R. c. Anderson, 2008 QCCS 3786 (CanLII)
[3] Le ouï-dire consiste à vouloir mettre en preuve, pour en établir la véracité, la déclaration faite par une personne qui ne témoigne pas elle-même à l'audience. Lorsque le témoignage du témoin ne vise pas à établir la véracité de la déclaration mais simplement que celle-ci a été faite, il ne s'agit pas de ouï-dire et si, stricto sensu, on pouvait affirmer qu'il s'agit effectivement de ouï-dire, ce témoignage serait néanmoins recevable.
[4] Ainsi, la déclaration du témoin qui affirme à l'audience que, lorsqu'il était au cinéma, il a entendu quelqu'un crier "Au feu", ne prouve pas l'existence du feu mais explique pourquoi tout le monde s'est précipité vers les sorties.
[5] Le ouï-dire visant à établir la véracité de la déclaration est inadmissible – même si le sujet évoqué est pertinent – parce qu'il est difficile d'en vérifier la fiabilité. En effet, le déclarant n'étant pas présent en Cour, il est difficile de vérifier s'il était sincère, précis ou fiable, s'il a exagéré ou tout simplement mal perçu la réalité. Étant absent à l'audience, on ne peut le contre-interroger.
[6] Toutefois, les tribunaux ont constaté que l'exclusion sans restriction de la preuve par ouï-dire gênerait la constatation exacte des faits et ont, au fil des ans, établi un certain nombre d'exceptions à la règle: les res gestae, les actes manifestes en matière de complot, la preuve de certains écrits de nature publique ou privée, la déclaration des mourants, etc.
[7] Les faits dans l'arrêt Khan ont montré les limites de ces exceptions particularisées.
[8] Dans cette affaire, la déclaration de la fillette de 3 ½ ans selon laquelle le docteur Khan l'avait agressée sexuellement ne s'insérait dans aucune des exceptions particularisées. La Cour suprême a donc redéfini le droit sur cette question pour affirmer que le ouï-dire pouvait être admissible pour établir la véracité de la déclaration si les critères de nécessité et de fiabilité étaient présents. Dans Khan, le critère de nécessité était clairement rencontré puisque la fillette ne pouvait évidemment témoigner et qu'il fallait s'en remettre à la déclaration qu'elle avait faite à sa mère environ une demi-heure après l'agression suite à la constatation par celle-ci d'une tache suspecte sur la robe de sa fille.
[9] Ce principe – l'admissibilité du ouï-dire pour établir la véracité de la déclaration si les critères de nécessité et de fiabilité sont présents – a été repris, réitéré, élaboré, commenté, précisé et approuvé par la Cour suprême dans les arrêts Smith, K.G.B., U.F.J., Hawkins, Starr, Mapara, Couture et, finalement et surtout, dans Khelawon.
[10] Quant au critère de nécessité, il reçoit une définition souple qui consiste à déterminer si l'auteur de la déclaration peut ou ne peut pas témoigner au procès. Le décès, l'aliénation, la maladie qui empêche de voyager ou de témoigner, l'absence du pays ainsi que le refus de prêter serment ou de témoigner constituent des exemples à cet égard.
[11] Quant à la fiabilité, elle se divise en deux parties: le seuil de fiabilité que le juge doit trancher selon la prépondérance des probabilités et la fiabilité ultime qui doit être tranchée par le jury.
[12] Le meilleur moyen de vérifier la fiabilité de la déclaration est le contre-interrogatoire. Cela se produit notamment lorsque la déclaration qu'on veut mettre en preuve a été faite au cours de l'enquête préliminaire et que le déclarant, absent à l'audience devant le juge du procès, a été contre-interrogé.
[13] À l'étape de la détermination du seuil de fiabilité, le juge doit se limiter "à déterminer si la déclaration relatée en question renferme suffisamment d'indices de fiabilité pour fournir au juge des faits une base satisfaisante pour examiner la véracité de la déclaration."
[14] Dans Khelawon, la Cour suprême affirme que "la question de savoir si certains facteurs toucheront uniquement la fiabilité en dernière analyse dépendra du contexte". Elle ajoute que certains des commentaires formulés aux paragraphes 215 et 217 de l'arrêt Starr "ne devraient plus être suivis."
[15] Elle continue en affirmant que la Cour "devrait plutôt adopter une approche plus fonctionnelle," et que les "facteurs pertinents ne doivent plus être rangés dans des catégories de seuil de fiabilité et de fiabilité en dernière analyse."
[16] Elle ajoute que le juge doit "se concentrer sur les dangers particuliers que comporte la preuve par ouï-dire qu'on cherche à présenter, de même que sur les caractéristiques ou circonstances que la partie qui veut présenter la preuve invoque pour écarter ces dangers."
[17] À ce titre, la Cour affirme que, même si les critères de nécessité et de fiabilité ont été démontrés, le juge conserve son pouvoir d'exclure une preuve admissible lorsque son effet préjudiciable est disproportionné par rapport à sa valeur probante.
[18] Elle rappelle finalement le rôle limité que le juge "joue lorsqu'il se prononce sur l'admissibilité".
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