R. c. Delaronde, [1997] 1 R.C.S. 213
Avec égards, je ne pense pas que la violation de l’al. 11a) de la Charte soit exclusivement reliée à l’atteinte à un procès juste et équitable. Un inculpé a le droit d’être informé rapidement d’une dénonciation portée contre lui afin de pouvoir planifier, entre autres, des décisions importantes affectant sa vie professionnelle ou familiale. Si ces décisions ont entraîné un préjudice économique résultant directement du temps excessif mis à l’informer de l’infraction précise qu’on lui reproche, la personne devrait avoir la possibilité d’invoquer la violation du droit protégé par l’al. 11a) de la Charte et de recourir au par. 24(1) pour demander réparation devant le tribunal approprié.
Je donnerai deux exemples pour expliciter comment un préjudice autre que celui découlant de l’atteinte à un procès juste et équitable peut entraîner la violation du droit garanti par l’al. 11a) de la Charte. Ainsi, une personne qui, n’étant pas au courant qu’une dénonciation pèse contre elle depuis un certain temps, décide d’investir toutes ses économies dans l’achat d’un dépanneur pour le gérer avec son conjoint ou sa conjointe, pourrait encourir des dommages financiers importants si elle devait s’absenter pour subir un procès et même purger une peine d’emprisonnement. Cette personne pourrait soutenir que, si elle avait été informée plus tôt, dans un délai raisonnable, de la dénonciation portée contre elle, elle n’aurait jamais pris la décision d’investir la totalité de son argent dans ce petit commerce qui ne pouvait survivre sans sa participation active. En outre, elle pourrait plaider qu’elle n’avait pas prévu des coûts supplémentaires nécessaires pour engager, pendant la durée de son procès et de son emprisonnement le cas échéant, un employé temporaire pour accomplir la part des tâches qui lui incombait dans l’administration de son dépanneur. Pour mentionner un autre exemple, une personne qui décide de ne pas renouveler une assurance juridique lui garantissant des services d’avocat à moindre coût, car elle ne sait pas que des accusations sont portées contre elle, pourrait fort bien demander réparation en vertu du par. 24(1) de la Charte. En effet, un lien de causalité pourrait être établi entre le préjudice qui découle de cette décision et le fait de ne pas avoir été informé dans un délai raisonnable de l’infraction précise qu’on lui reproche.
Par cet addendum, je voulais mentionner que les réparations réclamées en vertu du par. 24(1) de la Charte en raison d’une violation du droit garanti par l’al. 11a), ne devraient pas, à mon avis, être limitées au préjudice résultant de l’atteinte à un procès juste et équitable. Le fait d’avoir une dénonciation pendante contre soi peut affecter des décisions à prendre dans sa vie autres que pour la préparation d’une défense.
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