jeudi 31 décembre 2009

Sentence. Fraude. Abus de confiance. Perte de 15 000 $. Remboursement effectué en totalité. Accusé doit voyager aux USA pour son travail

R. c. Cadoch, 2008 QCCQ 9791 (CanLII)

[12] Lors des représentations sur détermination de la peine, la poursuite s’est opposée à ce que la Cour accorde une absolution inconditionnelle parce que, même s’il y va de l’intérêt véritable de l’accusé de bénéficier d’une telle mesure, cela nuirait à l’intérêt public.

[13] La défense soutient que l’accusé risque de se voir refuser l’entrée aux États-Unis en raison de l’existence d’un casier judiciaire. Le refus d’absolution mettrait en péril son association au sein de l’entreprise "Zinger Bats” dont il est l’un des copropriétaires depuis le 15 novembre 2006.

[14] La gravité objective du crime est importante. À l’époque, le législateur prévoyait une peine maximale de 10 ans d’emprisonnement. Depuis le 15 septembre 2004, le législateur a voulu marquer la gravité de l’offense prévue par l’art. 380(1)a) C.cr. en édictant une peine maximale de 14 ans d’emprisonnement pour ce type d’infraction. Cette disposition fait maintenant obstacle aux demandes d’absolution présentées pour des crimes commis postérieurement à l’amendement législatif. Toutefois, cela n’empêche pas l’accusé de pouvoir bénéficier de la peine la moins sévère prescrite par le Code criminel.

[15] La gravité subjective est aussi à souligner. Le crime a été prémédité, planifié et commis à maintes reprises après la révocation de son mandat de négocier.

[16] Certes, il y va de l’intérêt véritable de l’accusé de bénéficier d’une absolution. Dans un document du 4 septembre 2008 (voir S-7), le président de la compagnie “Zinger Bats“, M. Fred Leiberman, relate que les ventes de l’entreprise ont diminué de 25% depuis que l’accusé ne voyage plus aux États-Unis. Il indique également que sa présence y est requise pour présenter l’équipement lors de foires commerciales ou pour rencontrer des joueurs de baseball à l’occasion des prochains «camps d’entraînement».

[17] Cependant, vu les termes de l’art. 730 du Code criminel, encore faut-il, une fois que l’intérêt véritable de l’accusé a été démontré, qu’une telle ordonnance ne nuise pas à l’intérêt public.

[18] Il est vrai qu’une peine autre que l’absolution inconditionnelle risque de causer un tort important à l’accusé. Toutefois, ce préjudice serait-il disproportionné par rapport à l’infraction perpétrée? La règle d’or en la matière est qu’un justiciable ne doit pas, dans les faits, subir un châtiment qui n’a aucune mesure avec sa faute : voir R. c. Abouabdellah 1996 CanLII 6502 (QC C.A.), (1996), 109 C.C.C. (3d) 477 (C.A. Qué.), AZ-96011628, J.E. 96-115.

[19] « L’accusé doit donc subir une peine, ce qui, en soit, peut constituer un préjudice; ce qui importe, cependant, c’est la proportionnalité entre cette peine et l’infraction commise et non la recherche d’une peine qui ne lui causerait aucun préjudice » : voir les propos du juge F. Doyon (alors juge à la Cour du Québec, mais siégeant maintenant à la Cour d’appel du Québec) dans R. c. Courey, 1999 CanLII 5752 (QC C.Q.), 1999 CanLII 5752 (QCCQ), p. 4.

[20] Dans l’affaire Courey, précitée, le juge Doyon précise que l’on retrouve généralement un dénominateur commun lors de l’application de l’article 730 du Code criminel. À la page 4, il s’exprime ainsi :

L’on retrouve, dans les arrêts Moreau, Tanguay et Rozon, de même que dans de nombreux cas d’absolution inconditionnelle, un dénominateur commun : il s’agit généralement de gestes ponctuels, irréfléchis et de courte durée.

[21] Cela dit, le législateur n’exclut pas l’octroi d’une absolution pour les crimes commis de façon préméditée, mais le juge qui détermine la peine doit tenir compte des modalités et circonstances entourant la commission du crime, notamment la nature et l’étendue de la fraude : voir Peterson c. La Reine, 2007 QCCA 519 (CanLII), 2007 QCCA 519, parag. 10.

[22] Or, il ne s’agit pas ici d’un crime perpétré de façon irréfléchie ou spontanée, mais plutôt d’un agir criminel bien orchestré dans le but de soutirer des sommes importantes à la victime. Après avoir englouti près de 300 000 $ à la suite de mauvaises transactions boursières, l’accusé prétend qu’il voulait l’impressionner en tentant de renflouer le gouffre financier créé en se servant de nouvelles sommes d’argent prises à même son compte.

[23] Même si l’objectif était d’employer ce capital pour tenter de le faire fructifier au bénéfice de la victime et non pour son usage personnel, le résultat demeure identique, soit une nouvelle perte de 15 000 $ au détriment de la victime.

[24] Il ne s’agit donc pas d’un incident isolé, un facteur dont les juges tiennent souvent compte quand il s’agit d’envisager une absolution : voir Nolin c. La Reine, 2007 QCCA 1299 (CanLII), 2007 QCCA 1299, parag. 6. Au contraire, dès l’expiration de son mandat, l’accusé s’est octroyé l’autorisation de continuer à effectuer de transactions boursières sur le réseau Internet, et ce, à de nombreuses reprises jusqu’à ce que la victime le rencontre à nouveau et découvre ainsi le stratagème frauduleux. Sa responsabilité pénale est donc entière.

[25] La notion d’intérêt public commande de tenir compte de l’effet d’une peine d’absolution sur la confiance du public dans le système judiciaire. La Cour doit alors prendre en considération toutes les circonstances de l’affaire et, particulièrement, que l’abus de la confiance de la victime constitue une circonstance aggravante (art. 718.2 a)iii) C.cr.).

[26] À la lumière de l’ensemble de la preuve, la Cour estime qu’un public bien informé pourrait perdre confiance dans la crédibilité du système judiciaire si l’accusé bénéficiait d’une absolution.

[27] Même si une condamnation peut entraver son privilège d’entrer aux États-Unis dans le cadre de son travail ou nuire à l’avancement de sa carrière, il n’est pas dans l’intérêt public qu’il puisse bénéficier d’une absolution inconditionnelle ou conditionnelle.

POUR CES MOTIFS, la Cour :

[29] SURSOIT au prononcé de la peine.

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