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mercredi 21 décembre 2011

Le ministère public dispose d'un large pouvoir discrétionnaire qui s'exerce, entre autres, par le choix des témoins

R. c. Durand / 2011 QCCS 6762 / COUR SUPÉRIEURE / N°: 705-01-059227-092 / DATE : 19 décembre 2011

[28] Il est reconnu que le ministère public dispose d'un large pouvoir discrétionnaire qui s'exerce, entre autres, par le choix des témoins.

[29] Ce pouvoir discrétionnaire n'est cependant pas absolu et l'exercice irrégulier du pouvoir discrétionnaire peut mener à la conclusion qu'il y a abus de procédures.

[30] Le requérant qui présente une demande en arrêt des procédures doit démontrer selon la prépondérance des probabilités que l'intimée a exercé son pouvoir discrétionnaire d'une manière irrégulière ou oppressive et que cela équivaut à un abus de procédures. Chaque cas est un cas d'espèce.

[35] Le ministère public n'est pas tenu de faire entendre un témoin qu'il considère ne pas être utile pour établir sa preuve. Dans Jolivet, au paragraphe 14, la cour Suprême reprenant la cause de Cook établit, en se référant également à la cause de Lemay v. The King confirmé par Yebes, que le ministère public n'est pas tenu de faire entendre un témoin qu'il ne considère pas nécessaire pour établir sa preuve.

[36] Le Tribunal conclut qu'il n'y a pas d'éléments de preuve lui permettant, à ce stade-ci, de conclure à l'exercice irrégulier ou oppressif du pouvoir discrétionnaire de la poursuite dans l'assignation de ses témoins

Les articles 38 à 42 C.cr. peuvent plutôt être invoqués par la personne en possession paisible d'un bien pour justifier l'emploi par celle-ci de la force nécessaire pour éloigner l'intrus

R. c. Levasseur / 2011 QCCQ 15466 / COUR DU QUÉBEC / N°: 450-01-073053-113 / DATE : 9 décembre 2011

[33] La jurisprudence a déjà déterminé que le simple refus de partir ou la résistance passive ne sont pas suffisants pour conclure qu'un individu devient un intrus qui résiste au sens de la loi.

[34] Le tribunal est d'avis que cette disposition du Code criminel qui apparaît sous le titre de la Défense des biens ne peut constituer un mode de commission de l'infraction de voies de fait.

[35] Les articles 38 à 42 C.cr. peuvent plutôt être invoqués par la personne en possession paisible d'un bien pour justifier l'emploi par celle-ci de la force nécessaire pour éloigner l'intrus.

[36] Dans R. c. Verrette, la Cour d'appel du Québec a conclu en ce sens :

[11] Si je comprends bien la position du ministère public, cet argument, plaidé en première instance, était soulevé à titre subsidiaire advenant que la juge du procès estime que la preuve ne permet pas d'établir autrement les voies de fait. L'assaut serait alors établi par l'application de la présomption édictée à l'alinéa 38(2) C.cr. […]

[12] L'alinéa 38(2) C.cr. s'applique lorsque la personne en possession du bien ou le bon samaritain – et non l'intrus – est accusé de voies de fait. Il permet à la personne en possession paisible d'un bien ou à quiconque lui prête légalement main-forte de plaider, en défense, qu'elle a été victime d'une «attaque sans justification ni provocation» de la part de l'intrus et qu'en conséquence, elle était en situation de légitime défense au sens de l'article 34 C.cr.

[13] Dans Defence of Property in the Criminal Code[1], Todd Kathol écrit, à la page 454:

Factual circumstances and the operation of the Code effectively channel disputes between individuals over real and personal property into defence of person situations. (…) This transition from defence of property to defence of person is encouraged, if not ensured, by the fact that an accused is permitted to employ a greater degree of force in defending his person than in defending property.

et à la page 462:

Sections 38(2) and 41(2) deem the trespasser-taker of personal property and the trespasser to house or real property, respectively, to have committed an assault against the defender without justification or provocation. This puts the defender in the position of someone defending her or his person pursuant to S. 34 (Self-Defence Against Unprovoked Assault).

[14] L'alinéa 38(2) C.cr. ne peut pas, à mon avis, constituer un mode de commission de l'infraction de voies de fait; il ne peut pas non plus être créateur d'une infraction distincte des infractions de voies de fait prévues aux articles 265 et suivants C.cr.

[37] La note de bas de page à laquelle réfère le paragraphe 14 de cette décision est ici reproduite :

Il existe quelques cas en jurisprudence où le ministère public a invoqué, avec plus ou moins de succès, l'alinéa 41(2) C.cr. – un alinéa fort semblable dans sa rédaction à l'alinéa 38(2) C.cr. – tantôt à titre de disposition législative créatrice de l'infraction, tantôt pour établir les voies de fait lorsque la preuve ne permettait pas d'établir les éléments du crime autrement; voir, par exemple, R. C. Matson (1970), 1 C.C.C. (2d) 374 (C.A. Colombie-Britannique); R. c. Kellington (1972), 7 C.C.C. (2d) 565; R. c. Auger, [1987] R.J.Q. 1475 (C. Municipale de Montréal).

Chaque cas d'invasion de domicile doit être jugé en raison des circonstances aggravantes suivantes

R. c. Lapointe / 2011 QCCQ 15412 / COUR DU QUÉBEC / N°: 455-01-009258-082 / DATE : 2 décembre 2011

[41] Le Tribunal choisit de prioriser les objectifs de dénonciation, de dissuasion, tant général que spécifique, ainsi que l'exemplarité. Le message doit être clair. De tels crimes commis à l'égard de personnes se trouvant en sécurité dans l'intimité de leur foyer ouvrent la porte à des peines sévères, puisque la protection et la sécurité du public en dépendent.

[43] La réprobation sociale à l'égard de tels crimes est forte et la peine imposée à leurs auteurs doit refléter cette réprobation.

[44] Violer le domicile d'une personne est l'un des crimes les plus graves qu'il soit possible de commettre.

[45] Dans R. c. Campeau, la Cour d'appel de la Saskatchewan conclut que chaque cas d'invasion de domicile doit être jugé en raison des circonstances aggravantes suivantes:

i. Les motifs à l'origine de l'invasion;

ii. Le degré de violence envers les victimes;

iii. La nature des infractions reprochées;

iv. Tous les autres facteurs reliés à l'infraction.

[46] Le Tribunal a analysé la jurisprudence citée par le procureur de la poursuite et fait le constat suivant:

Une peine de pénitencier est généralement imposée:

a) Lorsque les victimes sont battues, frappées et/ou ligotées;

b) Lorsque les accusés possèdent plusieurs antécédents judiciaires

vendredi 16 décembre 2011

Exemple jurisprudentiel de détermination de la peine pour une infraction de conduite durant interdiction

Lambert c. R., 2011 QCCS 1963 (CanLII)

[32] L'appelant en était conscient puisque son épouse, jusqu'à ce jour, était toujours allée le reconduire et le chercher. Son plaidoyer de culpabilité démontre la conscience de ses actes.

[33] Toutefois, si l'explication de la maladie subite de son épouse ne peut servir d'excuse, en revanche, elle peut devenir un facteur atténuant au moment de l'imposition de la peine, en ce que l'appelant n'a pas été intercepté en état d'ébriété et n'a pas utilisé sa voiture pour aller dans un bar ou à des fins récréatives.

[34] Son absence d'antécédents judiciaires, outre celui pour lequel il était interdit de conduire, est un autre facteur atténuant que le juge aurait dû prendre en compte.

[35] De plus, le juge a erré en droit en appliquant les principes de la conduite d'un véhicule automobile avec les facultés affaiblies comme étant un fléau dans notre société, alors qu'il s'agit, en l'espèce, d'une conduite pendant l'interdiction, sans que les facultés de l'accusé ne soient concernées.

[36] Cela étant, il est certain que la conduite pendant interdiction est une infraction qui ne doit pas être prise à la légère.

[37] Cependant, le principe de l'individualisation des peines demeure, et c'est la raison pour laquelle le juge d'instance a erré en droit, en imposant 30 jours d'incarcération sans tenir compte des autres peines applicables.

[38] Même si le juge mentionne être d'accord avec le fait qu'une peine d'incarcération ne doit pas être le point de départ pour une infraction de cette nature, son jugement démontre le contraire.

[39] En effet, le juge, immédiatement après avoir mentionné au paragraphe 14 que la peine doit s'harmoniser avec celle infligée à d'autres délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables, souligne que les procureurs reconnaissent que les peines habituelles pour ce genre d'infraction se traduisent généralement par un emprisonnement de 30 jours.

[40] Même si par la suite il se dit d'accord avec le fait qu'une peine d'incarcération ne doit pas constituer le point de départ, sitôt après avoir rejeté l'idée d'une peine pécuniaire, il impose, de fait, la peine standard en vigueur dans le district de Drummond, soit 30 jours d'incarcération.

[41] La simple mention par le juge d'instance qu'il est d'accord qu'une peine d'incarcération ne doit pas constituer un point de départ, ne convainc pas le Tribunal qu'il n'a pas suivi la tradition.

[42] En l'espèce, tel que le mentionne le juge Buffoni, dans l'affaire Auger c. Directeur des poursuites criminelles et pénales[4], «…ce point de départ a occulté l'ensemble des autres peines possibles dans l'arsenal que le Code met à la disposition du Tribunal.»

[43] Enfin, en imposant une peine de 30 jours, le juge d'instance a imposé une lourde peine à l'appelant compte tenu de l'amende de 1 000 $ qu'il avait écopée pour avoir conduit son véhicule avec les facultés affaiblies.

lundi 12 décembre 2011

La détention à des fins d'enquête

Résumé

Le pouvoir de détenir une personne à des fins d'enquête n'est pas une technique d'investigation nouvelle et tire son origine du droit anglais. Mais cette méthode d'enquête, qui consiste à restreindre temporairement la liberté de mouvement d'une personne que l'on soupçonne pour des motifs raisonnables d'être impliquée dans une activité criminelle, ne fut reconnue officiellement au Canada qu'en juillet 2004 suite au jugement rendu par la Cour suprême dans l'affaire R. c. Mann. Au moment d'écrire ces lignes, cette stratégie d'enquête policière ne fait toujours pas l'objet d'une réglementation spécifique au Code criminel. L'approbation de cette technique d'enquête, en l'absence de toute forme de législation, ne s'est pas faite sans critiques de la part des auteurs et des commentateurs judiciaires qui y voient une intrusion dans un champ de compétences normalement réservé au Parlement.

L'arrêt Mann laisse également en suspens une question cruciale qui se rapporte directement aux droits constitutionnels des citoyens faisant l'objet d'une détention semblable: il s'agit du droit d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat. Le présent travail se veut donc une étude approfondie du concept de la détention à des fins d'enquête en droit criminel canadien et de son impact sur les droits constitutionnels dont bénéficient les citoyens de notre pays. Pour accomplir cette tâche, l'auteur propose une analyse de la question en trois chapitres distincts. Dans le premier chapitre, l'auteur se penche sur le rôle et les fonctions dévolus aux agents de la paix qui exécutent leur mission à l'intérieur d'une société libre et démocratique comme celle qui prévaut au Canada.

Cette étude permettra au lecteur de mieux connaître les principaux acteurs qui assurent le maintien de l'ordre sur le territoire québécois, les crimes qu'ils sont le plus souvent appelés à combattre ainsi que les méthodes d'enquête qu'ils emploient pour les réprimer. Le deuxième chapitre est entièrement dédié au concept de la détention à des fins d'enquête en droit criminel canadien. En plus de l'arrêt R. c. Mann qui fera l'objet d'une étude détaillée, plusieurs autres sujets en lien avec cette notion seront abordés. Des thèmes tels que la notion de «détention» au sens des articles 9 et 10b) de la Charte canadienne des droits et libertés, la différence entre la détention à des fins d'enquête et l'arrestation, les motifs pouvant légalement justifier une intervention policière de même que les limites et l'entendue de la détention d'une personne pour fins d'enquête, seront aussi analysés. Au troisième chapitre, l'auteur se consacre à la question du droit d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat (et d'être informé de ce droit) ainsi que du droit de garder le silence dans des circonstances permettant aux agents de la paix de détenir une personne à des fins d'enquête.

Faisant l'analogie avec d'autres jugements rendus par nos tribunaux, l'auteur suggère quelques pistes de solutions susceptibles de combler les lacunes qui auront été préalablement identifiées dans les arrêts Mann et Clayton.

Tiré de : La détention à des fins d'enquête en droit criminel canadien et son impact sur les droits constitutionnels
https://papyrus.bib.umontreal.ca/jspui/bitstream/1866/3528/2/12062039.PDF
https://papyrus.bib.umontreal.ca/jspui/handle/1866/3528?mode=full

dimanche 11 décembre 2011

L'action sert elle l'intérêt de la compagnie ou l'intérêt de l'administrateur? La distinction entre la faute civile et l'acte criminel

 Extrait du mémoire d'Isabelle Charlebois : Analyse comparative du concept de malhonnêteté en droit criminel et en droit des sociétés

En droit criminel, les propos de la Cour suprême nous semblent tendre vers une
interprétation plus étroite de la notion d'intérêt de la compagnie résumant le tout à la question d'un conflit d'intérêts:

« La question cruciale était de savoir si le transfert des moyens d'investissement
pouvait être considéré comme servant les véritables intérêts financiers de la
compagnie cible ou s'il convenait davantage de le considérer comme étant
destiné à servir les fins personnelles des parties qui l'ont effectué, sans égard aux objectifs véritables de l'entreprise. On a déduit que, compte tenu des
circonstances de l'affaire, on ne pouvait pas raisonnablement considérer que la
compagnie cible était disposée à se prêter à un détournement de ses fonds pour
les fms personnelles des parties qui effectuaient la prise de contrôle. Notre Cour
a conclu sans difficulté qu'il ne pouvait s'agir que d'un transfert à des fms
personnelles, qui privait la compagnie cible d'une chose dans laquelle elle avait
un intérêt. »

Partant, toute action s'inscrivant à l'intérieur de la mécanique normale de l'entreprise ne pourra pas mener à une accusation de fraude

« [...] Il est possible, tout dépendant des circonstances, que s'il avait choisi
d'investir ces sommes à la bourse ou dans une opération immobilière, il ne serait
pas coupable de fraude criminelle puisque, dans ces circonstances, il ne pourrait
être démontré qu'il s'agissait là d'un des actes visés par l'infraction. »
L'examen se limite donc à la finalité de la décision de l'administrateur. L'action sert elle l'intérêt de la compagnie ou l'intérêt de l'administrateur :

« [...] La distinction est la même que celle entre un dirigeant d'entreprise qui ne
commet pas une fraude en utilisant des fonds de l'entreprise à des [ms
commerciales peu judicieuses, et celui qui détourne des fonds de l'entreprise à
des fins personnelles qui n'ont rien à voir avec l'entreprise. Les pratiques
commerciales malavisées ne sont pas dolosives. L'emploi illégitime de l'argent
dans lequel d'autres personnes ont un intérêt pécuniaire à des fins qui n'ont rien
à voir avec l'entreprise peut toutefois, dans certaines circonstances, constituer
une fraude. »

En somme, pour être qualifiée de malhonnête au sens du Code criminel et ainsi faire
l'objet d'une accusation criminelle, une conduite devra faire complètement
abstraction de l'intérêt de la compagnie et avoir entraîné une privation, autrement,
elle ne constituera qu'une violation des devoirs énoncés à l'article 322 C.c.Q. De
même, à la lumière des principes de droit criminel où il est depuis longtemps reconnu que l'actus reus à lui seul ne suffit pas à entraîner une condamnation criminelle, le simple fait d'avoir fait abstraction de l'intérêt de la compagnie ne pourra fonder une accusation que s'il est combiné à un élément subjectif particulier.

Tiré de: Analyse comparative du concept de malhonnêteté en droit criminel et en droit des sociétés
Auteur(s): Charlebois, Isabelle
https://papyrus.bib.umontreal.ca/jspui/bitstream/1866/2448/1/11784079.PDF
https://papyrus.bib.umontreal.ca/jspui/handle/1866/2448

La création de la détention pour enquête en common law

Résumé

L’article qui suit examine l’évolution relativement récente ayant donné lieu à la création d’un pouvoir de détention pour enquête en common law. Il en découle un changement fondamental de l’état du droit au Canada qui semble répondre à un besoin légitime des forces de l’ordre. Bien qu’il eût été préférable qu’une loi reconnaisse et régule le pouvoir policier de détention pour enquête, il valait mieux que la jurisprudence pallie le silence du législateur plutôt que d’ignorer une réalité sur le terrain dépourvue de normes juridiques. Aussi perfectible soit-il, le cadre juridique fourni par le droit prétorien constitue une évolution souhaitable du droit pénal qui n’est cependant pas à l’abri des dérives, d’où un appel à une action législative pour compléter et préciser les normes jurisprudentielles.

Tiré de : La création de la détention pour enquête en common law : dérive jurisprudentielle ou évolution nécessaire ? Un point de vue pragmatique
http://www.erudit.org/revue/cd/2009/v50/n3-4/039341ar.html
http://www.erudit.org/revue/cd/2009/v50/n3-4/039341ar.pdf

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le ré-interrogatoire

R. v. Lavoie, 2000 ABCA 318 Lien vers la décision Re-examination of Stephen Greene, Re-cross-examination of Stephen Greene   [ 46 ]        T...