mardi 5 octobre 2010

La course de rue au sens du Code criminel

R. c. Dupuis, 2009 QCCQ 7582 (CanLII)

[95] Si l'accusé a effectivement participé à une course, il ne peut se dégager d'une condamnation de conduite dangereuse en jetant la faute de la collision sur une manœuvre imprévue ou imprudente du co-coureur. En participant à une course automobile, l'accusé a contribué à créer l'évènement dangereux. Il en était une partie vitale. Les gestes du coaccusé, monsieur Garneau, étaient des réactions naturelles au stimulus de la course automobile.

[96] Pour le juge Hill dans Menezes, une course automobile sur une voie publique constitue une co-entreprise entre les participants qui implique de la provocation mutuelle et de l'encouragement vers une rivalité ou démonstration de vitesse. Au paragraphe 98 de son jugement, le juge Hill utilise le langage de la complicité pour expliquer le rôle et la responsabilité de chacun des conducteurs impliqués dans une course automobile:

(TRADUCTION) Même si ultimement une action imprudente constitue la négligence criminelle ou une conduite dangereuse, les conducteurs sont des participants à une offense suivant l'article 21 (2) du Code criminel comme si chacun avait effectivement commis l'infraction.

[97] Dans la même veine, au paragraphe 101 de son jugement, le juge Hill écrit que :

(TRADUCTION) De par leurs actes, ceux qui font la course à des vitesses excessives sur une chaussée publique s'entraident à créer un risque dangereux. L'un encourage l'autre.

[98] Dans la cause de R. v. Flannery, [1982] M.J. No. 9 (Man. Co. Ct.), citée dans Menezes au paragraphe 80, le juge Ferg, aux paragraphes 2, 3 et 17, a défini une course automobile sur une voie publique comme étant un mouvement en vitesse aux allures de compétition, un effort fait de concert afin de maintenir une situation de mouvement en ayant un aspect de rivalité.

[99] Dans l'affaire de Gore Mutual Insurance Co. v. Rossignoli, [1964] 2 O.R. 274 (Ont. C.A.) at 276-7, (citée dans la cause de Menezes, par. 81), le juge McGillvray a maintenu qu'une course est généralement un concours de vitesse qui peut être de nature informelle ou spontanée, dans lequel un conducteur ne peut tolérer de se faire dépasser par un rival et pour autant s'efforce, à une vitesse excessive, pour ne pas être dépassé. Ce faisant, il met en danger d'autres usagers de la chaussée.

[100] Mon collègue de la Cour du Québec, le juge Cadieux a rendu un jugement sur sentence dans la cause Frédéric Garneau, le conducteur de la Hyundai dans la présente affaire. Dans Garneau, l'accusé avait plaidé coupable à une accusation de conduite dangereuse causant la mort. Lors des représentations sur sentence, l'accusé a admis avoir conduit à une vitesse excessive, mais il refusait de reconnaître qu'il était impliqué dans une course automobile. En arrivant à la conclusion que l'accusé était impliqué dans une course automobile, le juge Cadieux s'est appuyé, tout d'abord, sur la définition de "course automobile " qui figure dans le dictionnaire le Grand Robert de la langue française, lequel précise :

Course : épreuve de vitesse; compétition sur une distance, un parcours donné. (par. 37)

[101] Ensuite, le juge Cadieux a noté la définition des mots « course de rue » que le législateur a ajoutée à l'article 2 du Code criminel et qui se lit comme suit :

Course de rue : épreuve de vitesse entre des véhicules à moteur dans une rue, un chemin ou une grande route ou tout autre lieu public. (par. 38)

[116] À cela, il faut noter que la jurisprudence prévoit qu'une course automobile résulte souvent d'un acte improvisé ou spontané. Comme l'explique le juge Hill au paragraphe 83 dans Menezes:

(TRADUCTION) Bien souvent, il n'y a pas de piste de course, il n'y a pas de ligne d'arrivée accordée au préalable, et bien sûr, aucun souci des dangers créés. Nous finissons par accepter, comme question de sens commun, que les mouvements synchronisés ou en tandem de deux véhicules qui se démarquent par une vitesse élevée en étant très proche l'un de l'autre sur une distance, souvent accompagnés par des changements de voie brusques, par du blocage ou par des manœuvres osées pour changer de voie en se faufilant dans la circulation sur la route constituent un comportement de course même si tous les attributs d'une course à départ arrêté (drag race) ne soient pas présents. Que l'on fasse par accord exprès ou convention tacite, cette co-entreprise implique de la provocation mutuelle et de l'encouragement vers une rivalité ou démonstration de vitesse.

[117] Certes, on ne retrouve pas de changement de voie dans la présente cause. Est-ce que cela veut dire qu'il n'y avait pas de course? Rappelons, cependant, qu'une course peut se définir comme un mouvement compétitif de vitesse ou une épreuve de vitesse. Les faits dans le présent dossier sont compatibles avec un mouvement compétitif de vitesse ou une épreuve de vitesse, peu importe s'il y avait ou non une entente expresse de courser. Rappelons, également, les propos du juge Hill dans Menezes, à l'effet qu'une course automobile sur la voie publique est souvent un acte improvisé et spontané et qu'on n'a pas besoin de retrouver tous les attributs d'une course à départ (drag race) pour conclure qu'effectivement il y a eu une course

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