mercredi 2 octobre 2013

Le droit des obligations fiduciaires

Hodgkinson c. Simms, 1994 CanLII 70 (CSC), [1994] 3 RCS 377


La responsabilité découle ici de l'application des principes qui sous‑tendent la notion de l'obligation fiduciaire, un type d'obligation plus générale, au moyen de laquelle le droit cherche à protéger les gens vulnérables dans leurs opérations avec autrui.  Cette obligation générale unit les causes d'action connexes comme le manquement à une obligation fiduciaire, l'abus d'influence, l'iniquité et la déclaration inexacte faite par négligence.  Une obligation fiduciaire comporte non seulement une obligation d'aptitude et de compétences; les éléments spéciaux de confiance, de loyauté et de confidentialité propres à une relation fiduciaire donnent également lieu à un devoir correspondant de loyauté.

                  L'obligation fiduciaire se distingue des autres principes d'equity et de common law.  L'abus d'influence porte sur la suffisance du consentement et l'iniquité, sur le caractère raisonnable d'une opération donnée.  Le principe fiduciaire s'intéresse à l'abus de loyauté.  L'existence d'un contrat n'écarte pas nécessairement l'existence d'obligations fiduciaires entre les parties.  En fait, les particularités juridiques de nombreux contrats font naître une obligation fiduciaire.

                  Une partie devient un fiduciaire lorsqu'une loi, un contrat ou un engagement unilatéral lui impose l'obligation d'agir pour le compte d'une autre partie et que cette obligation est assortie d'un pouvoir discrétionnaire.  Plusieurs indices sont utiles pour reconnaître l'existence d'une relation fiduciaire:  (1) un certain pouvoir discrétionnaire peut être exercé, (2) ce pouvoir discrétionnaire peut être exercé unilatéralement de manière à avoir un effet sur les intérêts juridiques ou pratiques du bénéficiaire, et (3) une vulnérabilité particulière à l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire.

                  Le terme «fiduciaire» peut être employé à bon droit de deux façons.  Premièrement, il peut servir à décrire certaines relations caractérisées par la discrétion, l'influence sur les droits et une vulnérabilité inhérente.  Il existe une présomption réfutable, découlant de la fin inhérente de la relation, qu'une partie a l'obligation d'agir dans l'intérêt de l'autre.  Deuxièmement, ce terme peut être utilisé dans un sens légèrement différent dans le cas où des obligations fiduciaires, quoique non innées dans une relation donnée, peuvent réellement découler des circonstances propres à cette relation particulière.  En pareil cas, il s'agit de savoir si, compte tenu de toutes les circonstances en présence, une partie pouvait raisonnablement s'attendre à ce que l'autre agisse dans l'intérêt de la première relativement au sujet en cause.  La discrétion, l'influence, la vulnérabilité et la confiance sont des exemples non exhaustifs de facteurs probants dont il faut tenir compte lorsqu'on prend cette décision.  Lorsqu'on ne se trouve pas en présence des catégories établies de relations fiduciaires, il faut faire la preuve que les parties ont mutuellement convenu que l'une d'elles renoncerait à agir dans son propre intérêt et accepterait d'agir seulement pour le compte de l'autre.  Alors, dans un contexte consultatif, pour qu'une relation puisse être qualifiée de fiduciaire, il doit exister davantage qu'un simple engagement par une partie de fournir des renseignements et d'exécuter les ordres de l'autre.

                  Les rapports caractérisés par un pouvoir discrétionnaire unilatéral, comme la relation entre un fiduciaire et un bénéficiaire, constituent une sorte de catégorie générale de rapports dits «de force et de dépendance».  Ce concept décrit exactement toute situation dans laquelle une partie acquiert, que ce soit en vertu de la loi, d'une entente, d'une conduite particulière ou d'un engagement unilatéral, une position de force ou d'influence écrasante sur une autre partie.

                  Lorsqu'on cherche à établir quelles sont les diverses obligations civiles auxquelles donne naissance un rapport particulier de force et de dépendance, il est erroné de ne mettre l'accent que sur la mesure dans laquelle le pouvoir discrétionnaire de léser autrui est en quelque sorte «unilatéral».  Ce concept n'a aucune pertinence descriptive ou analytique dans le cas de nombreux rapports fiduciaires fondés sur des faits.  Les personnes dans un «rapport de force et de dépendance» sont, par le fait même, susceptibles d'être lésées.  Par ailleurs, le «degré de vulnérabilité» relatif dépend non pas d'une capacité hypothétique de se protéger contre les préjudices, mais plutôt de la nature des attentes raisonnables des parties.  Une partie qui s'attend à ce que l'autre agisse dans son intérêt est plus susceptible d'être victime d'un abus de pouvoir que celle qui devrait savoir qu'elle devrait prendre des mesures pour se protéger.

                  Les obligations de common law ou d'equity que les tribunaux feront respecter dans une relation donnée sont adaptées aux particularités juridiques et pratiques de la relation concernée.

                  Les rapports commerciaux entre des parties sans lien de dépendance tirent normalement leur utilité sociale de la poursuite d'un intérêt personnel, et les tribunaux ont raison d'être circonspects lorsqu'on leur demande de faire respecter une obligation (c.‑à‑d. l'obligation fiduciaire) qui vient justifier l'antithèse même de cet intérêt personnel.  Il sera rare que des parties, indépendantes à tout autre égard, soient justifiées de renoncer à leur intérêt personnel de manière à invoquer le principe fiduciaire.  Le droit ne s'oppose pas en soi à ce qu'une partie profite d'une autre dans la mesure où cette forme d'exploitation n'est pas par ailleurs inacceptable

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