vendredi 5 mars 2010

Résumé des principes dégagés par la Cour suprême concernant l’obligation de divulgation de preuve par le ministère public

R. c. Morin, 2003 CanLII 17813 (QC C.S.)

[12] Les arrêts Stinchcombe (1991 CanLII 45 (C.S.C.), [1991] 3 R.C.S. 326), Egger (1993 CanLII 98 (C.S.C.), [1993] 2 R.C.S. 451), Chaplin (1995 CanLII 126 (C.S.C.), [1995] 1 R.C.S. 727) et Dixon (1998 CanLII 805 (C.S.C.), [1998] 1 R.C.S. 244) traitent de l’obligation de divulgation de preuve par le ministère public. Il s’en dégage les principes suivants :

1) L’obligation de divulgation de preuve incombant au ministère public découle du droit de l’accusé à une défense pleine et entière que consacre l’art. 7 de la Charte. Cette obligation est continue et doit être exécutée dans les meilleurs délais possibles.

2) Le ministère public a l’obligation générale de divulguer, d’une part, tout ce qu’il a l’intention d’utiliser au procès et, d’autre part, tous les éléments de preuve qui peuvent aider l’accusé, même s’il n’envisage pas de les présenter. Tous les éléments de preuves, favorables ou non à l’accusé, inculpatoires ou exculpatoires, doivent être divulgués.

Ainsi, toute déclaration obtenue de personnes qui ont fourni des renseignements pertinents aux autorités doit être produite même si le ministère public n’a pas l’intention de citer ces personnes comme témoins à charge. Lorsqu’il n’existe pas de déclaration, il faut produire d’autres renseignements, tels des notes et, en l’absence de notes, il faut divulguer, outre les noms, adresse et occupation du témoin, tous les renseignements que possède la poursuite au sujet de tous les éléments de preuve pertinents pouvant être fournis par la personne en question.

Le droit à la communication de tous les documents pertinents est large; il vise aussi ceux qui peuvent n’avoir qu’une importance secondaire par rapport aux questions fondamentales en litige.

3) La défense doit établir un fondement à sa demande de divulgation pour en justifier la pertinence. Par pertinence, il faut entendre qu’il y a une possibilité raisonnable que ces renseignements puissent aider l’accusé à présenter une défense pleine et entière. L’existence des renseignements doit être assez clairement établie pour en révéler la nature. Cette exigence vise à empêcher des demandes qui reposent sur la conjecture, qui sont fantaisistes, perturbatrices, mal fondées, obstructionnistes et dilatoires. Il faut distinguer les recherches à l’aveuglette et la conjecture d’avec les demandes légitimes de divulgation.

4) Le ministère public ne peut en principe refuser de communiquer aucun renseignement s’il existe une possibilité raisonnable que la non-divulgation porte atteinte au droit de l’accusé de présenter une défense pleine et entière. Par exemple, est injustifié le refus de communiquer la déclaration d’un témoin au motif qu’il ne serait pas digne de foi. Tout doute favorise la divulgation, et non l’exclusion. Du moment que le ministère public affirme avoir rempli son obligation de divulgation, il ne peut être contraint à justifier la non-divulgation de renseignements dont il ignore ou nie l’existence.

Un contrôle judiciaire peut être exercé à l’égard du pouvoir discrétionnaire du ministère public.

5) Cette obligation de divulgation n’est pas absolue et sans limite. Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire assujetti au contrôle judiciaire, le ministère public a droit de s’abstenir de communiquer des renseignements manifestement non pertinents ou secrets parce que privilégiés.

La pertinence d’un renseignement est fonction de son utilité pour la défense : s’il a une certaine utilité, il est pertinent et devrait être divulgué. Dans ce cas, l’accusé pourrait raisonnablement utiliser la communication des renseignements pour réfuter la preuve et les arguments du ministère public, pour présenter un moyen de défense ou autrement pour parvenir à une décision susceptible d’avoir un effet sur le déroulement de la défense, comme par exemple, de présenter ou non une preuve.

Pour réduire au minimum le risque de non-divulgation par inadvertance, le ministère public pourrait bien choisir de divulguer même les déclarations de témoins qui ne semblent pas pertinentes au départ. La défense connaît mieux sa preuve que le ministère public et quelque chose qui semble non pertinent à ce dernier pourrait avoir de l’importance pour la défense.

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