O'Reilly c. R., 2017 QCCA 1283
[115] Lors d’un procès criminel, un « voir-dire » est l’examen, par le juge, de l’admissibilité d’un élément de preuve qu’une partie souhaite présenter au procès[47]. Le voir-dire a pour but de vérifier si les conditions juridiques requises sont réunies pour que la mise en preuve de cet élément soit autorisée ou, dit autrement, pour permettre qu’il soit considéré par le jury ou, selon le cas, pris en compte par le juge des faits. Selon les situations, la portée du voir-dire, son contenu et les règles du fardeau de la preuve qui lui sont applicables varient. En l’espèce, il est question de voir-dire en situation de contestation d’autorisations judiciaires requises et obtenues.
[116] En pareille situation, il est possible pour une partie de présenter une preuve particulière portant sur la question de l’admissibilité de l’élément de preuve contesté, soit au moyen d’un témoin, d’une admission, d’un extrait de la transcription d’un témoignage antérieur, d’un élément matériel, etc., mais cette preuve particulière n’est pas toujours nécessaire, ni même utile. Il est donc important de distinguer entre le voir-dire et l’administration d’une preuve recueillie dans le cadre d’un voir-dire, car il s’agit de deux sujets nettement distincts.
[117] Lorsque le ministère public souhaite présenter au procès un élément de preuve obtenu au moyen d’une fouille, perquisition ou saisie, l’accusé peut contester l’admissibilité de cet élément de preuve en se fondant, notamment, sur la Charte, comme c’est le cas en l’occurrence. Lors du voir-dire tenu afin de trancher cette contestation, l’admissibilité de l’élément de preuve obtenu grâce à la fouille, perquisition ou saisie sera généralement déterminée en fonction de deux considérations[48]. La première est la question de savoir si la fouille, perquisition ou saisie était abusive au sens de l’article 8 de la Charte. La deuxième est si l’admission de l’élément de preuve ainsi obtenu déconsidérerait l’administration de la justice et s’il devrait, par conséquent, être écarté en vertu du paragraphe 24(2) de la Charte.
[118] Lorsque la fouille, saisie ou perquisition est effectuée par une autorité policière sans autorisation judiciaire, du moment que l’accusé démontre que l’élément de preuve fut obtenu ainsi sans cette autorisation, il incombe alors au ministère public d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que la fouille, perquisition ou saisie n’était pas abusive[49].
[119] Puisque l’autorisation judiciaire bénéficie d’une présomption de validité[50] lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, la fouille, perquisition ou saisie est effectuée sous une autorisation judiciaire, le ministère public n’a qu’à produire l’autorisation judiciaire en cause, lors du voir-dire, pour en établir la validité à première vue. Comme le signalait la juge Charron dans R. c. Pires, il s’agit là simplement d’un fardeau de présentation, («evidentiary burden»), et non d’un fardeau de persuasion, («persuasive burden»)[51].
[120] Une fois l’autorisation judiciaire présentée, il appartient alors à l’accusé d’en établir l’invalidité par prépondérance de preuve[52] dans le cadre du voir-dire. Cela peut s’effectuer de deux façons : soit l’accusé conteste la validité apparente (« acial validity») de l'autorisation, soit il s’attaque à la validité au fond («sub-facial validity») de celle-ci. Dans l’un ou l’autre cas, c’est l’accusé qui assume le fardeau d’établir l’invalidité de l'autorisation judiciaire. Ainsi, dans Laroche, le juge LeBel affirme clairement que l’accusé assume le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’autorisation judiciaire n’aurait pas dû être accordée, y compris lorsque l’accusé « se content[e] d’attaquer la décision d’autorisation et la suffisance des preuves soumises à son soutien comme les affidavits », ce qui correspond à une contestation visant la validité apparente du mandat[53].
[121] La révision de la validité apparente («facial validity») s’attarde principalement à la question de la validité de l’autorisation judiciaire en examinant la dénonciation sous serment à son soutien afin de déterminer si, à première vue, elle contient des éléments suffisants permettant de la décerner. La contestation de la validité apparente (« facial validity ») de l’autorisation judiciaire se fait donc à même les arguments des avocats portant tant sur la facture de l’autorisation que sur la dénonciation assermentée à son soutien afin de persuader le juge réviseur que les critères juridiques requis n’étaient pas réunis lorsque celle-ci fut délivrée.
[122] La contestation de la validité au fond («sub-facial validity») de l’autorisation judiciaire s’attaque plutôt à la fiabilité des allégations contenues à la déclaration sous serment à son soutien. Voilà pourquoi une telle contestation requiert généralement l’administration d’une preuve dans le cadre du voir-dire.
[123] Dans R. c. Araujo, le juge LeBel s’est exprimé comme suit quant à la distinction entre l’examen de la validité apparente de l’autorisation judiciaire et celle de son bien-fondé[54] :
[19] La première grande question en litige en l’espèce est de déterminer si les faits énoncés dans l’affidavit répondent même à l’exigence de nécessité pour l’enquête que prévoit le par. 186(1). Il s’agit d’une question de validité apparente. De prime abord, l’affidavit, de par sa teneur, peut‑il justifier l’octroi d’une autorisation? Pour répondre à la question, il faut définir le critère de nécessité pour l’enquête afin de déterminer si les faits énoncés dans l’affidavit satisfont à la norme. […]
[50 Étant donné que la police n’a pas pris les mesures qui auraient pu éviter ces problèmes, je dois maintenant examiner les arguments invoqués pour contester l’affidavit au fond. Au‑delà de la forme, ce type de contestation vise la fiabilité des énoncés de l’affidavit. Il s’agit de déterminer en l’espèce si le juge du procès a appliqué correctement la norme de révision en matière d’autorisation d’écoute électronique vu la contestation au fond qui a résulté du contre‑interrogatoire concernant l’affidavit.
[Soulignement ajouté]
[124] Plus récemment, dans l’arrêt Sadikov, le juge Watt a repris ces propos afin de décrire la distinction entre les contestations, lesquelles sont souvent présentées de façon simultanée, la contestation de la validité apparente étant présentée avec une demande pour contre-interroger le déclarant ou présenter une preuve afin d’en attaquer la validité au fond[55] :
[36] […] Challenges to the constitutionality of warranted searches may involve either or both a facial and sub-facial attack on the authorizing warrant. No reason in principle requires a separate voir dire for each mode of attack, although many prefer a discrete hearing for each.
[37] A facial validity challenge requires the reviewing judge to examine the ITO and to determine whether, on the face of the information disclosed there, the justice could have issued the warrant: R. v. Araujo, 2000 SCC 65, [2000] 2 S.C.R. 992, at para. 19. The record examined on a facial review is fixed: it is the ITO, not an amplified or enlarged record: R. v. Wilson, 2011 BCCA 252, 272 C.C.C. (3d) 269, at para. 39.
[38] Sub-facial challenges go behind the form of the ITO to attack or impeach the reliability of its content: Araujo, at para. 50; and Wilson, at para. 40. Sub-facial challenges involve an amplified record, but do not expand the scope of review to permit the reviewing judge to substitute his or her view for that of the authorizing judicial officer: Araujo, at para. 51; and R. v. Garofoli, 1990 CanLII 52 (CSC), [1990] 2 S.C.R. 1421, at p. 1452. The task of the reviewing judge on a sub-facial challenge is to consider whether, on the record before the authorizing justice as amplified on the review, the authorizing justice could have issued the warrant: Araujo, at para. 51; and Garofoli, at p. 1452. The analysis is contextual: Araujo, at para. 54. The reviewing judge should carefully consider whether sufficient reliable information remains in the amplified record, in other words, information that might reasonably be believed, on the basis of which the enabling warrant could have issued: Araujo, at para. 52.
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