jeudi 30 août 2012

La notion de la connaissance de la fausseté et celle de l'intention de tromper sont intimement liées relativement à l'infraction de parjure

R. c. Morissette, 2011 QCCQ 1692 (CanLII)

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[93] La notion de la connaissance de la fausseté et celle de l'intention de tromper sont intimement liées. En effet, en venant à la conclusion que l'accusé a menti délibérément, on peut présumer qu'il l'a fait dans l'intention de tromper la Cour.

[94] Sauf exceptionnellement, cette présomption pourra difficilement être renversée.

[95] Au contraire, si la preuve soulève un doute raisonnable à l'effet que le mensonge est intentionnel et établit qu'il s'agit d'une erreur, l'inférence à une intention de tromper ne saurait être retenue

lundi 27 août 2012

La distinction entre le témoignage du témoin ordinaire & celui de l'expert

R. c. Abbey, [1982] 2 RCS 24

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Les témoins déposent quant aux faits. Le juge ou le jury tire des conclusions à partir des faits. [TRADUCTION] «Dans le droit de la preuve, «opinion» s'entend de toute conclusion qu'on tire d'un fait observé, et le droit dans ce domaine dérive de la règle générale selon laquelle les témoins doivent uniquement parler de ce qu'ils ont observé directement» (Cross on Evidence, précité, à la p. 442). Lorsqu'il est possible de séparer les faits des conclusions tirées de ces faits, le témoin ne peut témoigner que sur les faits. Toutefois, cela n'est pas toujours possible et [TRADUCTION] «le droit fait preuve de souplesse dans ces cas limites en permettant aux témoins d'exprimer leur opinion relativement à des questions qui n'exigent pas de connaissances particulières, chaque fois qu'il leur serait virtuellement impossible de séparer leurs conclusions des faits sur lesquels celles-ci se fondent» (ibid.).

Quant aux questions qui exigent des connaissances particulières, un expert dans le domaine peut tirer des conclusions et exprimer son avis. Le rôle d'un expert est précisément de fournir au juge et au jury une conclusion toute faite que ces derniers, en raison de la technicité des faits, sont incapables de formuler. [TRADUCTION] «L'opinion d'un expert est recevable pour donner à la cour des renseignements scientifiques qui, selon toute vraisemblance, dépassent l'expérience et la connaissance d'un juge ou d'un jury. Si, à partir des faits établis par la preuve, un juge ou un jury peut à lui seul tirer ses propres conclusions, alors l'opinion de l'expert n'est pas nécessaire» (Turner (1974), 60 Crim. App. R. 80, à la p. 83, le lord juge Lawton).

Un témoin expert, comme tout autre témoin, peut témoigner quant à l'exactitude des faits dont il a une expérience directe, mais ce n'est pas là l'objet principal de son témoignage. L'expert est là pour exprimer une opinion et cette opinion est le plus souvent fondée sur un ouï-dire. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne les opinions de psychiatres.

jeudi 2 août 2012

Les objections au dépôt d'une preuve et les conséquences de l'absence d'objection

Québec (Ville) c. 9113-6440 Québec inc., 2009 CanLII 34855 (QC CM)

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[130] À titre de gardien de l'équité du procès, le juge doit s'assurer, entre autres, de l'admissibilité des éléments de preuve présentés {Kissick v. The King, 1952 CanLII 27 (SCC), [1952] 1 S.C.R. 343, opinion du juge Fauteux, p. 374 et 375; Bourque c. La Reine, 1991 CanLII 2607 (NS CA), (1991) 66 C.C.C. (3d) 548, 555 à 557 (C.A. N.-É.); R. c. Valley, reflex, (1986) 26 C.C.C. (3d) 207, 230 (C.A. Ont.}.

[131] Cela ne signifie pas pour autant que le juge doit intervenir dans chaque cas et interférer avec les décisions d'une partie, d'autant plus lorsque celle-ci est représentée par un avocat expérimenté (Kissick, précitée, opinion du juge Locke, p. 369 et opinion du juge Fauteux, p. 374). Plus particulièrement, une partie peut décider de renoncer à certaines formalités ou exigences en matière de preuve et être satisfaite de la forme de la preuve documentaire présentée (Kissick, précité, opinion du juge Fauteux, p. 373 et 374; Bourque, précité, p. 555 à 557). Les faits que tend à établir la preuve peuvent de plus ne pas faire l'objet d'une contestation.

[132] Il existe des situations où le juge doit intervenir en raison de la nature de la preuve, d'une atteinte évidente aux droits d'une partie ou d'un risque élevé de préjudice que comporte la preuve qu'on entend introduire. Dans ces cas, l'absence d’objection ne dispense pas le juge de son devoir de s'assurer que la preuve soit admissible (Sopinka, Lederman and Bryant, précité, par. 2.91). Cependant, il en est d'autres où le silence de la partie pourra être interprété comme une renonciation à faire valoir une objection ou comme un acquiescement à la façon de procéder de la partie adverse.

[133] En principe, une objection à la recevabilité d'un élément de preuve doit être soulevée au moment où la partie adverse veut l'introduire (Sopinka, Lederman and Bryant, précité, par. 2.90; Kissick, précitée, opinion du jugement Locke, p. 369 et opinion du juge Fauteux, p. 374; Bourque, précitée, p. 555 à 557). L'objection permet alors à la partie adverse de faire valoir son point de vue ou de corriger la situation quant à cet élément de preuve. Elle lui évite d'être prise au dépourvu par un argument tardif. Elle permet au juge de se prononcer sur l'admissibilité de la preuve. Elle favorise l'équité du procès (Bourque, précitée, p. 553 à 556).

[134] Cependant, tant que la décision n'est pas rendue, une partie peut exceptionnellement soulever tardivement l'inadmissibilité d'une preuve.

[135] Si le défaut de s'objecter n'est pas toujours fatal, cela ne veut pas dire qu'il ne l'est jamais. L'absence d’objection peut être perçue comme un acquiescement au moyen de preuve ou comme un indice d'absence de préjudice (Sopinka, Lederman and Bryant, précité, par. 2.91 et 2.92; Béliveau et Vauclair, précité, par. 718; Fortin, précité, par. 368; Kissick, précitée, opinion du juge Tachereau, p. 356, opinion du juge Estey, p. 359, opinion du juge Locke, p. 368 et 369 et opinion juge Fauteux, p. 374 et 375). Ceci est particulièrement manifeste en matière de preuve documentaire.

[136] En l'absence d'objection, la partie adverse est en droit de présumer que la preuve est acceptée comme telle et qu'on consent à ce qu'elle soit introduite (Burke, précitée, p. 553 à 556)