Donovan c. R., 2004 NBCA 55 (CanLII)
[22] Aux fins de la détermination de la peine, la preuve relative au comportement et au caractère est admissible dans le cadre du rapport présentenciel préparé par un agent de probation. La Cour a ordonné la production d’un tel rapport conformément au paragraphe 721(1) du Code criminel. Entre autres, le cadre qui régit les renseignements et le contenu du rapport présentenciel est vaste
[24] Dans l’arrêt R. c. Riley 1996 CanLII 5615 (NS C.A.), (1996), 150 N.S.R. (2d) 390 (C.A.), rendu majoritairement, la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a statué qu’on pouvait tenir compte des renseignements défavorables d’un rapport présentenciel afin d’obtenir une image exacte du délinquant, y compris sa consommation de drogues, en vue d’établir le lien entre l’infraction et la personne. L’affaire Riley a été tranchée avant que les dispositions de l’alinéa 721(3)a) deviennent obligatoires, mais elle garde une certaine pertinence.
[28] Un aspect particulièrement troublant du rapport présentenciel est une implication défavorable injustifiable indiquant que M. Donovan aurait refusé de collaborer avec l’agente de probation pendant l’entrevue. Celle-ci a commencé son entrevue de façon inappropriée en tentant d’interroger l’accusé sur sa participation à l’infraction. Il a consulté son avocat, qui lui a conseillé avec raison de ne pas répondre aux questions portant sur la perpétration de l’infraction. De telles investigations outrepassent les limites du rapport. Le cadre du rapport est régi par le libellé de l’article 721 du Code et par toute directive émanant du juge qui détermine la peine. Le rapport ne doit pas servir de moyen d’enquête policière, ni d’opération de renseignement au bénéfice des curieux ou des gens mal informés
[29] On pourrait tirer à tort une inférence défavorable par suite des mentions de son refus de discuter de sa [TRADUCTION] « participation […] à l’infraction » et des conseils de son avocat, particulièrement quand l’agente de probation a donné à M. Donovan [TRADUCTION] « l’occasion de communiquer avec son avocat avant de procéder à l’entrevue », ce qui confirme et rend plus grave encore l’intention de l’agente de probation d’interroger M. Donovan sur une question qui outrepassait ses pouvoirs.
[30] Une personne déclarée coupable, ainsi que son avocat, peut se sentir forcée de discuter de l’acte criminel par crainte de faire l’objet d’un rapport défavorable de l’agent de probation.
[31] Les tentatives d’obtenir des renseignements sur l’infraction dans un rapport présentenciel ont été déclarées interdites depuis plus d’un quart de siècle par les tribunaux de première instance et les tribunaux d’appel du Canada. Voir R. c. Martell (1984), 48 Nfld. & P.E.I.R. 79 (C.A.Î.-P.‑É.), où le juge MacDonald a souscrit à la conclusion de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse dans l’arrêt R. c. Craig (1975), 11 N.S.R. (2d) 695, à savoir qu’il n’est pas judicieux de s’appuyer sur les affirmations d’un rapport qui portent sur les détails de la perpétration d’une infraction. Au paragraphe 12, le juge MacDonald a également souscrit à la décision R. c. Bartkow (1978), 24 N.S.R. (2d) 518, de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse, où le juge en chef MacKeigan, au paragraphe 10, a affirmé qu’un rapport présentenciel devrait se limiter à décrire les antécédents, la famille, l’éducation, l’expérience professionnelle, la santé physique et mentale, les relations, les activités sociales, le potentiel et les motivations de la personne.
[32] Sous les rubriques des rapports présentenciels et des faits se rapportant à l’infraction, l’auteur Clayton C. Ruby affirme, à la page 97 de l’ouvrage Sentencing, 5e édition (Toronto et Vancouver : Butterworths, 1999) :
[TRADUCTION]
3.116 Les faits se rapportant à l’infraction pour laquelle la peine de l’accusé doit être déterminée, et particulièrement les allégations relatives à des agissements qui ne sont pas visés par l’instance, ne devraient pas être inclus dans un rapport présentenciel.
L’exclusion des allégations relatives à l’infraction vise également les assertions intéressées de l’accusé.
[33] L’arrêt Regina c. Urbanovich and Brown reflex, (1985), 19 C.C.C. (3d) 43 (C.A. Man.) contient des propos enflammés sur les allégations contenues dans un rapport présentenciel : le juge en chef Monnin y fait remarquer que si les rapports présentenciels sont utilisés à mauvais escient, il pourrait être nécessaire de reconsidérer leur utilité, ou du moins leur contenu. Dans le rapport, Brown a affirmé, de façon intéressée, que la mort du bébé était accidentelle. Le juge en chef Monnin a affirmé, à la page 52 :
[TRADUCTION]
Si Brown voulait que cela soit inscrit au dossier, il aurait dû témoigner. Ni lui ni le tribunal ne sont autorisés à verser un témoignage au dossier par le truchement d’un rapport présentenciel. Cela est un mauvais usage flagrant d’un tel rapport.
Aux pages 69 et 70 du même jugement, le juge d’appel Matas a commenté la mention du juge du procès concernant [TRADUCTION] « les nouveaux renseignements qu’il a obtenus grâce aux rapports présentenciels » et a statué qu’aucun de ces éléments de preuve n’était admissible. Dans le rapport, Mme Urbanovich a fait des déclarations intéressées où elle proclamait sans cesse son innocence et critiquait le pédiatre. Le juge d’appel Huband, quoique dissident, a souscrit aux propos du juge d’appel Matas sur le contenu d’un rapport présentenciel. La Cour suprême du Canada a confirmé la déclaration de culpabilité de Mme Urbanovich, mais sans mentionner la question : 1987 CanLII 10 (C.S.C.), [1987] 2 R.C.S. 693 (voir E.G. Ewaschuk, Criminal Pleadings & Practice in Canada, 2e édition (Aurora : Canada Law Book 1997), feuilles mobiles mises à jour en avril 2003, paragraphe 18.3720).
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