mercredi 9 octobre 2024

Revue du droit par la Cour d'appel du Québec quant à l'absolution

Harbour c. R., 2017 QCCA 204

Lien vers la décision


[87]        Lorsque la juge examine la question de l’absolution, elle conclut à l’intérêt véritable de l’appelant tout en déterminant qu’elle serait contraire à l’intérêt public en raison de sa méprise sur la gravité réelle de l’infraction.

[88]        Par ailleurs, le sursis de peine est nécessairement accompagné d’une ordonnance de probation pouvant se prolonger sur trois années. Dans l’arrêt R. c. Brunet2016 QCCA 2059, la Cour rappelle à ce propos que le sursis de peine prononcée en vertu de l’article 731(1)(a) C.cr. inclut un mécanisme par lequel le sursis peut être révoqué à la demande du ministère public si le délinquant commet une nouvelle infraction, incluant un défaut de se conformer à l’ordonnance de probation au sens de l’article 733.1 C.cr. et que soit infligée au délinquant toute peine qui aurait pu l’être si le prononcé de la peine n'avait pas été suspendu : art. 732.2(5) C.cr. Il s’agit d’une mesure efficace.

[89]        L’absolution conditionnelle comporte le même mécanisme par lequel le juge peut annuler l’absolution et infliger au contrevenant une peine pour l’infraction originale en plus de toute autre peine : art. 730(4) C.cr.

[90]        J’accepte les propos du juge Dubin dans l’arrêt R. c. Meneses (1976), 1974 CanLII 1659 (ON CA), 25 C.C.C. (2d) 115 (C.A.O.) :

12 It is always to be borne in mind that a person who is granted a conditional discharge does not go scot-free after committing the offence. In this case the accused is subject to the terms of the probation order, and in the event that the terms of the probation order are met, she will have earned her discharge. If the terms are not met she may be brought back and sentenced for the offence, and a conviction will be recorded against her.

[91]        L’absolution prévue à l’article 730 C.cr. n’exclut aucun crime sauf ceux qui sont passibles d’une peine minimale ou de quatorze ans ou plus d’emprisonnement et elle n’est pas, en définitive, une mesure exceptionnelle : R. c. Demers1998 CanLII 12948 (C.A.Q.); R. c. Denis, 2015 QCCA 300R. c. Fallofield (1974), 1973 CanLII 1412 (BC CA), 13 C.C.C. (2d) 450 (C.A.C. B.); R. c. Sanchez-Pino (1973), 1973 CanLII 794 (ON CA), 11 C.C.C. (2d) 53, 59 (C.A.O.); R. c. Bram (1982), 1982 ABCA 256 (CanLII), 30 C.R. (3d) 398, 400 (C.A.A.); contra R. c. MacFarlane1976 ALTASCAD 6 (CanLII), [1976] A.J. 429 (C.A.A.).

[92]        La mesure est même possible lorsque le crime peut être qualifié de « fléau ». Je reprends volontiers les propos du juge Rothman dans l’arrêt R. c. Moreau, c’est-à-dire que même en présence d’un crime à forte prévalence dans la communauté, la dissuasion générale n’est qu’un facteur et chaque cas doit être évalué à son mérite : R. c. Moreau1992 CanLII 3313contra R. c. Foianesi2011 MBCA 33.

[93]        Autrement, les tribunaux créeraient des exclusions là où le législateur n’en prévoit pas tout en créant un danger réel que la peine devienne une réponse au crime uniquement plutôt qu’une peine juste et proportionnelle au crime et au délinquant.

[94]        L’ordonnance d’absolution se prête moins comme réponse lorsque les crimes et les circonstances de leur perpétration sont sérieux : R. c. Hovington2007 QCCA 1023R. c. Laurendeau2007 QCCA 1593.

[95]        Cela dit, en appel, on a octroyé ou confirmé une peine d’absolution même dans des situations qui interpellent normalement l’objectif de dissuasion générale et de dénonciation, comme les agressions sexuelles sur un enfant mineur : Corbeil-Richard c. R., 2009 QCCA 1201 (octroyée); R. c. Nadeau2013 QCCA 769 (confirmée); les voies de fait causant lésions : R. c. Burke (1996), 1996 CanLII 11083 (NL CA), 108 C.C.C. (3d) 360 (C.A.T.-N. & L.) (octroyée); R. v. Sorenson1994 CanLII 4677 (C.A.S.) (octroyée); ou encore le trafic d’influence par un sénateur : R. c. Cogger2001 CanLII 20626 (C.A.Q.) (octroyée); trafic de drogues : R. c. Berish2011 QCCA 2288 (confirmée).

[96]        Sans surprise, ces cas sont plus rares dans la jurisprudence rapportée. Celle-ci démontre néanmoins que l’objectif de dissuasion générale en présence de crimes par nature plus sérieux, ne constitue pas un obstacle dirimant à l’absolution. Les circonstances entourant leur perpétration sont indissociables. Il revient au juge d’exercer sa discrétion, d’évaluer le tout, et d’imposer la peine qu’il estime juste et proportionnelle : R. c. Berish2011 QCCA 2288, par. 34.

[97]        S’il faut, à l’occasion de l’évaluation de l’intérêt public, être sensible à réaction de la personne raisonnable et bien renseignée : R. c. Hudon2012 QCCA 1731, par. 9, cette sensibilité ne peut amener le juge refuser une peine si elle est adéquate : R. c. Fallofield (1974), 1973 CanLII 1412 (BC CA), 13 C.C.C. (2d) 450, 455 (C.A.C. B.); et par analogie, R. c. Berish2011 QCCA 2288, par. 34.

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