lundi 6 avril 2015

Le vol par détournement

R. c. Nivyabandi, 2015 QCCQ 1099 (CanLII)


[26]      La Cour suprême du Canada dans R. c. Mylne, aura rappelé les principes et l'application du droit lorsque des sommes sont déposées erronément dans un compte de banque par une institution financière et ces circonstances qui peuvent engager la responsabilité pénale d'une titulaire de compte qui les retire.
[27]      «Lorsqu’un bien est erronément cédé à une personne qui connaît l’erreur, il n’y a pas de transfert de propriété aux fins du droit criminel si, en droit des biens, le transfert initial est nul ou simplement annulable et que le cédant jouit d’un droit de recouvrement.»  La distinction entre les transferts nuls et ceux susceptibles d’annulation n’a pas de raison d’être dans le contexte du droit criminel. « Dans l’un ou l’autre cas, lorsque le droit des biens accorde au moins un droit de recouvrement, la propriété n’est pas transférée aux fins du droit criminel.  Si le cessionnaire détourne alors le bien à son propre usage, frauduleusement et sans apparence de droit, dans l’intention d’en priver le cédant, il se rend coupable de vol». «En l’espèce, il y a lieu de rétablir la déclaration de culpabilité.  Le juge du procès a conclu que l’accusé savait que c’était par erreur que le second chèque avait été émis à l’ordre de sa société.  Par conséquent, la propriété du chèque en cause n’a pas été transférée à la société de l’accusé aux fins du droit criminel.  Le juge du procès a conclu en outre qu’en déposant le second chèque dans le compte de sa société pour ensuite retirer l’argent, l’accusé a détourné les fonds à son propre usage dans l’intention d’en priver la Cie B.H.  Ce détournement a été fait frauduleusement et sans apparence de droit, car l’accusé savait que le chèque avait été émis par erreur.»
[28]      Dans le dossier Queen v. Parkes, interrogée, la propriétaire d'une maison où résidait un vétéran, accusé de vol avait détournée à son nom des fonds considérable en provenance de fonds, de rentes versées à la victime dont il était propriétaire. Ces fonds avaient été détournés frauduleusement et sans apparence de droit et dans l'intention de priver la victime de ces fonds.  Le mot frauduleusement signifie «malhonnêtement, immoralement, trompeusement». La Cour d'appel du Manitoba avait qualifié ainsi la fraude en disant qu'elle possédait les caractéristiques de la turpitude morale, quelque chose de la nature de la tromperie, de la supercherie (ruse), de la fourberie (astuce), enfin des comportements assimilables.
[29]      Dans R. c. Skalbania, 1997 CanLII 337 (CSC)[1997] 3 R.C.S. 995, la Cour suprême du Canada avait affirmé que «La deuxième question concerne la mens rea requise pour prononcer une déclaration de culpabilité en vertu du par. 332(1).  Nous sommes d’accord avec le juge Rowles de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique pour dire qu’un détournement intentionnel, et non par erreur, est suffisant pour établir la mens rea requise en vertu du par. 332(1) :  voir Lafrance c. La Reine1973 CanLII 35 (CSC)[1975] 2 R.C.S. 201;R. c. Williams[1953] 1 Q.B. 660 (C.A.).  Le mot «frauduleusement» utilisé dans ce paragraphe ne connote rien de plus.  La malhonnêteté inhérente à l’infraction réside dans l’affectation intentionnelle, et non par erreur, de fonds à une fin irrégulière.» L'arrêt Skalbania est celui d'un investisseur dans une entreprise qui avait intentionnellement et certes pas par erreur détourné des fonds au terme d'une entreprise sans dévoiler les difficultés financières de l'entreprise.
[30]      La Cour d'appel de l'Ontario dans R. v. DeMarco aura rappelé le sens de l'apparence de droit.  Une personne agirait sans apparence de droit si sachant qu'elle n'a pas un droit légal de prendre, elle s'approprie un bien. L'intention de voler s'apprécie, se détermine objectivement en référence à ce qu'une personne raisonnable utilisant un bon sens commun inférerait et aussi en référence aux conséquences naturelles des actions de cette même personne qui alors reçoit et retient ou détourne les sommes reçues.  L'apparence de droit peut résulter d'une erreur de droit civil ou d'une erreur de fait alors que dans les deux cas, cette erreur présuppose la croyance honnête dans un intérêt de propriétaire ou de possesseur dans le bien dit volé ou une croyance honnête dans un état de fait que s'il s'avait existé aurait justifié ou excusé le comportement reproché.
[31]      Dans R. c. Johnson, la Cour d'appel du Manitoba, suite à des versements indus dans un compte de banque d'un accusé, avait renversé un verdict d'acquittement et condamné un jeune qui, sachant que la somme déposée dans son compte de banque n'était pas sienne et qui l'avait utilisé pour s'acheter un véhicule. La conversion des sommes à son usage personnel sans apparence de droit et frauduleusement constituait l'infraction. Le degré de connaissance est inféré des termes utilisés par cet accusé durant son témoignage alors qu'il aura dit que cela l'avait renversé, emballé, ravi. Et le juge Monnin de la Cour d'appel du Manitoba d'ajouter qu'en ce qui le concerne, cela suffisait amplement pour faire de cette conversion de fonds un vol pour lequel il aurait dû être trouvé coupable.

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