mardi 2 février 2016

Le requérant doit demander l'autorisation du Tribunal afin de contre-interroger l'affiant d'un mandat

Bellefroid c. R., 2010 QCCS 4567 (CanLII)


[9]               Le requérant demande donc la permission de contre-interroger l'affiant pour les motifs qui apparaissent au paragraphe 4 de sa requête et qui sont ainsi décrits à celle-ci :
"a) Cet interrogatoire est nécessaire à une défense pleine et entière;

b) Le requérant a des motifs de penser ou de croire que le contre-interrogatoire apportera un témoignage tendant à réfuter la présence d'une des conditions préalables à l'autorisation, notamment en ce qui a trait à l'existence de motifs raisonnables et probables;

c) Le requérant soutient que le contre-interrogatoire démontrera qu'il n'y a aucun fondement justifiant la délivrance de l'autorisation; .

d) Le requérant a des motifs de penser que les informations mentionnées dans l'affidavit ont été insérées de façon abusive."
[10]            Si le requérant demande la permission d'interroger l'affiant c'est parce que la Cour suprême du Canada, plus particulièrement dans l'arrêt R. c. Garofoli, établit la norme de contrôle applicable et précise ensuite clairement, dans le cas d'une contestation de l'admissibilité d'une preuve obtenue par écoute électronique suite à une autorisation judiciaire, qu'il faut obtenir une autorisation préalable pour contre-interroger l'affiant.
[11]            Dans cette décision, la Cour suprême affirme qu'une telle autorisation de contre-interroger relève de l'exercice du pouvoir discrétionnaire du juge du procès et ne devrait être accordée que lorsque celui-ci est convaincu que le contre-interrogatoire est nécessaire pour permettre à l'accusé de préparer une défense complète.
[12]            Il faut entre autre que l'accusé démontre qu'il a des motifs de penser que le contre-interrogatoire apportera un témoignage tendant à réfuter la présence d'une des conditions préalables à l'autorisation, telle que, comme soulevé dans le présent dossier, l'existence ou l'absence de motifs raisonnables et probables.
[13]            Dans un arrêt un peu plus récent, La Reine c. Pires et Lising la Cour suprême se penche de nouveau sur cette question du droit de l'accusé de contre-interroger les affiants, et tout en reprenant certains extraits de l'arrêt Garofoli, précise ce qui suit:
"40      Comme nous l'avons vu, l'obligation faite dans Garofoli d'obtenir la permission de contre-interroger n'est qu'un moyen d'éliminer les instances inutiles, qui n'aideraient vraisemblablement pas à la résolution des questions pertinentes. La raison pour laquelle le critère laisse généralement peu de place au contre-interrogatoire ne tient pas à sa rigueur, mais plutôt à la gamme restreinte des motifs justifiant l'annulation d'une autorisation. Par conséquent, pour déterminer s'il y a lieu de permettre un contre-interrogatoire, les avocats et le juge doivent s'attacher strictement à la question à trancher dans le cadre d'une révision de type Garofoli – soit celle de savoir s'il existait des motifs permettant au juge qui a accordé l'autorisation de rendre l'ordonnance. S'il est peu probable que le contre-interrogatoire projeté aide à trancher cette question, il ne doit pas être autorisé. Par contre, si ce contre-interrogatoire se situe dans les limites restreintes de cette procédure de révision, la défense n'est pas tenue d'aller plus loin et de démontrer qu'il permettra de réfuter une ou plusieurs des conditions légales préalables à la délivrance de l'autorisation. Une telle norme aussi stricte a été rejetée dans l'arrête Garofoli. Tout ce qu'il suffit d'établir, c'est la probabilité raisonnable que le contre-interrogatoire aidera le tribunal à trancher une question substantielle."
[14]            Dans la requête en exclusion de la preuve pour laquelle le requérant demande la permission de contre-interroger l'affiant, il s'attaque à deux mandats de perquisition. D'abord à celui exécuté chez lui le 8 juin 2005. Il le conteste au niveau de son autorisation. Le requérant conteste ensuite le mandat général portant le numéro 755-26-002735-045 non pas en ce qui concerne les conditions de son autorisation, mais plutôt en ce qui concerne son exécution.
[15]            Il apparaît assez clair au tribunal qu'il ne lui sera d'aucune utilité que le requérant contre-interroge l'affiant sur un affidavit antérieur à l'exécution d'un mandat général pour ce qui concerne non pas son autorisation, mais plutôt son exécution ultérieure. 
[16]            D'autre part, en ce qui concerne le mandat de perquisition plus spécifique à la propriété du requérant, le tribunal n'est pas convaincu que cet interrogatoire est nécessaire à une défense pleine et entière ou qu'il permettrait, compte tenu de tous les éléments de l'affidavit, de l'éclairer de façon meilleure ou plus complète quant aux conditions préalables à l'autorisation ou tel que le mentionne spécifiquement le requérant en ce qui a trait à l'existence des motifs raisonnables et probables justifiant un tel mandat de perquisition.
[17]            À première vue, un seul des motifs invoqué à l'appui de la requête du requérant aurait peut-être pu justifier un contre-interrogatoire, soit celui apparaissant au paragraphe 4 d) de la requête :
"4 d) Le requérant a des motifs de penser que les informations mentionnées dans l'affidavit ont été insérées de façon abusive."
[18]            Toutefois, bien que le requérant fasse cette affirmation, et qu'elle est appuyée de l'affidavit de sa procureure sans qu'il y joigne son propre affidavit, il n'apporte aucune preuve, aucun argument, aucun indice sérieux permettant de justifier cette affirmation générale. Celle-ci est à première vue lourde de sens, mais apparaît dénuée de fondement factuel ou de motifs spécifiques.
[19]            Le contre-interrogatoire apparaît donc sur ce sujet plus comme une expédition de pêche que comme ayant un objectif spécifique fondé sur des éléments sérieux.
[20]            Le requérant ne mentionne dans sa requête que des généralités qui ne sont toutefois supportées par aucune allégation spécifique de nature à mettre en doute l'existence des conditions préalables à l'autorisation de mandat ou justifiant d'examiner par contre-interrogatoire l'existence d'informations insérées de façon abusive.
[21]            Le tribunal considère donc que le requérant ne l'a pas convaincu de la probabilité raisonnable que le contre-interrogatoire l'aidera à trancher la question substantielle de savoir si les mandats de perquisition ont été obtenus sur la foi de motifs justifiant leur autorisation et si le mandat général a été exécuté en ce qui concerne certains biens se trouvant sur la propriété du requérant dans le respect dudit mandat et des droits du requérant.

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