R. c. Rocha, 2012 CanLII 98676 (ON CA)
[28] La demande et l'obtention d'un mandat de perquisition d'un fonctionnaire judiciaire indépendant représentent l'antithèse du mépris délibéré à l'égard des droits que la Charte reconnaît. Le processus d'autorisation du mandat de perquisition constitue un important moyen d'empêcher l'exécution de perquisitions non justifiées. À moins que la partie demandant l'exclusion des éléments de preuve ne puisse établir que le mandat a été obtenu à l'aide de renseignements faux ou délibérément trompeurs ou que la rédaction de la dénonciation a entravé d'une façon ou d'une autre le processus d'autorisation du mandat, comme je l'explique ci-dessous, l'obtention dudit mandat montre généralement qu'il y a lieu d'admettre les éléments de preuve en question. Dans la présente affaire, les agents de police ont présenté les fruits de leur enquête à un juge de paix, qui a délivré les mandats. J'ai décidé que le mandat avait été délivré à bon escient dans le cas du restaurant. Le mandat n'aurait pas dû être délivré dans le cas de la maison, mais il faut se rappeler qu'un fonctionnaire judiciaire indépendant a autorisé la perquisition.
[29] Cela ne signifie pas que je suis d'avis que chaque fois qu'un mandat de perquisition a été autorisé, le premier volet du test de l'arrêt Grant favorise l'admission des éléments de preuve. Cependant, il n'y a pas lieu non plus de conclure, comme l'a fait la juge de première instance, que les éléments de preuve doivent être exclus parce que le mandat de perquisition a été obtenu par suite d'un processus délibéré. Il convient plutôt d'examiner la dénonciation et de se demander si elle est trompeuse d'une façon ou d'une autre. Dans l'affirmative, la cour devrait alors se demander où la dénonciation se situe sur le spectre de la faute entre l'utilisation intentionnelle de renseignements faux et trompeurs à une extrémité du spectre et la simple utilisation [page774] accidentelle de renseignements de cette nature à l'autre extrémité. C'est ce qu'a expliqué le juge Fish dans R. c. Morelli, 2010 CSC 8 (CanLII), [2010] 1 R.C.S. 253, [2010] A.C.S. no 8, aux par. 99 à 103 :
Premièrement, la conduite de l'État qui a enfreint la Charte en l'espèce était la perquisition de la maison de l'accusé et la saisie de son ordinateur personnel, de l'ordinateur portable de sa conjointe, de plusieurs bandes vidéo et d'autres objets. La perquisition et la saisie étaient injustifiées, mais elles ont été effectuées conformément à un mandat de perquisition, par des policiers qui croyaient agir en vertu d'un pouvoir légitime. Les policiers qui ont effectué la perquisition n'ont pas violé la Charte délibérément, ni même par négligence. Ces considérations favorisent l'admission de la preuve. À cet égard, la perquisition et la saisie ne peuvent être considérées comme particulièrement odieuses.
Par contre, vu la dénonciation sur laquelle repose le mandat, elles le sont. Le policier qui a préparé la dénonciation n'a pas fait preuve d'une diligence raisonnable ni du souci de respecter son obligation d'exposer les faits de manière complète et sincère. Au mieux, la dénonciation a été rédigée de façon imprévoyante et insouciante. Non seulement la dénonciation ne mentionnait pas la bonne infraction (accès à la pornographie juvénile plutôt que possession), mais son libellé était trompeur, ce qui a entraîné la délivrance d'un mandat sans motifs suffisants. Bien que la juge du procès ait conclu à l'absence de toute tentative délibérée d'induire en erreur, aucun policier dénonciateur, agissant raisonnablement, n'aurait pu ignorer que les mentions répétées de " "Lolita Porn" sur l'écran " et de la suppression de " toute la porno juvénile sur l'ordinateur " amèneraient la plupart des lecteurs -- et, plus particulièrement, le juge saisi de la demande d'autorisation -- à croire à l'existence d'éléments prouvant que le témoin, M. Hounjet, avait effectivement vu de la pornographie juvénile à l'écran.
De même, le policier aurait dû savoir -- s'il ne le savait pas -- que la juxtaposition de ces déclarations trompeuses et de la description incomplète de la [TRADUCTION] " webcaméra dirigée vers des jouets " serait indûment incendiaire.
La considération dont jouit l'administration de la justice est menacée si les tribunaux passent outre à une conduite policière inacceptable. Les policiers qui demandent des mandats de perquisition sont tenus d'agir avec diligence et intégrité, en veillant à s'acquitter de leur obligation particulière de divulgation honnête et complète dans une procédure ex parte. Pour s'en acquitter de façon responsable, ils doivent éviter de faire des déclarations qui risquent d'induire le juge de paix en erreur, éviter de dissimuler ou d'omettre des faits pertinents et veiller à ne pas exagérer autrement les renseignements qu'ils font valoir pour établir l'existence des motifs raisonnables et probables nécessaires à la délivrance du mandat de perquisition.
Nous sommes liés par la conclusion de la juge du procès selon laquelle le policier qui a fait la dénonciation sous serment n'a pas mal agi délibérément. La considération dont jouit l'administration de la justice serait néanmoins grandement érodée, particulièrement à long terme, si une telle conduite policière inacceptable pouvait servir de fondement à une atteinte à la vie privée aussi envahissante qu'une perquisition dans nos maisons et la saisie et l'analyse de nos ordinateurs personnels. (Non en italique dans l'original; souligné dans l'original) [page775]
Aucun commentaire:
Publier un commentaire