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[8] Reste le troisième moyen d'appel : la crainte raisonnable de partialité de la part du juge de première instance.
[9] L'appelant a appris en juin 2013 (donc, après le prononcé du jugement entrepris) que, pendant le procès, le juge avait pris connaissance d'informations le concernant en lien avec un réseau de trafic de stupéfiants dont, selon les policiers, il serait l'une des têtes dirigeantes.
[10] Les procédures et documents soutenant ce moyen d'appel ont fait l'objet d'une requête pour preuve nouvelle qui n’a pas été contestée par le ministère public et que la Cour a accueillie le 23 octobre 2013.
[11] Le devoir d'impartialité des juges est intimement lié au droit de tout accusé à un procès juste et équitable
[12] Les tribunaux canadiens et les juges qui y siègent jouissent d'une forte présomption d'impartialité. Il appartient à la partie qui l'invoque de démontrer la partialité du juge. Lorsque celle-ci est établie, la cour ordonnera la tenue d'un nouveau procès; la partialité du juge participe de l'erreur judiciaire.
[13] Le critère à appliquer en matière de crainte raisonnable de partialité est énoncé par la Cour suprême dans R. c. S. (R.D.). La crainte de partialité doit être raisonnable et être le fait d'une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique.
[14] En l'espèce, le juge a été appelé à autoriser l'exécution de certains mandats à l'encontre de l'appelant alors que le procès était toujours en cours. Il a ainsi pris connaissance d'éléments de preuve préjudiciables à l'appelant, mais dans une affaire qui n'avait rien à voir, ni de près ni de loin, avec l'infraction qui lui était reprochée dans le présent dossier.
[15] Le juge est présumé connaître le droit. Il sait parfaitement bien que cette information ne constitue pas de la preuve dans le dossier dont il est saisi et qu'il ne doit pas en tenir compte.
[16] La situation décriée par l'appelant n'est pas idéale – le ministère public le reconnaît d'ailleurs – mais elle n'est pas différente de celle du juge qui préside un procès après avoir, quelques semaines ou mois plus tôt, présidé l'enquête préliminaire ou la requête pour remise en liberté de l'accusé; ou encore, du juge qui entend le procès d'un accusé impliqué dans une autre affaire qu'il a entendue quelques semaines, mois ou années plus tôt. Or, dans tous ces cas, à une ou deux exceptions près, les tribunaux ont conclu qu'il n'y avait pas là matière à susciter une crainte raisonnable de partialité de la part du juge. Les affaires Giroux, Perciballi et Slaney en sont quelques exemples.
[17] Dans toutes ces situations, y compris celle en l’espèce, c'est plutôt le comportement du juge qui, dans chaque cas, doit être analysé pour déterminer s'il existe une crainte raisonnable de partialité.
[18] Tous les jours, les juges excluent au terme d'un voir-dire des éléments de preuve proposés par le ministère public (par exemple, une confession faite par l'accusé aux policiers) et continuent quand même à présider les procès sans que l'on songe à invoquer une crainte raisonnable de partialité de leur part.
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