mardi 14 février 2012

L'émission d'un mandat d'arrestation non exécuté VS le droit d'être jugé dans un délai raisonnable

R. c. Boissonneaux, 2011 CanLII 20457 (QC CM)

Lien vers la décision

[57] Dans l'affaire Marsolais c. La Reine, [1991] no AZ-91031060 (C.Q.), l'accusé avait fait l'objet d'un mandat d'arrestation lors du dépôt de la dénonciation. Le mandat n'avait été exécuté que 14 mois plus tard, sans aucune démarche des policiers pour exécuter dans l'intervalle. L'accusé pouvait être rejoint à l'adresse apparaissant à la dénonciation. Un arrêt des procédures a été prononcé après que le juge ait conclu à l'existence d'un préjudice à l'endroit de l'accusé. Les faits de cette affaire se rapprochent de ceux soumis au Tribunal.

[58] À la décision R. c. Caron, reflex, [1995] R.J.Q. 881 (C.S), un mandat d'arrestation avait été émis au moment du dépôt des dénonciations. L'accusé n'en avait été avisé que 13 mois plus tard. Comme dans l'affaire précédente, l'accusé pouvait être rejoint à l'adresse apparaissant aux dénonciations. Le contexte à cette affaire est aussi semblable à celle du défendeur Boissonneault. La Cour supérieure a rejeté la requête en arrêt des procédures en raison de la gravité des accusations, de la présence de victimes et en l'absence de préjudice « palpable ». Cependant, la Cour a souligné qu'elle entendait tenir compte du délai pour accorder une réduction de peine à l'accusé.

[59] L'affaire R. c. Lacroix-Bernard, 2005 CanLII 7925 (QC CQ), 2005 CanLII 7925 (QC C.Q.), se termine pour sa part par un arrêt des procédures. L'accusé devait recevoir une sommation par la poste. Elle ne lui est jamais parvenue. La dénonciation a été déposée en février 2003. Le défendeur n'en est informé que 16 mois et demi plus tard alors qu'il a assidûment fait ses changements d'adresse et que les policiers n'ont pas fait de démarches sérieuses pour le retrouver. L'honorable juge Laflamme conclut à un préjudice aux droits de l'accusé à un procès équitable et à une défense pleine et entière. Cette situation s'apparente aussi étroitement à la présente affaire.

[60] La décision F.C.-B. c. La Reine, [2005] no AZ-50354835 (C.Q.) a aussi pour issue l'arrêt des procédures. Il ne s'agissait cependant pas d'infractions à l'article 253 du Code criminel. Les dénonciations avaient été déposées contre l'adolescent en août 2003. Des mandats d'arrestation avaient alors été émis. L'adresse de l'adolescent, chez ses parents, était exacte. Les policiers n'ont pas effectué de démarche pour exécuter les mandats. Ce n'est qu'en juin 2005 que l'accusé a été interpellé alors qu'il était passager dans une automobile. Il a alors été arrêté et remis en liberté sur promesse de comparaître. L'honorable juge Dubois conclut également à une atteinte aux droits à un procès équitable et à une défense pleine et entière. Cette affaire est aussi comparable à la situation du défendeur.

[61] La décision de Cour du Québec dans l'affaire R. c. Simonds, 2007 QCCQ 7725 (CanLII), 2007 QCCQ 7725 rejette la demande d'arrêt des procédures. Dans cette affaire, Monsieur Simonds, un résident du Nouveau-Brunswick, avait reçu une citation à comparaître, mais il avait fait défaut de se présenter au tribunal au jour fixé pour la comparution. Un mandat d'arrestation avait alors été émis. Monsieur Simonds s'était établi au Québec deux ans après les événements. Ce n'est que sept ans après ceux-ci qu'il a été arrêté. L'honorable juge Bélisle retient que l'accusé est responsable de la situation. Cette décision se distingue nettement de la présente affaire. Selon le Tribunal, elle peut être comparée à la récente décision de la Cour d'appel du Québec dans R. c. Terk, 2011 QCCA 390 (CanLII), 2011 QCCA 390 où l'accusé s'était établi à l'étranger durant l'enquête et n'avait pu être extradé après le dépôt des accusations.

[62] L'affaire R. c. Ayotte, EYB 2008-128637 (C.Q.) portait sur des accusations de vol, contrairement à la présente affaire. Lors du dépôt des dénonciations, l'accusé avait fait l'objet de mandats d'arrestation. Les mandats n'ont été exécutés que 32 mois plus tard, alors que l'accusé demeurait effectivement à l'adresse mentionnée aux mandats lors de l'émission de ceux-ci et qu'il y ait demeuré plusieurs années. L'honorable juge Trudel a prononcé un arrêt des procédures après avoir conclu à une atteinte au droit à un procès équitable. Cette affaire s'assimile à la situation du présent défendeur.

[63] Dans R. c. Boucher, [2008] J.Q. no 128 (C.Q.), l'accusé avait reçu une citation à comparaître. Il avait comparu par avocat. Un mandat d'arrestation avait été subséquemment émis. Ce n'est que 38 mois après l'émission du mandat que l'accusé a été arrêté. Il a toujours résidé à la même adresse. Jamais son avocat ne lui a demandé de se présenter au Tribunal et jamais le défendeur n'avait eu de nouvelles de son avocat. L'honorable juge Abud retient une atteinte au droit de l'accusé à une défense pleine et entière et prononce l'arrêt des procédures. Les faits de cette affaire ne correspondent pas à ceux du présent dossier, mais les raisons du délai principal sont les mêmes.

[64] Par contre, les faits de l'affaire R. c. Cinquino, [2008] J.Q. no 1133 (C.M. Montréal) coïncident à ceux de la présente affaire. Cinquino avait reçu une promesse de comparaître pour le même genre d'infraction. À la date prévue pour la comparution, il s'est présenté au tribunal. Il a été informé que le dossier était encore à l’étude et qu'une sommation lui serait renvoyée ultérieurement. La dénonciation a été déposée en novembre 2004. L'huissier n'a pu signifier la sommation. Un mandat d'arrestation a été émis en janvier 2005. Ce n'est qu'en septembre 2006 que le défendeur a appris qu'il faisait l'objet d'un mandat d'arrestation. Il demeurait au même endroit depuis 30 ans. Après avoir conclu à une atteinte au droit à un procès équitable, l'honorable juge Bouchard a ordonné l'arrêt des procédures.

[65] À l'affaire R. c. Bérubé, 2010 QCCQ 3412 (CanLII), 2010 QCCQ 3412, la requête en arrêt des procédures a été rejetée. Le défendeur avait reçu à la fois une citation à comparaître à la cour municipale pour conduite durant interdiction et à la Cour du Québec pour conduite sous l'influence de l'alcool. L'honorable juge Marleau a conclu que le défendeur avait effectivement reçu les deux citations à comparaître. Le défendeur avait fait défaut de se présenter à la Cour du Québec, mais s'était présenté à la cour municipale. Un mandat d'arrestation avait été émis dans le dossier de la Cour du Québec. Monsieur Bérubé a été arrêté 21 mois plus tard, alors qu'il n'avait jamais changé d'adresse ni d'employeur entretemps. Le juge a conclu à sa négligence à l'égard des procédures en Cour du Québec. Il a jugé que le délai de 21 mois était imputable tout autant à la négligence du défendeur qu'à celle des policiers, ce qui le rendait neutre. On comprendra que cette affaire se distingue du présent dossier.

[66] Enfin, à la décision R. c. Perron, 2010 QCCQ 8245 (CanLII), 2010 QCCQ 8245, l'honorable juge Provost a prononcé un arrêt des procédures sur le chef d'alcoolémie illégale, après avoir conclu à une atteinte aux droits du défendeur à un procès équitable et à une défense pleine et entière, mais il a refusé cette réparation à l'égard du chef de facultés affaiblies, parce qu'il jugeait la mémoire du défendeur suffisante pour répondre à cette accusation. La sommation avait été émise en février 2008. Cependant, l'adresse du défendeur y était erronée. La sommation n'a donc pu être signifiée et le défendeur a fait l'objet d'un mandat de perquisition. Le défendeur avait demeuré à la même adresse durant les 17 mois écoulés avant son arrestation. Cette affaire s'apparente aussi à la nôtre.

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