Beaumont c. R., 2022 QCCA 1686
[16] Au paragraphe 153 de son jugement, le juge de première instance écrit qu’il est loin d’être convaincu que les policiers ont commis une infraction en publiant les annonces et en transmettant les messages textes. Il estime toutefois que cet élément n’a qu’une faible incidence sur la demande d’arrêt des procédures, car il ne s’agit pas d’un cas clair ou manifeste où il y a lieu de prononcer une telle sanction.
[17] Il n’est pas nécessaire de statuer sur la question de la commission ou non d’une infraction criminelle par les policiers dans les circonstances puisque les appelants n’ont pas établi l’existence d’une erreur du juge dans l’exercice de sa discrétion de refuser de prononcer un arrêt des procédures.
[18] Dans l’arrêt Lising, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique s’est intéressée à l’historique législatif et à l’objectif de l’art. 25.1 C.cr. :
[28] The essence of the CDSA Regulations and s. 25.1 of the Criminal Code is that they provide a legislated exemption from the application of the rule of law. The exemption provisions were enacted in response to the decisions of the Ontario Court of Appeal and the Supreme Court of Canada in R. v. Campbell and Shirose (1997), 1997 CanLII 3462 (ON CA), 32 O.R. (3d) 181, 115 C.C.C. (3d) 310; 1999 CanLII 676 (SCC), [1999] 1 S.C.R. 565 [Shirose]. Sections 3 and 4 of the CDSA Regulations came into force on April 22nd, 1997. Section 25.1 of the Code came into force on February 1st, 2002.
[29] In Shirose, the police operated a “reverse sting” in which they sold drugs to drug dealers in an effort to collect evidence against those in the upper echelons of the illegal drug trade. The accused brought an application for a stay of proceedings based on an abuse of process. The Court of Appeal concluded that the police conduct was illegal and not justified under common law or statute. When the case went to the Supreme Court of Canada, Mr. Justice Binnie, speaking for the Court, said that it was up to Parliament to delineate any immunity for illegal conduct by the police, and pointed to the newly enacted CDSA Regulations as an example.[19]
[Soulignements ajoutés]
[19] Dans cette même affaire, elle a conclu que, même dans les cas où une telle autorisation était nécessaire, l’omission de l’obtenir n’entraînait pas nécessairement un arrêt des procédures :
[102] A stay of proceedings may only be imposed in the “clearest of cases”: O’Connor at p. 68. It is a drastic remedy which brings the prosecution to an end without a consideration on its merits. The onus is on the applicant to demonstrate that the “prosecution has been conducted in such a manner as to connote unfairness or vexatiousness of such a degree that it contravenes fundamental notions of justice and thus undermines the integrity of the judicial process”: O’Connor at para. 73. Furthermore, a stay is a prospective remedy: it is not designed to redress past wrongs but to prevent their perpetuation: Regan at 54‑55.
[103] As will have been inferred from my reasons so far, I am not persuaded that this is one of those “clearest of cases” meriting a stay. The appellant correctly identified an error by the trial judge in that some of Plante’s criminal actions were not justified under s. 25.1 of the Criminal Code. However, the analysis does not end at a finding of illegality.[20]
[Soulignements ajoutés]
[20] La Cour suprême a répertorié deux catégories de situations où la conduite de l’État peur mener ultimement à l’arrêt des procédures : celles où la conduite de l’État compromet l’équité du procès et celles où cette conduite risque de miner l’intégrité du système judiciaire[21]. Dans le second cas de figure, applicable en l’espèce, il s’agit de savoir si l’État a adopté « une conduite choquant le sens du franc-jeu et de la décence de la société et si la tenue d’un procès malgré cette conduite serait préjudiciable à l’intégrité du système de justice »[22].
[21] Si tant est qu’une autorisation était nécessaire en vertu de l’art. 25.1 C.cr., la publication des annonces par les policiers sans l’avoir obtenue, alors qu’ils ont agi de bonne foi dans le cadre de cette enquête visant à prévenir la prostitution juvénile, n’est pas de nature à choquer la conscience collective ni à causer un préjudice à l’intégrité du système de justice. Au contraire, la prévention du leurre sur Internet est un objectif sociétal primordial, pressant et réel[23] tel qu’il ressort des enseignements de la Cour suprême dans l’affaire Ramelson, précitée, qui a conclu que la conduite des policiers ne constituait pas de la provocation policière.
[22] De plus, il faut rappeler la nature hautement discrétionnaire de la décision de prononcer un arrêt des procédures ainsi que la norme de contrôle qui y est associée :
La norme de contrôle applicable à la décision du tribunal d’ordonner l’arrêt des procédures est bien établie. Puisqu’il s’agit d’une réparation à caractère discrétionnaire, une cour d’appel n’est justifiée d’intervenir que si le juge de première instance s’est fondé sur des considérations erronées en droit, a commis une erreur de fait susceptible de contrôle ou a rendu une décision "erronée au point de créer une injustice". Une cour d’appel ne peut substituer sa propre décision à celle du premier juge pour le seul motif qu’elle arrive à une appréciation des faits différente.[24]
[Renvois omis]
[23] Dans les circonstances, le juge n’a commis aucune erreur révisable en refusant de prononcer l’arrêt des procédures.