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mardi 15 août 2023

Les principes applicables à la révision de type Garofoli

 O'Reilly c. R., 2017 QCCA 1283 

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[115]     Lors d’un procès criminel, un « voir-dire » est l’examen, par le juge, de l’admissibilité d’un élément de preuve qu’une partie souhaite présenter au procès[47]. Le voir-dire a pour but de vérifier si les conditions juridiques requises sont réunies pour que la mise en preuve de cet élément soit autorisée ou, dit autrement, pour permettre qu’il soit considéré par le jury ou, selon le cas, pris en compte par le juge des faits. Selon les situations, la portée du voir-dire, son contenu et les règles du fardeau de la preuve qui lui sont applicables varient. En l’espèce, il est question de voir-dire en situation de contestation d’autorisations judiciaires requises et obtenues.

[116]     En pareille situation, il est possible pour une partie de présenter une preuve particulière portant sur la question de l’admissibilité de l’élément de preuve contesté, soit au moyen d’un témoin, d’une admission, d’un extrait de la transcription d’un témoignage antérieur, d’un élément matériel, etc., mais cette preuve particulière n’est pas toujours nécessaire, ni même utile. Il est donc important de distinguer entre le voir-dire  et l’administration d’une preuve recueillie dans le cadre d’un voir-dire, car il s’agit de deux sujets nettement distincts.

[117]     Lorsque le ministère public souhaite présenter au procès un élément de preuve obtenu au moyen d’une fouille, perquisition ou saisie, l’accusé peut contester l’admissibilité de cet élément de preuve en se fondant, notamment, sur la Charte, comme c’est le cas en l’occurrence. Lors du voir-dire tenu afin de trancher cette contestation, l’admissibilité de l’élément de preuve obtenu grâce à la fouille, perquisition ou saisie sera généralement déterminée en fonction de deux considérations[48]. La première est la question de savoir si la fouille, perquisition ou saisie était abusive au sens de l’article 8 de la Charte. La deuxième est si l’admission de l’élément de preuve ainsi obtenu déconsidérerait l’administration de la justice et s’il devrait, par conséquent, être écarté en vertu du paragraphe 24(2) de la Charte.

[118]     Lorsque la fouille, saisie ou perquisition est effectuée par une autorité policière sans autorisation judiciaire, du moment que l’accusé démontre que l’élément de preuve fut obtenu ainsi sans cette autorisation, il incombe alors au ministère public d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que la fouille, perquisition ou saisie n’était pas abusive[49].

[119]     Puisque l’autorisation judiciaire bénéficie d’une présomption de validité[50] lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, la fouille, perquisition ou saisie est effectuée sous une autorisation judiciaire, le ministère public n’a qu’à produire l’autorisation judiciaire en cause, lors du voir-dire, pour en établir la validité à première vue. Comme le signalait la juge Charron dans R. c. Pires, il s’agit là simplement d’un fardeau de présentation, («evidentiary burden»), et non d’un fardeau de persuasion,  («persuasive burden»)[51].

[120]     Une fois l’autorisation judiciaire présentée, il appartient alors à l’accusé d’en établir l’invalidité par prépondérance de preuve[52] dans le cadre du voir-dire. Cela peut s’effectuer de deux façons : soit l’accusé conteste la validité apparente (« acial validity») de l'autorisation, soit il s’attaque à la validité au fond («sub-facial validity») de celle-ci. Dans l’un ou l’autre cas, c’est l’accusé qui assume le fardeau d’établir l’invalidité de l'autorisation judiciaire. Ainsi, dans Laroche, le juge LeBel affirme clairement que l’accusé assume le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’autorisation judiciaire n’aurait pas dû être accordée, y compris lorsque l’accusé « se content[e] d’attaquer la décision d’autorisation et la suffisance des preuves soumises à son soutien comme les affidavits », ce qui correspond à une contestation visant la validité apparente du mandat[53].

[121]     La révision de la validité apparente («facial validity») s’attarde principalement à la question de la validité de l’autorisation judiciaire en examinant la dénonciation sous serment à son soutien afin de déterminer si, à première vue, elle contient des éléments suffisants permettant de la décerner. La contestation de la validité apparente (« facial validity ») de l’autorisation judiciaire se fait donc à même les arguments des avocats  portant tant sur la facture de l’autorisation que sur la dénonciation assermentée à son soutien afin de persuader le juge réviseur que les critères juridiques requis n’étaient pas réunis lorsque celle-ci fut délivrée.

[122]     La contestation de la validité au fond («sub-facial validity») de l’autorisation judiciaire s’attaque plutôt à la fiabilité des allégations contenues à la déclaration sous serment à son soutien. Voilà pourquoi une telle contestation requiert généralement l’administration d’une preuve dans le cadre du voir-dire.

[123]     Dans R. c. Araujo, le juge LeBel s’est exprimé comme suit quant à la distinction entre l’examen de la validité apparente de l’autorisation judiciaire et celle de son bien-fondé[54] :

[19]      La première grande question en litige en l’espèce est de déterminer si les faits énoncés dans l’affidavit répondent même à l’exigence de nécessité pour l’enquête que prévoit le par. 186(1).  Il s’agit d’une question de validité apparente.  De prime abord,  l’affidavit, de par sa teneur, peut‑il justifier l’octroi d’une autorisation?  Pour répondre à la question, il faut définir le critère de nécessité pour l’enquête afin de déterminer si les faits énoncés dans l’affidavit satisfont à la norme. […]

[50      Étant donné que la police n’a pas pris les mesures qui auraient pu éviter ces problèmes, je dois maintenant examiner les arguments invoqués pour contester l’affidavit au fond.  Au‑delà de la forme, ce type de contestation vise la fiabilité des énoncés de l’affidavit.  Il s’agit de déterminer en l’espèce si le juge du procès a appliqué correctement la norme de révision en matière d’autorisation d’écoute électronique vu la contestation au fond qui a résulté du contre‑interrogatoire concernant l’affidavit.

[Soulignement ajouté]

[124]     Plus récemment, dans l’arrêt Sadikov, le juge Watt a repris ces propos afin de décrire la distinction entre les contestations, lesquelles sont souvent présentées de façon simultanée, la contestation de la validité apparente étant présentée avec une demande pour contre-interroger le déclarant ou présenter une preuve afin d’en attaquer la validité au fond[55] :

[36]      […] Challenges to the constitutionality of warranted searches may involve either or both a facial and sub-facial attack on the authorizing warrant. No reason in principle requires a separate voir dire for each mode of attack, although many prefer a discrete hearing for each.

[37]      A facial validity challenge requires the reviewing judge to examine the ITO and to determine whether, on the face of the information disclosed there, the justice could have issued the warrant: R. v. Araujo2000 SCC 65, [2000] 2 S.C.R. 992, at para. 19. The record examined on a facial review is fixed: it is the ITO, not an amplified or enlarged record: R. v. Wilson2011 BCCA 252, 272 C.C.C. (3d) 269, at para. 39.

[38]      Sub-facial challenges go behind the form of the ITO to attack or impeach the reliability of its content: Araujo, at para. 50; and Wilson, at para. 40. Sub-facial challenges involve an amplified record, but do not expand the scope of review to permit the reviewing judge to substitute his or her view for that of the authorizing judicial officer: Araujo, at para. 51; and R. v. Garofoli1990 CanLII 52 (CSC), [1990] 2 S.C.R. 1421, at p. 1452. The task of the reviewing judge on a sub-facial challenge is to consider whether, on the record before the authorizing justice as amplified on the review, the authorizing justice could have issued the warrant: Araujo, at para. 51; and Garofoli, at p. 1452. The analysis is contextual: Araujo, at para. 54. The reviewing judge should carefully consider whether sufficient reliable information remains in the amplified record, in other words, information that might reasonably be believed, on the basis of which the enabling warrant could have issued: Araujo, at para. 52.

Le droit applicable à la révision de type Garofoli

 R. c. Brisson, 2023 QCCS 1973

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[31]        Toute autorisation judiciaire bénéficie d’une présomption de validité, et il appartient aux accusés d’en établir l’invalidité, que ce soit en regard de la validité apparente ou sous-apparente, en établissant que l’autorisation judiciaire n’aurait pas dû être accordée. Les accusés ont également le fardeau de démontrer, selon la balance des probabilités, la violation de leurs droits constitutionnels.

[32]        Quant aux principes applicables à la révision d’une autorisation judiciaire, le Tribunal se réfère aux résumés qu’en fait l’honorable juge David Watt dans les deux arrêts suivants de la Cour d’appel de l’Ontario.

[33]        Premièrement, voici ce qu’il écrivait dans R. v. Paryniuk[13] :

[42]   A trial judge who has to determine whether a search was authorized by law must decide whether the conditions precedent to the search authority on which reliance is placed have been satisfied. To do this, the trial judge conducts a hearing – a Garofoli application. At that hearing, the judge examines the material before the authorizing judge or justice, material which may differ from the original because portions have been redacted, for example, to protect confidential informer privilege. Evidence at the Garofoli hearing may persuade the trial judge that parts of the original material should be excised or amplified. In the end, the record becomes fixed for review purposes.

[43]   What the trial judge is required to decide on the Garofoli application is whether, based on the record before the authorizing judge or justice, as amplified on the Garofoli review, the authorizing judge could have granted the enabling order: Garofoli, at p. 1452. The judge must decide whether, after excision and amplification, there was reliable evidence which might reasonably be believed on the basis of which the search authority could have been issued: Araujo, at paras. 51, 54; R. v. Campbell2011 SCC 32, [2011] 2 S.C.R. 549, at para. 14R. v. Morelli2010 SCC 8, [2010] 1 S.C.R. 253, at para. 40. The onus of establishing that the search authority was improvidently granted rests upon the accused: Campbell, at para. 14; Morelli, at para. 131Quebec (Attorney General) v. Laroche2002 CSC 72 (CanLII), 2022 SCC 72, [2002] 3 S.C.R. 708, at para. 68.

[44]   Prior to Garofoli, fraud, non-disclosure, misleading evidence and new evidence were prerequisites to review of the enabling order: Garofoli, at p. 1452. But thereafter, the “sole impact” of the same things was to determine whether there remained any basis for the decision of the authorizing judge or justice: Garofoli, at p. 1452. See also Araujo, at para. 51; Bisson, at p. 1098.

[45]   The assessment required by Garofoli is contextual. What is involved is an analysis to determine whether there remains sufficient reliable information upon which the search authority could be grounded. This approach appropriately balances the need for judicial finality and the need to protect systems of pre‑authorization: Araujo, at para. 54. In this analysis, facts originally omitted are also considered: Morelli, at para. 60.

[46]   Essential features of the Garofoli application are excision and amplification. Erroneous information is excised from the ITO and disregarded in determining whether the essential evidentiary predicate remains: Araujo, at para. 58; Campbell, at para. 14; Morelli, at para. 41. But errors made in good faith may be corrected by amplification through the introduction of evidence that was available when the ITO was prepared: Morelli, at paras. 41-43.

[47]   A final point concerns the standard against which alleged errors or omissions in the ITO are tested. The affiant’s assertions are tested against the affiant’s reasonable belief at the time the ITO was composed, not the ultimate truth of the facts stated: World Bank Group v. Wallace2016 SCC 15[2016] 1 S.C.R. 207, at para. 122.

[34]        Deuxièmement, voici ce qu’il écrivait dans R. v. Sadikov[14] :

The Standard for Warrant Review

[83]   Warrant review begins from a premise of presumed validity: Wilson, at para. 63; and R. v. Campbell2010 ONCA 588, 261 C.C.C. (3d) 1, at para. 45, aff’d 2011 SCC 32, [2011] 2 S.C.R. 549. It follows from this presumption of validity that the onus of demonstrating invalidity falls on the party who asserts it, in this case, Sadikov.

[84]   The scope of warrant review is narrow. The review is not a de novo hearing of the ex parte application. The reviewing judge does not substitute his or her view for that of the issuing judge: Garofoli, at p. 1452; R. v. Ebanks2009 ONCA 851, 97 O.R. (3d) 721, at para. 20, leave to appeal to S.C.C. refused, [2010] 1 S.C.R. ix; and R. v. Morelli2010 SCC 8, [2010] 1 S.C.R. 253, at para. 40. The standard is whether there is sufficient credible and reliable evidence to permit a justice to find reasonable and probable grounds to believe that an offence has been committed and that evidence of that offence would be found at the specified time and place of search: Morelli, at para. 40. Said in another way, the test is whether there was reliable evidence that might reasonably be believed on the basis of which the warrant could – not would – have issued: Morelli, at para. 40Araujo, at para. 54; and Garofoli, at p. 1452.

[85]   The reviewing court does not undertake its review solely on the basis of the ITO that was before the issuing judge. The reviewing court must exclude erroneous information included in the original ITO, but may also consider, within limits, additional evidence adduced on the voir dire to correct minor errors in the ITO. Amplification evidence corrects good faith errors of the police in preparing the ITO, but does not extend to deliberate attempts to mislead the authorizing judge: Morelli, at para. 41; and Araujo, at para. 58. Evidence relied upon to amplify the record must be evidence available to investigators at the time the ITO was sworn, not information acquired later: Morelli, at para. 43.

[86]   Warrant review is an integral part – a first step – in an inquiry into admissibility of evidence proposed for reception. It is not a trial and must not take on the trappings of a trial in which the truth of the allegations contained in the indictment is explored: Ebanks, at para. 21. In establishing the record for the purposes of review, what is to be excised from the ITO is information that is erroneous, not information that is correct, or information that contradicts other information, or information with which the reviewing judge does not agree: Ebanks, at para. 21.

[87]   Warrant review requires a contextual analysis. Inaccuracies in the ITO, on their own, are not a sufficient basis on which to ground a finding of bad faith or an intent to mislead, much less to provide a basis on which to set aside the warrant: Araujo, at para. 54. The existence of fraud, non-disclosure, misleading evidence, and new evidence are all relevant but are neither a prerequisite to, nor dispositive of, the review: Garofoli, at p. 1452; and Ebanks, at para. 20.

[88]   It is no part of the reviewing judge’s mandate to determine whether she would issue the warrant on the basis of the amplified record. Nor is it the reviewing judge’s role to draw inferences, or to prefer one inference over another. The inquiry begins and ends with an assessment of whether the amplified record contains reliable evidence that might reasonably be believed on the basis of which the warrant could have issued: Morelli, at para. 40.

[35]        Ces principes sont constamment suivis par les tribunaux, dont notamment par notre Cour d’appel dans Brûlé c. R.[15].

Résumé et cadre d’analyse pour le rejet sommaire

 R. c. Haevischer, 2023 CSC 11

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[99]                          Bien que la norme de la « frivolité manifeste » en soit au cœur, le cadre d’analyse général pour le rejet sommaire exige une approche souple afin de permettre les différences entre les ressorts quant aux règles de procédure criminelle et de favoriser une approche pratique et axée sur les principes.

[100]                     Dans le cours normal d’un procès criminel, une partie dépose une requête sous‑jacente — qui peut prendre de nombreuses formes et couvrir une myriade de sujets — et la partie adverse peut répliquer en présentant une motion visant le rejet de cette requête. Cela crée un cadre d’analyse en deux volets, selon lequel les juges doivent (1) se prononcer sur la motion en rejet sommaire; et si elle est rejetée, (2) statuer sur le fond de la requête sous‑jacente.

[101]                     Les deux volets posent des questions différentes, et font intervenir des considérations distinctes de même que leurs propres normes juridiques. Au cours du premier volet, lorsque le juge statue sur la motion en rejet sommaire, la question est de savoir si, tenant pour avérés les faits et les inférences allégués, la partie réclamant le rejet sommaire a démontré que la requête sous‑jacente est manifestement frivole. Si l’affaire fait l’objet d’un voir‑dire, les juges doivent alors, pendant le deuxième volet, au terme du voir‑dire, trancher la question ultime de savoir si la requête sous‑jacente est accueillie ou rejetée sur le fond : le requérant s’est‑il acquitté du fardeau de preuve applicable et a‑t‑il établi les faits nécessaires pour répondre à chacune des exigences légales qui sous‑tendent la réparation demandée pour la requête en question?

[102]                     Toutefois, le lien entre ces volets va au‑delà de l’ordre dans lequel ils doivent être examinés car tout au long de l’analyse, les juges devront se demander comment exercer leur pouvoir discrétionnaire et leurs pouvoirs de gestion de l’instance de sorte que justice soit rendue dans les circonstances. Les juges sont maîtres de la salle d’audience et ne sont pas tenus d’instruire toutes les motions ou de tenir des types précis d’audience. Ils peuvent, par exemple, prescrire la façon dont les motions ou le voir‑dire seront instruits, particulièrement s’il convient de le faire sur la base d’un témoignage ou sous une autre forme; décider de l’ordre dans lequel les éléments de preuve sont présentés; restreindre un contre‑interrogatoire qui est indûment répétitif, sans queue ni tête, pointilleux, trompeur ou dépourvu de pertinence; imposer des limites raisonnables aux observations orales; ordonner des observations écrites; et différer des décisions (Samaniego, par. 22; Felderhof, par. 57). Les pouvoirs de gestion de l’instance comprennent aussi la faculté de réexaminer les décisions antérieures en matière de preuve ou de permettre la présentation de nouvelles requêtes en cours d’instance lorsque cela est dans l’intérêt de la justice (R. c. J.J.2022 CSC 28, par. 86). Une motion présentée par un avocat visant l’obtention de directives commande aussi un exercice des pouvoirs de gestion de l’instance (J.J., par. 103‑105).

[103]                     Indépendamment des normes juridiques distinctes appliquées lors des deux volets de ce processus, les juges devront se demander s’ils procéderont même à l’instruction d’une motion en rejet sommaire; de quelle façon la motion en rejet sommaire devrait être instruite; et de quelle façon un éventuel voir‑dire se déroulera. Il s’agit de décisions discrétionnaires prises en vertu de leurs pouvoirs de gestion de l’instance.

[104]                     Lorsqu’ils exercent leur pouvoir discrétionnaire quant à savoir s’ils instruiront la motion en rejet sommaire, les juges doivent tenir compte des conséquences et du contexte associés à la requête sous‑jacente, ce qui comprend la question de savoir si elle peut faire l’objet d’un règlement sommaire et la façon dont les droits à un procès équitable du requérant seront touchés par une audience sur le rejet sommaire. De plus, les juges doivent se demander si la tenue d’une audience sur le rejet sommaire représenterait une utilisation efficace du temps du tribunal ou si cette audience retarderait dans les faits le procès. Lorsque, par exemple, l’audience sur le rejet sommaire prendrait presque autant de temps qu’un voir‑dire sur la requête sous‑jacente, il faut se demander si l’équité, l’efficacité et le respect de l’administration de la justice militent plus en faveur de l’utilisation du temps du tribunal pour examiner le fond de la requête sous‑jacente plutôt que de l’affectation de ressources à des questions qui lui sont préliminaires. Sur le plan uniquement de l’efficacité, les juges ne peuvent se voir reprocher d’avoir procédé directement à un voir‑dire lorsque l’instruction de la requête sur le fond prendrait le même temps que la tenue d’une audience sur le rejet sommaire. Les juges ne devraient tenir une audience de type Vukelich que lorsque cela est la meilleure façon de faire en sorte que le procès soit d’une durée proportionnée : un procès qui respecte le droit du requérant d’être entendu, qui sert l’objectif de l’équité du procès, qui économise en fait des ressources et qui évite les délais indus.

[105]                     Si les juges décident d’instruire la motion en rejet sommaire, ils doivent aussi décider de quelle façon ils le feront. Les juges doivent s’assurer que la motion est instruite d’une manière juste et proportionnée.

[106]                     Si le rejet sommaire est refusé, les juges du procès seront aussi appelés à établir de quelle façon le voir‑dire sur la requête sous‑jacente devrait se dérouler, notamment s’il devrait y avoir une audition de la preuve ou si l’affaire peut être instruite uniquement sur le fondement des arguments, d’un exposé conjoint des faits ou d’une combinaison de méthodes. Permettre qu’une requête fasse l’objet d’un voir‑dire n’autorise pas les avocats à plaider la requête comme ils l’entendent. Le temps et la latitude donnés aux avocats pour faire valoir la requête devraient être proportionnés : tout juste suffisants pour que la requête soit traitée équitablement. Au‑delà de ce point, il peut y avoir des délais indus.

[107]                     L’exercice de ces pouvoirs de gestion de l’instance commande non seulement des procédures proportionnées qui mettent en équilibre l’efficacité du procès et l’équité de celui‑ci, mais peut aussi exiger une analyse comparative servant à déterminer l’approche qui répond le mieux aux exigences et au caractère équitable d’une situation donnée. Les juges devraient garder à l’esprit que le pouvoir d’ordonner le rejet sommaire n’est pas le seul outil dont ils disposent pour gérer la requête sous‑jacente et se demander si leurs autres pouvoirs de gestion de l’instance conviennent mieux pour gérer la requête sous‑jacente (SamaniegoCody, par. 38). Les valeurs de l’efficacité et de l’équité du procès pourraient être mieux servies par la tenue d’un voir‑dire sur la requête sous‑jacente qui ne vise, grâce à l’utilisation du pouvoir discrétionnaire judiciaire, que ce qui est nécessaire pour l’examen équitable de la teneur des allégations. Lorsque les juges exercent leurs pouvoirs de gestion de l’instance de cette façon, ils réalisent les objectifs qui sous‑tendent ceux‑ci : faire en sorte que les procès se déroulent de façon équitable, efficace et efficiente (Samaniego, par. 21).

lundi 14 août 2023

Des indications permettant de déterminer dans quels cas des éléments de preuve ont été « obtenus dans des conditions » qui ont violé les droits garantis à la personne accusée par la Charte

 R. c. Tim, 2022 CSC 12

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[78]                        Notre Cour a donné des indications permettant de déterminer dans quels cas des éléments de preuve ont été « obtenus dans des conditions » qui ont violé les droits garantis à la personne accusée par la Charte, circonstance qui fait entrer en jeu le par. 24(2) :

1.         Les tribunaux appliquent « une approche généreuse et fondée sur l’objet visé » afin de décider si des éléments de preuve ont été « obtenus dans des conditions » qui ont violé les droits garantis à l’accusé par la Charte (R. c. Wittwer2008 CSC 33, [2008] 2 R.C.S. 235, par. 21R. c. Mack2014 SCC 58 (CanLII), 2014 CSC 58, [2014] 3 R.C.S. 3, par. 38).

2.         Il faut examiner « toute la suite des événements » liés à la violation de la Charte et aux éléments de preuve contestés (R. c. Strachan1988 CanLII 25 (CSC), [1988] 2 R.C.S. 980, p. 1005‑1006).

3.         « La preuve est viciée lorsque l’atteinte et la découverte de la preuve dont l’admissibilité est contestée s’inscrivent dans le cadre de la même opération ou conduite » (Mack, par. 38; voir aussi Wittwer, par. 21).

4.         Le lien entre la violation de la Charte et les éléments de preuve contestés peut être [traduction] « temporel, contextuel, causal ou un mélange des trois » (Wittwer, par. 21, citant R. c. Plaha (2004), 2004 CanLII 21043 (ON CA), 189 O.A.C. 376, par. 45). Il n’est pas nécessaire d’établir un lien de causalité (Wittwer, par. 21R. c. Mian2014 CSC 54, [2014] 2 R.C.S. 689, par. 83Strachan, p. 1000‑1002).

5.         Un lien éloigné ou ténu entre la violation de la Charte et les éléments de preuve contestés ne sera pas suffisant pour faire entrer en jeu le par. 24(2) (Mack, par. 38Wittwer, par. 21R. c. Goldhart1996 CanLII 214 (CSC), [1996] 2 R.C.S. 463, par. 40Strachan, p. 1005‑1006). De telles situations doivent être considérées au cas par cas. Il n’existe pas « de règle stricte pour déterminer le moment où les éléments de preuve obtenus par suite de la violation d’un droit garanti par la Charte deviennent trop éloignés » (Strachan, p. 1006).

Voir aussi R. c. Pino2016 ONCA 389, 130 O.R. (3d) 561, par. 72R. c. Lichtenwald2020 SKCA 70, 388 C.C.C. (3d) 377, par. 57R. c. Reilly2020 BCCA 369, 397 C.C.C. (3d) 219, par. 75‑76, conf. par 2021 CSC 38; et Hill, Tanovich et Strezos, § 19:22.

La fouille accessoire à une arrestation

R. c. Tim, 2022 CSC 12

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[45]                        Une fouille sans mandat est à première vue abusive et, de ce fait, contraire à l’art. 8 de la Charte. Il incombe à la Couronne de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’une fouille sans mandat n’était pas abusive (voir R. c. Caslake1998 CanLII 838 (CSC), [1998] 1 R.C.S. 51, par. 11R. c. Nolet2010 CSC 24, [2010] 1 R.C.S. 851, par. 21R. c. Buhay2003 CSC 30, [2003] 1 R.C.S. 631, par. 32).

[46]                        Une fouille n’est pas abusive et elle est par conséquent conforme à l’art. 8 de la Charte si les conditions suivantes sont réunies : (1) la fouille est autorisée par la loi; (2) la loi l’autorisant n’a rien d’abusif; et (3) la fouille n’est pas effectuée d’une manière abusive (voir R. c. Collins1987 CanLII 84 (CSC), [1987] 1 R.C.S. 265, p. 278; Caslake, par. 10R. c. Saeed2016 CSC 24, [2016] 1 R.C.S. 518, par. 36).

[47]                        En l’espèce, les règles de droit susceptibles d’avoir autorisé les fouilles sont les pouvoirs de common law autorisant les fouilles accessoires à l’arrestation (les première et deuxième fouilles), les fouilles accessoires à une détention aux fins d’enquête (la troisième fouille) et les fouilles à nu (la quatrième fouille). Je vais examiner ci‑après chacun de ces pouvoirs potentiels.

[49]                        Pour être valide, une fouille accessoire à une arrestation doit satisfaire à trois conditions : (1) la personne soumise à la fouille a été arrêtée légalement; (2) la fouille est « véritablement accessoire » à l’arrestation, c’est‑à‑dire qu’elle vise un objectif valide d’application de la loi lié aux raisons de l’arrestation; et (3) la fouille n’est pas effectuée de manière abusive (voir Saeed, par. 37R. c. Fearon2014 CSC 77, [2014] 3 R.C.S. 621, par. 21 et 27R. c. Stairs2022 CSC 11, par. 6 et 35).

Le pouvoir d’un agent de la paix d’arrêter sans mandat

 R. c. Tim, 2022 CSC 12

Lien vers la décision


[23]                        Les alinéas 495(1)a) et b) du Code criminel disposent qu’un agent de la paix peut arrêter sans mandat « une personne qui a commis un acte criminel ou qui, d’après ce qu’il croit pour des motifs raisonnables, a commis ou est sur le point de commettre un acte criminel » ou « une personne qu’il trouve en train de commettre une infraction criminelle ».

[24]                        Le cadre d’analyse applicable à l’égard des arrestations sans mandat été énoncé dans l’arrêt R. c. Storrey1990 CanLII 125 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 241, p. 250‑251. Une arrestation sans mandat requiert l’existence tant de motifs subjectifs que de motifs objectifs. Le policier qui procède à l’arrestation doit posséder subjectivement des motifs raisonnables et probables pour agir, et ces motifs doivent être justifiables d’un point de vue objectif. Cette appréciation objective tient compte de l’ensemble des circonstances connues du policier au moment de l’arrestation — y compris le caractère dynamique de la situation — considérées du point de vue d’une personne raisonnable possédant des connaissances, une formation et une expérience comparables à celles du policier ayant procédé à l’arrestation. Les policiers ne sont pas tenus, avant de procéder à une arrestation, de disposer d’une preuve suffisante à première vue pour justifier une déclaration de culpabilité (voir aussi R. c. Feeney1997 CanLII 342 (CSC), [1997] 2 R.C.S. 13, par. 24R. c. Stillman1997 CanLII 384 (CSC), [1997] 1 R.C.S. 607, par. 28R. c. Chehil2013 CSC 49, [2013] 3 R.C.S. 220, par. 45‑47R. c. MacKenzie2013 CSC 50, [2013] 3 R.C.S. 250, par. 73).

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le ré-interrogatoire

R. v. Lavoie, 2000 ABCA 318 Lien vers la décision Re-examination of Stephen Greene, Re-cross-examination of Stephen Greene   [ 46 ]        T...