dimanche 15 octobre 2017

Conduite avec les facultés affaiblies causant des lésions corporelles

R. c. Martel-Poliquin, 2017 QCCQ 7577 (CanLII)


Lien vers la décision

[120]     La jurisprudence établit que pour prouver le lien de causalité, la poursuite doit démontrer que l’affaiblissement par l’alcool de l’accusé a contribué de façon appréciable à l’accident et entraîné des lésions corporelles à Jacinthe Boucher et Gilles Thibeault.
[121]     Également, la poursuite n’a pas à démontrer que la conduite avec les facultés affaiblies est la seule cause des lésions corporelles. Elle doit seulement y avoir contribué de façon appréciable.
[122]     L’on sait que l’accusé met l’accident sur la faute de la victime Gilles Thibeault, le conducteur du véhicule circulant devant lui, voulant que ce dernier lui ait coupé la route lorsqu’il a pris la décision de changer de voie.
[130]     Ses explications dépassent tout entendement de normalité. Comme le Tribunal l’a mentionné précédemment, la preuve révèle qu’il regardait en direction de l’auto des victimes dans l’objectif de la dépasser. Il s’est donc approché à environ deux véhicules d’elle, en contre-interrogatoire il dira quand même assez près, sans la percuter. Puis, il a mis son clignotant pour la dépasser et a regardé dans son angle mort. Par la suite, ses yeux sont revenus vers l’avant en direction des véhicules.
[131]     Si le Tribunal retenait sa version, cela voudrait dire qu’il a perdu l’auto de son champ de vision avant l’impact. Or, l’on sait qu’il était très près du véhicule et que la visibilité était très bonne. Dans ces circonstances, sa version des faits est improbable.
[136]     Il n’y avait donc aucune raison quelconque de ne pas voir l’auto et la manœuvre de son conducteur. Tous ces considérants amènent le Tribunal à conclure que sa version ne soulève aucun doute raisonnable.
[137]     Par ailleurs, le Tribunal note que la défense s’est abstenue de confronter en contre-interrogatoire les victimes Jacinthe Boucher et Gilles Thibeault et le beau-frère Raynald Bernatchez sur l’allégation selon laquelle M. Thibeault aurait effectué une manœuvre dangereuse et coupé la route à l’accusé. Le Tribunal y voit une certaine forme d’accroc à la règle d’équité procédurale édictée notamment dans Browne c. Dunn. Par conséquent, cela affecte encore plus la valeur probante des allégations de l’accusé.
[138]     L’avocat qui entend mettre en doute la crédibilité et la sincérité d’un témoin opposé doit lui offrir l’opportunité de répondre et s’expliquer durant son contre-interrogatoire sur les aspects importants du témoignage contradictoire à venir par la partie adverse. Cette règle fut citée avec approbation par la Cour suprême du Canada dans plusieurs décisions.
[139]     L’ensemble de la preuve amène le Tribunal à conclure que l’affaiblissement de la capacité de conduire de l’accusé par l’alcool a fait en sorte qu’il a mal évalué la vitesse réelle de son véhicule et les dangers y étant associés.
[142]     Sans compter qu’il n’existait aucun élément externe qui puisse expliquer l’accident, autre que l’affaiblissement de la capacité de conduire et la mauvaise évaluation de sa vitesse.
[145]     Et même si le Tribunal retenait la version de l’accusé quant aux agissements du conducteur Thibeault, voulant qu’il ait effectué une manœuvre dangereuse en lui coupant la route, cette manœuvre que l’accusé n’aurait pas vue, force est de constater que son intoxication aurait également affecté dans ces circonstances sa capacité de réagir adéquatement et prudemment à cette situation.
[146]     Suivant cette version, il faudrait donc conclure à un bref moment d’inattention puisque rien n’obstruait son champ de vision ou tout simplement, qu’il se serait endormi. Pour le Tribunal, l’inattention ou de s’être endormi n’expliquerait pas qu’il savait, selon son témoignage, qu’il roulait à une vitesse supérieure à celle des victimes puisqu’il s’apprêtait à les dépasser et qu’alors, il aurait donc mal évalué sa vitesse avant l’impact étant donné que la preuve révèle qu’il n’a jamais tenté quelque manœuvre d’évitement que ce soit, ne serait-ce qu’appliquer les freins. Là encore, il aurait agi en fonction d’un comportement imprudent.
[147]     De toute façon, il s’agirait d’un moment d’inattention tout à fait inexplicable lorsqu’on circule sur une autoroute et, surtout, lorsqu’on s’apprête à effectuer une manœuvre de dépassement.
[148]     Là encore l’affaiblissement de la capacité de conduire de l’accusé par l’alcool aurait fait en sorte que cela aurait causé un bref moment d’inattention avec les dangers y étant associés.

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