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lundi 14 juin 2010

Détermination de la peine dans les cas d'homicides involontaire coupable lorsque l'accusé est intoxiqué au moment des gestes reprochés

R. c. Blacksmith, 2006 QCCQ 4919 (CanLII)

[20] D’abord, il est clairement établi dans l’affaire R. c. Quévillon que, même si le degré d’intoxication est considéré par la poursuite pour porter la plainte d’homicide involontaire, il est encore nécessaire de le considérer pour les fins du prononcé de la peine vu l’absolue nécessité d’individualiser le processus des peines.

[21] Vu l’article 718 du Code criminel et l’affaire Gladue, bien que la Cour suprême ait enseigné que, généralement, plus le crime est sérieux et violent, le plus probable la réalité imposera que le terme d’emprisonnement soit similaire entre un membre des Premières Nations et la population issue des communautés européennes, il demeure toujours nécessaire de considérer les circonstances propres aux autochtones.

[22] Dans l’affaire R. v. Costa, l’accusé, âgé de 21 ans, frappe la victime dans un excès de colère alors que la victime fait du vandalisme sur des voitures dans un quartier de Toronto. L’accusé est nouvellement marié et attend un enfant. Il a toujours été employé, est de bonne réputation et sans antécédents. Il est détenu préventivement trois semaines. Il est considéré comme étant non susceptible de faire une récidive. Il a de profonds remords. Le Tribunal le condamne à quatorze mois d’emprisonnement.

[23] Dans l’affaire R. v. Massetoe, l’accusé tue son cousin en déchargeant son arme à feu par accident durant une fête où il y a de la consommation d’alcool. L’accusé est un autochtone issu d’une communauté désavantagée. Il a une faible compréhension. La poursuite recommande une peine de douze à dix-huit mois si l’accusé se qualifie pour une exemption constitutionnelle. L’accusé reçoit une peine de douze mois d’emprisonnement suivie de trois ans de probation, en tenant compte de la nature accidentelle de l’événement et de l’incapacité de l’individu intellectuellement défavorisé à réintégrer sa communauté s’il devait purger quatre ans d’emprisonnement. Le Tribunal souligne l’important problème de consommation. Le Tribunal considère aussi les importants problèmes vécus par la communauté.

[24] Dans l’affaire R. c. Yang, l’accusé reçoit une peine de deux ans moins un jour d’emprisonnement avec sursis, deux cent quarante heures de travaux communautaires et une probation de trois ans pour avoir tué une victime de 80 ans qui s’est interposée dans une altercation entre deux jeunes à la sortie du métro. L’accusé repousse alors violemment la victime sur la poitrine pour s’en dégager. Celle-ci tombe par terre, se heurte la tête et décède plus tard suite à une hémorragie interne. L’accusé est sans antécédents judiciaires, a entrepris une démarche thérapeutique visant l’acquisition de connaissances psychosociales, la gestion des émotions et la résolution de conflits. En considérant le faible degré de faute morale de l’accusé, la Cour est d’avis qu’il n’est pas requis une peine de pénitencier, considère que le crime commis est beaucoup plus près de l’accident et que l’accusé s’est considérablement impliqué dans des thérapies.

[25] Dans l’affaire R. c. Neeposh, l’accusé, âgé de 21 ans et sans antécédents judiciaires, frustré d’avoir perdu à un concours de tir au poignet, après avoir consommé beaucoup d’alcool, va chercher une arme à feu avec laquelle il tire en direction d’une maison. Il se réfugie par la suite en dehors du village. Les policiers font un périmètre de sécurité. La victime franchit le périmètre de sécurité et reçoit une balle tirée par l’accusé. La Cour impose une peine de deux ans moins un jour, en considérant que les conditions de sa libération l’avaient tenu à l’écart de sa communauté, dans un centre résidentiel communautaire, pendant près de vingt-et-un mois, dont sept semaines en prison. La Cour considère le haut taux d’intoxication de l’accusé. L’accusé connaît de sévères problèmes psychologiques causant des dépressions aggravées par une consommation excessive. Ses problèmes dépressifs sont intimement liés aux difficultés qu’il a vécues dans son enfance. Il est noté que l’accusé est sur le chemin de la réhabilitation. Au moment des événements, il savait cependant qu’il y avait des dangers reliés à sa consommation d’alcool vu son état dépressif. Cette affaire est cependant rendue avant que le législateur ne prévoie une preuve minimale de 4 ans.[16]

[26] Dans l’affaire Gladue, Mme Gladue reçoit une peine de trois ans d’emprisonnement ferme après avoir tué son conjoint de fait suite à une rage de jalousie. Elle n’a pas d’antécédents, est la mère d’un enfant et démontre un potentiel élevé de réhabilitation.

[27] Dans l’affaire R. v. Iozzo, l’accusé, sans antécédents judiciaires et âgé de 25 ans, frappe la victime au cou avec une bouteille cassée dans le cadre d’une altercation et la blessure lui est fatale. L’accusé n’a démontré aucune propension à la violence ou l’agressivité dans le passé. Considérant qu’un complice a reçu une peine de dix-huit mois d’emprisonnement dans la communauté, l’accusé reçoit une peine de trois ans vu son plus haut degré de responsabilité. L’accusé a un important niveau de regrets. Il étudie à l’université. Il s’est conformé à de strictes conditions de remise en liberté et mène une vie exemplaire.

[28] Dans l’affaire R. c. Paquette, l’accusé, âgé de 18 ans, et quelques jeunes amis se rendent à un endroit dans le but spécifique de s’en prendre à des personnes homosexuelles qui le fréquentent. L’accusé suit la victime vers les toilettes et la frappe, à quelques reprises, de coups de poing en pleine figure. La victime tombe par terre et en décède. La victime est ensuite volée, puis on lui saute sur l’abdomen. Elle est laissée sur place inconsciente. Le Tribunal considère qu’il ne s’agit pas d’un geste spontané. Il n’y a eu aucune provocation et les individus avaient l’intention d’agresser une personne; l’alcool n’était pas un facteur déterminant. Le Tribunal qualifie les gestes de violence aveugle et gratuite provoqués par une motivation malsaine de haine en relation avec l’orientation sexuelle présumée d’une personne. L’accusé jouit d’une excellente réputation dans sa communauté, poursuit des études post-secondaires et travaille à temps partiel. Il exprime de la honte, n’a pas de problèmes de consommation d’alcool ou de produits psychotropes. L’agent de probation est d’avis qu’il s’agit d’une grave erreur de jeunesse, mais que le pronostic quant à l’évolution sociale est favorable. Suite à une revue importante de la jurisprudence, le Tribunal prononce une peine de quatre ans de pénitencier.

[29] Dans l’affaire R. v. Beauchamp, la Cour impose une peine de quatre ans à un accusé ayant consommé de l’alcool qui poignarde, de cinq à huit reprises, la victime marchant sur la route.

[30] Dans l’affaire Guy Hébert c. R., l’accusé, âgé de 45 ans, vendeur de cocaïne et de marijuana, abat la victime d’un coup de fusil. Il a pointé son arme sur celui-ci, l’a tiré, mais n’avait pas l’intention de le tuer. L’accusé a des antécédents judiciaires. La Cour d’appel ramène la peine initialement prononcée de sept ans à quatre ans d’emprisonnement.

[31] Dans l’affaire R. c. Culzac, l’accusé, âgé de 19 ans et sans antécédents judiciaires, se bagarre avec la victime, lui assène un coup de couteau au thorax et un coup dans le dos au niveau de l’épaule; le tout suite à une bagarre consensuelle. Le Tribunal considère le tempérament agressif et violent de l’accusé et insiste sur la nécessité de sanctionner l’usage d’un couteau à l’intérieur d’une institution d’enseignement. L’accusé est décrit comme un individu violent et agressif, montrant peu d’empathie à l’égard de la victime. Il n’a suivi aucune thérapie. Le Tribunal estime que des risques de récidives sont présents et prononce une peine de cinq ans d’emprisonnement .

[32] Dans l’affaire R. c. Quévillon, la Cour d’appel prononce une peine de cinq ans d’emprisonnement pour un individu qui a frappé la victime avec son camion et l’a traînée sur une distance de vingt-huit kilomètres. Cet événement suit une altercation précédente entre les parties au bar. La Cour considère les facteurs tels que l’ivresse et l’intoxication et souligne qu’est une circonstance aggravante la connaissance de l’accusé de son agressivité possible à la suite de consommation de boissons. Le Tribunal est d’avis que la provocation par la victime et le fait que l’accusé a tenté de s’éloigner de la confrontation doivent être considérés. La Cour est aussi d’avis que les risques de récidives sont pour le moins mineurs.

[33] Dans l’affaire R. c. François Leroux, l’accusé, âgé de 19 ans, ayant consommé des drogues, frappe, sans raison apparente, son meilleur ami avec un tisonnier et un couteau. L’accusé est sans antécédents judiciaires et reçoit une peine de six ans de pénitencier. L’accusé est décrit comme un jeune homme docile, fiable et serviable, bon travaillant, polyvalent, apprécié de la communauté, n’ayant jamais démontré de signes de violence ou d’agressivité. Aucun mobile ne justifie cette violence. Le Tribunal insiste sur le fait que l’accusé aurait dû savoir que sa consommation importante de stupéfiants pouvait le rendre imprévisible dans ses agissements et souligne l’importance de la dissuasion à l’égard d’une violence gratuite extrême.

[34] Dans l’affaire R. c. Moreau, l’accusé, un autochtone de 24 ans ayant des antécédents judiciaires et consommateur de drogues, poignarde à trois reprises la victime dans le cadre d’une altercation. Il reçoit une peine équivalente à 6 ans. Le Tribunal insiste sur le fait que l’accusé ne pouvait ignorer la perte de contrôle des impulsions que provoquait sa consommation et la violence qui pouvait en résulter. Par ailleurs, le Tribunal considère aussi que l’accusé a été lui-même agressé à trois reprises par la victime, lui aussi sous l’effet de consommation de stupéfiants. Le Tribunal considère enfin qu’il y a une possibilité sérieuse de réhabilitation chez l’accusé.

[35] Dans l’affaire R. v. Couterielle, l’accusé, un autochtone, poignarde la victime fournisseuse de drogues à deux reprises pour le mobile d’obtenir des drogues. Il reçoit une peine équivalente à six ans de pénitencier.

[36] Dans l’affaire R. v. Roberts, l’accusé bat à mort la victime dans un établissement hôtelier. L’alcool est un problème récurrent chez l’accusé. Il a des antécédents judiciaires incluant des voies de fait et des agressions sexuelles. L’accusé a été élevé dans un milieu désavantagé. Il a fait l’objet de violence et a un père violent et alcoolique. L’accusé est un autochtone. La Cour impose six ans de prison en mentionnant que, si la poursuite avait requis davantage, elle l’aurait considéré.

[37] Dans l’affaire R. v. Cran, l’accusé de 23 ans, sans antécédents judiciaires, ayant vécu dans un environnement familial remarquable et n’ayant aucun événement dans sa vie qui le prédestine à agir de façon criminelle, reçoit une peine de six ans d’emprisonnement pour avoir attaqué un homme, avec deux autres complices munis de bâtons de baseball, de baguettes de pool et de bâtons de golf, et l’avoir battu à mort avec une violence gratuite et importante, alors que la victime se trouve à proximité d’un stationnement, qu’il y fume et y est nu. Bien qu’il n’y ait pas de preuve de plan préalable, cette situation ne peut néanmoins être considérée comme un événement soudain ou spontané. La Cour tire la conclusion que le groupe de criminels se cherchaient quelqu’un à battre, puisque chacun d’eux avait quitté leur domicile avec une arme. La Cour estime alors qu’un message important de dissuasion doit être envoyé à la communauté.

[38] Dans l’affaire R. v. White Man Left, l’accusé, membre des Premières Nations, est attaqué par la victime sans qu’il n’y ait provocation de sa part. Il la poursuit sur une distance de cent vingt pieds, elle tombe par terre et l’accusé la poignarde à plusieurs reprises. Le Tribunal prononce une peine équivalente à six ans et demi.

[39] Dans l’affaire R. c. Thomishiah Cooper, l’accusé reçoit une peine équivalente à sept ans pour une violence entraînant la mort de sa conjointe après qu’il ait consommé une importante quantité d’alcool avec elle et alors qu’il est jaloux. Elle décède une semaine plus tard suite à ces voies de fait. L’accusé a un important dossier criminel et a brisé des conditions de remise en liberté comprenant des gestes de violence. L’accusé sait qu’il a un problème avec la consommation de boissons, ne fait jamais rien pour le régler bien qu’il le lui soit recommandé à plusieurs reprises par l’agent de probation. Il est d’ailleurs sous probation lorsque l’événement survient.

[40] Dans l’affaire R. c. Joseph Nappartuk, l’accusé, fortement intoxiqué, est furieux que le chauffeur de taxi ne l’ait pas amené à la destination voulue. Pour cela, il le bat à coups de poing et à coups de pieds. Il en résulte son décès. Il reçoit une peine équivalente à sept ans de prison. L’accusé a quelques antécédents de violence et exprime beaucoup de remords.

[41] Dans l’affaire R. c. Tremblay, l’accusé reçoit une peine équivalente à sept ans de prison pour avoir tué le nouvel ami de sa conjointe en lui assénant des coups à la tête. L’accusé est âgé de 30 ans, a des antécédents judiciaires révélant un comportement violent. Il est en probation au moment de la commission du crime, ne reconnaît ni sa jalousie ni son agressivité.

[42] Dans l’affaire R. c. Langlois, l’accusé de 34 ans reçoit une peine équivalente à sept ans de pénitencier pour un homicide involontaire coupable commis par des coups de poing et des coups de pieds causant le décès de la victime. L’accusé a des antécédents de vol qualifié, d’agression armée, de voies de fait et de menaces. Après plusieurs altercations et une invitation de la victime, que l’accusé ne refuse pas, celui-ci lui donne des coups de poing et des coups de pieds au point où celle-ci en meurt en se cognant notamment la tête sur le pavé. L’accusé appelle les ambulanciers et va se réfugier dans un motel. La Cour en vient à la conclusion que l’accusé a utilisé une force excessive au-delà de ce qui était nécessaire pour repousser l’attaque à laquelle il aurait pu, de toute façon, se soustraire. La Cour insiste sur l’importance de sanctionner l’usage démesuré de la violence à la sortie d’un bar et prononce une peine équivalente à sept ans de pénitencier.

[43] Dans l’affaire R. v. Quatsiak Sivuarapik, le soussigné impose une peine de sept ans pour un homicide commis avec un couteau, motivé par la jalousie et par l’important niveau d’intoxication par l’alcool. L’accusé a plusieurs antécédents parmi lesquels des voies de fait. Il est âgé de 28 ans et l’alcool a toujours influencé son comportement violent dans sa vie.

[44] Dans l’affaire R. v. Brian, la Cour d’appel prononce une peine de sept ans et demi à un accusé âgé de 20 ans qui, avec un complice, alors qu’il est intoxiqué, attaquent la victime à coups de pieds. La victime décède des suites de ses blessures. L’accusé exprime des remords et accepte sa responsabilité. Il a passé dix-neuf mois en détention préventive. La Cour considère comme important le jeune âge de l’accusé.

[45] Dans l’affaire R. c. Jacques Silahian, la victime est frappée à la tête avec un bâton de baseball et des coups de pieds sont donnés dans le cadre d’un geste successif à de la rage au volant. La Cour fait état qu’il n’y a aucun doute que les accusés n’avaient pas eu l’intention précise de tuer leur victime. Cependant, la rage avec laquelle ils l’ont battu en le rouant de coups alors qu’elle gisait au sol confère à leurs gestes une gravité indéniable. Les accusés sont condamnés à une peine d’emprisonnement de huit ans de pénitencier. Les deux accusés ont un passé sans taches. Ils sont instruits, sont issus de familles qui leur ont dispensé une solide éducation et ne sont affectés d’aucun problème mental. Le Tribunal signale la violence inouïe dont ont fait preuve les accusés et leur haut potentiel de violence.

[46] Dans l’affaire R. v. Crane, l’accusé, âgé de 37 ans et membre des Premières Nations, reçoit une peine de huit ans pour homicide involontaire lié à un important degré d’intoxication. L’accusé frappe la victime à outrance afin de la réveiller pour boire avec elle et l’abandonne sur place; le tout après lui avoir imposé un traitement dégradant en urinant sur elle. Il est suffisamment conscient des faits pour demander à sa fille d’appeler une ambulance, ce qu’elle ne fait pas. Il a un important dossier judiciaire incluant de la violence.

[47] Dans l’affaire R. c. Martin Veilleux, l’accusé loge chez la victime, y consomme des drogues et, sans aucune raison valable, donne plusieurs coups de couteau à la victime qui en décède. Il a des antécédents judiciaires importants, dont certains de violence. Il est condamné à huit ans de prison. Le Tribunal conclut que l’homicide a été commis de façon tout à fait gratuite alors que le meurtrier était hautement perturbé par la consommation de marijuana contenant une haute teneur en THC.

[48] Dans l’affaire R. c. Charlie Papak, l’accusé reçoit une peine équivalente à huit ans et demi de prison. Les vies de l’accusé et de son épouse sont marquées par des agressions répétées de ce dernier sur celle-ci et par un sévère problème d’alcoolisme. Il tente, par la suite, de s’enlever la vie, mais ne se blesse finalement pas très sérieusement. Le Tribunal estime alors que la dissuasion s’impose. Le Tribunal fait notamment la remarque que, dans les communautés nordiques, leur population est de plus en plus confrontée à la violence liée à l’intoxication extrême.

[49] Dans l’affaire R. c. Levi Novalinga, l’accusé, âgé de 40 ans, est sérieusement intoxiqué par l’alcool, les drogues et les médicaments. Suite à une altercation avec la victime qui l’a initiée en lançant des pierres, l’accusé retourne à l’intérieur de la maison, prend un fusil et en tire deux coups sur la victime à travers la fenêtre. La victime en meurt. Le Tribunal prononce une peine de neuf ans d’emprisonnement, en considérant les antécédents de l’accusé et sa personnalité propre, la collaboration de l’accusé, son plaidoyer de culpabilité à la première occasion, ses remords, mais aussi l’utilisation d’une arme et le fait que l’accusé est un vendeur de stupéfiants.

[50] Dans l’affaire R. c. Charlie Quara et Kaitak Alaku Qumaluk, deux accusés se vengent eu égard à des insultes et des voies de fait portées par la victime sur d’autres personnes et la battent à mort. L’accusé Quara est sans antécédents judiciaires, alors que l’accusé Qumaluk a des antécédents de voies de fait. Les deux accusés sont Inuits. Ils sont intoxiqués par l’alcool lors de ces événements. La Cour ordonne respectivement pour MM. Quara et Qumaluk des peines de huit et six ans, en considérant qu’ils ont déjà purgé trois ans de temps préventif.

[51] Dans l’affaire R. c. Bisson, deux accusés autochtones, respectivement âgés de 24 et 22 ans, se retrouvent intoxiqués dans l’appartement de la victime qui décède suite à une altercation où elle est frappée de coups de poing, de coups de pieds et aussi par des bouteilles, des lampes et des conserves lancées par ces derniers. L’un des accusés reçoit une peine de dix ans de prison pour homicide involontaire. Le Tribunal considère les importantes difficultés et abus qui ont marqué l’enfance des accusés.

[52] Dans l’affaire R. c. Rondeau, la Cour d’appel prononce une peine de douze ans d’emprisonnement à un accusé de 19 ans, sans antécédents judiciaires, qui a poignardé la victime à la gorge avec un couteau dans le cadre d’une discussion préalable avec un complice. L’accusé est considéré comme un individu paranoïde dangereux et le crime commis est plus près de la mens rea requise pour un meurtre.

[53] Dans l’affaire R. c. Snowball, la victime et l’accusé se sont battus au cours d’une fête pour une cigarette. L’accusé part des lieux, puis y revient avec une arme à feu et tire sur la victime qui est à toute proximité. L’accusé est intoxiqué de façon importante par l’alcool. Il se voit imposer une peine de huit ans et six mois, en considération du fait qu’il a purgé une peine préventive équivalente à quarante-deux mois.

En matière de voies de fait grave envers les enfants, les tribunaux vont prioriser les objectifs d'exemplarité et de dissuasion générale et habituellement et ce crime inexcusable attire des peines d'emprisonnement significatives

R. c. S.T., 2009 QCCQ 12941 (CanLII)

[43] Dans R. c. Colak, le juge Parent, après avoir déclaré l'accusé coupable de voies de fait graves à l'égard de sa fille âgée de moins de deux mois, l'a condamné à une peine de trente mois d'incarcération.

[44] L'enfant avait été secouée dans le but de l'arrêter de pleurer, causant d'importantes hémorragies au cerveau ayant des conséquences sérieuses sur le développement de l'enfant.

[45] Après une revue de la jurisprudence, le juge Parent a estimé cette peine juste en tenant compte de la personnalité de l'accusé (intelligence limitée) et du geste impulsif et non prémédité posé par l'accusé.

[46] Dans R. c. M.B., le juge Bigué, après avoir examiné plusieurs décisions, a imposé une peine de trois ans de pénitencier à un accusé qui avait secoué violemment sa fille âgée de sept semaines parce qu'elle pleurait, lui causant d'importantes séquelles permanentes au cerveau et entraînant des problèmes de vision, de développement et d'apprentissage.

[47] Dans cette affaire, le juge d'instance fait une revue minutieuse de plusieurs décisions. Il conclut que l'échelle des peines imposées varie de peine maximale d'emprisonnement avec sursis, soit deux ans moins un jour, à huit ans de pénitencier.

[48] De son côté, l'avocate de l'accusé soumet la décision de R. c. J.C.

[49] Dans cette affaire, madame la juge Lemoyne impose à l'accusé qui a reconnu sa culpabilité à des voies de fait graves à l'égard de son bébé âgé de six semaines une peine de deux ans moins un jour à être purgée dans la collectivité. L'enfant, qui a subi des fractures aux côtes, présente un léger retard moteur suite aux événements, retard qui s'améliore suite à l'intervention d'une équipe multidisciplinaire.

[50] Après une revue des peines imposées pour des crimes semblables, la juge d'instance conclut à la peine maximale dans la communauté vu les efforts et le potentiel de réhabilitation de l'accusé et l'absence de preuve de séquelles futures chez l'enfant.

[52] Parmi d'autres décisions consultées, le tribunal retient celles de R. c. Alcius, de R. c. J.B. et de R. c. E.P.

[53] Dans Alcius, notre Cour d'appel confirme une peine exceptionnellement clémente de deux ans moins un jour d'incarcération. L'accusé avait été reconnu coupable d'homicide involontaire de l'enfant de sa conjointe âgé de trois ans, enfant qu'il avait secoué. À cause des longs délais avant le procès, la Cour d'appel décide de ne pas intervenir bien que la peine imposée, acceptable à ses yeux, « se situe en bas de l'échelle des peines imposées dans des situations semblables ».

[54] Dans J.B., un père âgé de 19 ans a été condamné à une peine de 54 mois pour avoir violenté son enfant à 3 reprises, lui occasionnant des séquelles permanentes sérieuses. L'accusé, qui avait des troubles psychologiques importants, n'avait aucun antécédent de violence et il ne consommait ni drogue ni alcool.

[55] Dans R. c. E.P., notre Cour d'appel confirme l'imposition d'une peine de deux ans de pénitencier assortie d'une période de probation d'une durée de trois ans imposée à l'accusé qui s'était reconnu coupable de voies de fait graves à l'égard d'un enfant de trois ans et demi. L'accusé était atteint d'une déficience intellectuelle sérieuse.

[56] Le tribunal constate à l'examen des décisions rendues dans des cas plus ou moins semblables que les peines imposées varient considérablement.

[57] Cependant, toutes ces décisions rappellent ce qu'exprimait notre Cour d'appel dans E.P. :

« […] en matière de crime de violence envers des enfants les tribunaux vont prioriser les objectifs d'exemplarité et de dissuasion générale et habituellement, ces crimes inexcusables attirent des peines d'emprisonnement significatives.

Par ailleurs, l'importance de cette peine variera en fonction des circonstances de commission du crime et des particularités du délinquant […] »

dimanche 13 juin 2010

Détermination de la peine pour des infractions de nature sexuelle sur des enfants

G.L. c. R., 2008 QCCA 2401 (CanLII)

[20] Enfin, la peine, en elle-même, n'est ni déraisonnable ni contre-indiquée. Le requérant fait état de divers jugements imposant, pour des cas similaires, des peines moindres que celle de l'espèce. Cela, en soi, n'est pas déterminant, comme l'indique d'ailleurs la Cour suprême dans l'affaire L.M., précitée, l'imposition d'une peine demeurant un exercice fortement individualisé. Par ailleurs, en parallèle avec les jugements cités par le requérant, notre Cour, dans des arrêts plus récents encore, a imposé pour des infractions de même nature ou analogues des peines comparables et parfois plus sévères que celle de l'espèce :

- G.L. c. R., où la Cour confirme la peine globale de 10 ans d'emprisonnement imposée à un homme qui a agressé sexuellement trois adolescentes. Pour l'une de ces agressions, qui résulte d'abus sexuels commis à l'endroit de l'une des adolescentes sur une période de cinq ans, la Cour confirme une peine de six ans d'emprisonnement. Elle confirme aussi la peine de quatre ans d'emprisonnement pour des abus sexuels commis sur la personne d'une autre victime alors que celle-ci était âgée de 13 à 17 ans, peine consécutive à la précédente. Un troisième chef d'agression sexuelle vaut à l'appelant une peine concurrente d'une année d'emprisonnement. La Cour fait dans cet arrêt une revue de la jurisprudence en matière d'agressions sexuelles sur des personnes mineures.

- A.C. c. R. : la Cour confirme la peine de 33 mois d'emprisonnement (c'est-à-dire 36 mois moins 3 mois de détention provisoire) imposée au père qui a agressé sa fille pendant une période d'environ 8 mois (touchers aux parties génitales, avec les mains ou la bouche). Constituait un facteur aggravant le fait que l'appelant avait laissé un voisin agresser l'enfant.

- R. c. S.H.: par l'effet de la consécutivité des peines, la Cour d'appel impose une peine globale de neuf ans d'emprisonnement au père déclaré coupable de diverses infractions de nature sexuelle sur ses trois enfants.

- L.B. c. R. : une peine globale de 10 ans d'incarcération est maintenue pour agressions sexuelles (6 ans) commises sur la personne des trois enfants de l'appelant, pendant plusieurs années, et inceste avec l'une d'entre elles (10 ans).

- R. c. R.D. : la Cour impose une peine de 34 mois d'emprisonnement ferme (tenant compte de 2 mois de sursis déjà purgés, pour une peine globale de 36 mois) à celui qui, pendant plusieurs années, a agressé sexuellement la fille de sa conjointe de fait (attouchements aux parties génitales, pénétrations digitales, masturbation, cunnilingus, tentative de fellation, une relation sexuelle complète).

- R. c. L.M., où la Cour suprême a rétabli une peine de 10 ans (c'est-à-dire la peine maximale) pour agressions sexuelles sur la personne d'une très jeune enfant

Fourchette des peines pour les crimes de distribution et de possession de pornographie infantile, de contact sexuel sur une personne âgée de moins de 14 ans, de production de matériel pornographique et pour le crime de leurre

St-Pierre c. R., 2008 QCCA 896 (CanLII)

[9] À cet égard, une revue de la jurisprudence canadienne montre que :

- pour le crime de contact sexuel sur une personne âgée de moins de 14 ans (article 151 C.cr.), les peines varient entre 9 mois et 3 ans d'emprisonnement.

Ici, le juge de première instance a prononcé une peine d'emprisonnement de 3 ans pour l'infraction visant un complot en vue de commettre l'infraction.

- pour les crimes de distribution et de possession de pornographie infantile (article 163.1(3) C.cr.), les peines imposées varient entre 6 mois et 2 ans.

Le juge de première instance a plutôt condamné l'appelant à un emprisonnement de 3 ans pour ce chef d'accusation.

- pour le crime de production de matériel pornographique (article 163.1(2) C.cr.), les peines imposées vont de 10 mois à 2 ans.

Or, ici, l'appelant a été condamné à une peine d'emprisonnement de 2 ans pour un complot en vue de commettre l'infraction.

- pour le leurre (article 172.1 C.cr.), les peines imposées pour ce crime vont de 6 mois à 1 an d'emprisonnement.

Le juge a imposé à l'appelant une peine de 3 ans.

jeudi 10 juin 2010

Exemples de préjudice autre que celui découlant de l’atteinte à un procès juste et équitable pouvant entraîner la violation du droit garanti par l’al. 11a) de la Charte

R. c. Delaronde, [1997] 1 R.C.S. 213

Avec égards, je ne pense pas que la violation de l’al. 11a) de la Charte soit exclusivement reliée à l’atteinte à un procès juste et équitable. Un inculpé a le droit d’être informé rapidement d’une dénonciation portée contre lui afin de pouvoir planifier, entre autres, des décisions importantes affectant sa vie professionnelle ou familiale. Si ces décisions ont entraîné un préjudice économique résultant directement du temps excessif mis à l’informer de l’infraction précise qu’on lui reproche, la personne devrait avoir la possibilité d’invoquer la violation du droit protégé par l’al. 11a) de la Charte et de recourir au par. 24(1) pour demander réparation devant le tribunal approprié.

Je donnerai deux exemples pour expliciter comment un préjudice autre que celui découlant de l’atteinte à un procès juste et équitable peut entraîner la violation du droit garanti par l’al. 11a) de la Charte. Ainsi, une personne qui, n’étant pas au courant qu’une dénonciation pèse contre elle depuis un certain temps, décide d’investir toutes ses économies dans l’achat d’un dépanneur pour le gérer avec son conjoint ou sa conjointe, pourrait encourir des dommages financiers importants si elle devait s’absenter pour subir un procès et même purger une peine d’emprisonnement. Cette personne pourrait soutenir que, si elle avait été informée plus tôt, dans un délai raisonnable, de la dénonciation portée contre elle, elle n’aurait jamais pris la décision d’investir la totalité de son argent dans ce petit commerce qui ne pouvait survivre sans sa participation active. En outre, elle pourrait plaider qu’elle n’avait pas prévu des coûts supplémentaires nécessaires pour engager, pendant la durée de son procès et de son emprisonnement le cas échéant, un employé temporaire pour accomplir la part des tâches qui lui incombait dans l’administration de son dépanneur. Pour mentionner un autre exemple, une personne qui décide de ne pas renouveler une assurance juridique lui garantissant des services d’avocat à moindre coût, car elle ne sait pas que des accusations sont portées contre elle, pourrait fort bien demander réparation en vertu du par. 24(1) de la Charte. En effet, un lien de causalité pourrait être établi entre le préjudice qui découle de cette décision et le fait de ne pas avoir été informé dans un délai raisonnable de l’infraction précise qu’on lui reproche.

Par cet addendum, je voulais mentionner que les réparations réclamées en vertu du par. 24(1) de la Charte en raison d’une violation du droit garanti par l’al. 11a), ne devraient pas, à mon avis, être limitées au préjudice résultant de l’atteinte à un procès juste et équitable. Le fait d’avoir une dénonciation pendante contre soi peut affecter des décisions à prendre dans sa vie autres que pour la préparation d’une défense.

L’affidavit au soutien d’une requête est essentiel et il est reconnu que chaque fois qu’il s’agit d’une question de faits, l’affidavit doit être donné par la partie qui est au courant et non par son procureur

R. c. Bergeron, 2010 QCCQ 4160 (CanLII)

[33] « L’affidavit au soutien d’une requête est essentiel et il est reconnu que chaque fois qu’il s’agit d’une question de faits, l’affidavit doit être donné par la partie qui est au courant et non par son procureur » : Blenda Construction Inc. C. Gouveia, [1981] C.S. 272, p. 273; R. c. Deslauriers 1992 CanLII 4022 (MB C.A.), (1992), 77 C.C.C. (3d) 329, p. 336-337 (C.A. Man.).

[34] En l’espèce, Me Dionne allègue, à titre de préjudice, des faits personnels au requérant telles les vérifications concernant le mandat d’arrestation (paragr. F). Pour établir les faits au soutien de sa requête, celui-ci doit témoigner sous serment, soit de vive voix ou par l’intermédiaire de sa déclaration assermentée, et subir un contre-interrogatoire de façon à permettre au juge d’apprécier le fondement de sa prétention.

[35] La déclaration assermentée aurait dû être signée par le requérant et non par son avocate, car certains faits allégués constituent pour elle de l’ouï-dire. Elle ne peut affirmer sous serment qu’ils sont vrais puisqu’elle ne les connaît pas personnellement : Bédard c. Les Développements L’Esplanade Inc., [1989] R.D.J. 329, p. 330-331 (C.S.); Feuiltault c. Ville de Ste-Julie, [1978] C.S. 774. Dans ces circonstances, cette déclaration assermentée représente une preuve par ouï-dire irrecevable, car le but recherché consiste à établir la véracité de son contenu sans que le requérant ne soit entendu : R. c. Khelawon, 2006 CSC 57 (CanLII), [2006] 2 R.C.S. 787.

mercredi 9 juin 2010

Le danger pour la sécurité de la société, pour déterminer si le sursis est possible, s’apprécie au regard du risque de récidive et de la gravité du préjudice découlant d’une récidive y inclus le dommage économique possible

R. c. Alain, 2001 CanLII 12757 (QC C.A.)

[13] En somme, la fraude de l’appelant ne peut pas se comparer à une autre où le bénéfice personnel est le seul objectif et la cupidité, l’unique motivation.

[15] En somme, doivent aussi être pris en considération le lien de confiance des souscripteurs à l’endroit de l’accusé, la préméditation, la planification évidente et le montant en jeu à titre de facteurs aggravants, l’absence d’antécédents criminels, la valeur relativement peu élevée de l’avantage personnel retiré, l’objectif et la motivation ultime visés, comme facteurs atténuants.

[16] Après l’examen de la responsabilité personnelle ou intrinsèque du contrevenant, reste celui de la fonction dissuasive de la peine. Les fraudes importantes qui nécessitent habituellement la mise en place et l’utilisation d’un système sophistiqué entraînent des peines d’emprisonnement. Les tribunaux ont généralement voulu souligner la gravité de ces fraudes « dans les affaires », sans doute, pour qu’il soit bien compris que les « criminels à col blanc » peuvent, et en réalité, causent un préjudice sérieux aux victimes spécialement lorsqu’elles sont de petits épargnants, et qu’il y a lieu de décourager ces agissements, causes de dommages sociaux.

[18] Cela m’amène inéluctablement à examiner le droit au sursis à l’incarcération en application de l’article 742.1 C.cr. puisque aucune infraction n’est exclue du champ d’application de cette disposition sauf si une peine minimale d’emprisonnement est prévue.

[19] Le juge Rosenberg de la Cour d’appel de l’Ontario, dans un texte approuvé par la Cour suprême dans R. c. Proulx précité, faisait le commentaire suivant :

I do not read R. v. Pierce as laying down an inflexible rule that a conditional sentence should never or rarely be imposed in fraud cases involving a breach of trust or that the community can only be safeguarded in such cases by incarcerating the offender. In my view, general deterrence is neither inconsistent with a conditional sentence order nor is it a basis for reserving the conditional sentence for rare or exceptional cases. To the contrary, the objective of general deterrence can be achieved through the conditional sentence of imprisonment.

[20] Cela dit, il me faut examiner les deux critères de la sécurité du public et de la conformité que présenterait un sursis de l’incarcération avec l’objectif et les principes de la détermination de la peine.

[21] Le danger pour la sécurité de la société s’apprécie au regard du risque de récidive et de la gravité du préjudice découlant d’une récidive y inclus le dommage économique possible. En l’espèce, aucun élément au dossier ne permet de conclure à un risque de récidive. J’estime donc que ce critère est satisfait.

[22] Reste à déterminer si le sursis d’incarcération serait ici conforme à l’objectif et aux critères de la détermination de la peine. En d’autres termes, est-ce que cette sanction, si elle bénéficie à l’appelant, serait une peine proportionnée à la gravité de son infraction et à son degré de responsabilité?

[23] L’examen de ce facteur de proportionnalité est, sans doute, le plus difficile. Il consiste à évaluer l’ensemble des aspects de la personnalité du prévenu et toutes les caractéristiques de son crime pour décider si la peine d’emprisonnement exigée et infligée était purgée dans la collectivité et aurait un degré d’efficacité tant individuel que social approprié.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le ré-interrogatoire

R. v. Lavoie, 2000 ABCA 318 Lien vers la décision Re-examination of Stephen Greene, Re-cross-examination of Stephen Greene   [ 46 ]        T...