mercredi 28 avril 2010

Le pouvoir d’accorder ou de refuser une remise est discrétionnaire

R. c. Lévesque, 2006 QCCQ 12236 (CanLII)

[8] Le pouvoir d’accorder ou de refuser une remise est discrétionnaire, mais les tribunaux supérieurs interviendront si cette discrétion n’a pas été exercée d’une manière judiciaire.

[9] Les critères sont bien connus. Dans l’arrêt Darville, la Cour suprême a défini trois conditions que doit satisfaire la partie qui demande une remise. Elle doit démontrer : a) que la personne absente pourrait rendre un témoignage pertinent; b) qu’elle a pris des moyens raisonnables pour s’assurer de la présence du témoin; c) qu’on peut raisonnablement penser que le témoin absent se présentera ultérieurement devant le tribunal.

[10] L’arrêt Darville, rendu en 1957, mettait en cause l’opportunité raisonnable d’assigner des témoins dans une affaire de trafic de stupéfiants. Détenu depuis neuf mois, sans avocat depuis l’enquête préliminaire, Darville se plaignait de ne pouvoir retracer les témoins même si un journaliste lui avait offert ses services pour communiquer avec eux, mais en vain. Au procès, le juge a refusé une demande de remise et la Cour d’appel de l’Ontario a rejeté l’appel contre la condamnation. La Cour suprême, par la plume du juge Taschereau, a rejeté sommairement l’appel en rappelant les trois conditions pertinentes et en mentionnant que le juge du procès n’avait commis aucune erreur de droit. Le juge Cartwright, par ses motifs distincts, a conclu que le juge avait commis une erreur de droit en décidant du sort de la requête sans avoir donné l’occasion à Darville de démontrer qu’il pouvait satisfaire les critères. Cependant, cette opportunité lui avait été subséquemment donnée par la Cour appel alors qu’il était représenté par avocat et il n’avait rien fait. L’appel avait donc été rejeté à bon droit.

[11] Cela étant, il y a maintenant deux ans, la Cour d’appel du Québec a rendu deux décisions importantes sur la question dans lesquelles elle reprend la position du juge Cartwright. Le juge Dalphond, pour la majorité, a conclu que toute demande de remise doit prendre en compte l’ensemble des circonstances et doit être conforme aux intérêts de la justice :

Briefly stated, the decision whether or not to grant the adjournment must be made in the light of the realities of each case and shall be consistent with the interests of justice.

[12] Dans l’affaire G.(J.C.), une part importante du jugement discute de la négligence du ministère public relativement à une assignation envoyée par courrier ordinaire. Cet aspect ne touche pas le dossier de M. Lévesque qui met en cause uniquement la troisième condition. Sur ce point, la Cour d’appel a rappelé que la preuve ne peut généralement pas se faire séance tenante lorsqu’on constate l’absence du témoin et qu’il est difficile de trancher la question sans donner à la partie l’occasion d’y répondre :

24 The third criterion is the most difficult, particularly where, as here, it is not known before the time set for trial that the witness will not be appearing. In R. v. MacDonald, reference is made with approval to the following comments of McDonald J. of the Alberta Court of Queen's Bench in R. v. T. (A.) reflex, (1991), 69 C.C.C. (3d) 107 at p. 112:

As for condition (c), it will commonly be impossible to offer any evidence that if an adjournment is granted there is a reasonable expectation that the attendance of the witness on a future trial date can be procured. Whether there is such a reasonable expectation may depend on a variety of factors, which cannot be identified at the time the witness, has failed to appear. Is his failure to appear due to his having met with an accident or illness? If that is known, obviously an adjournment will be granted; ordinarily it will not be known and cannot be discovered until inquiries are made. Is his failure to appear due to forgetfulness on his part? That cannot be known and it will not be known until inquiries are made. Is his failure to appear due to his having been intimidated by the complainant or by someone on the complainant's behalf, or because the witness has decided without being intimidated that he does not wish to testify against the accused? That cannot be known and it will not be known until inquires have been made. In all these instances refusal to grant the adjournment may be inconsistent with the interests of justice, and may be the result of an undue readiness to assume that the failure of the witness to appear has been due to circumstances that will not be overcome if the party seeking the attendance of the witness is granted the adjournment.

[13] Dans cette affaire, le juge Dalphond a conclu que l’intérêt de la justice ne commandait pas un acquittement dans les circonstances, en raison notamment de la gravité des accusations, de l’absence de remise antérieure et de l’absence de préjudice démontré pour l’accusé. En outre, deux possibilités s’offraient alors au juge, soit d’émettre un mandat ou de suspendre pour obtenir un complément de preuve :

27 In theses circumstances, the trial judge should not have refused the Crown's request for a postponement of the trial and should not have subsequently acquitted the respondent. Instead, he should have considered issuing a warrant, or if unsatisfied with the facts alleged by the Crown, he should have adjourned to give the Crown an opportunity to adduce proper evidence

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