fought adversarial proceeding. Crown counsel, like any other advocate, is entitled to advance his or her position forcefully and effectively. Juries expect that both counsel will present their positions in that manner and no doubt expect and accept a degree of rhetorical passion in that presentation.
[123]     Pour décider si la Cour d'appel doit intervenir en raison d'une plaidoirie inappropriée du ministère public, il faut tenir compte à la fois de la plaidoirie et des directives finales du juge, dans l'objectif ultime de déterminer « whether the objectionable comments are seen to have deprived the accused of his right to a fair hearing on the evidence presented at trial ».

[136]     Il était certes inhabile de la part du procureur du ministère public de donner son opinion sur la crédibilité des témoins. De tels propos sont à éviter puisqu'il appartient au jury, et non aux avocats, de décider de la crédibilité des témoins. Or, cette technique n'est illégale que si le procureur suggère au jury que son opinion repose sur des faits dont il n'a pas connaissance, ou bien s'il invite le jury à suivre son opinion sur la foi de son autorité ou de son expérience. Il n'y a rien de tel en l'espèce, puisque le procureur a répété à plusieurs reprises au cours de sa plaidoirie que le jury était le seul maître des faits et de l'appréciation de la crédibilité des témoins. Dans ses directives finales, le juge a également rappelé au jury qu'il lui appartenait de décider des faits et de la crédibilité des témoins.

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