dimanche 11 décembre 2011

L'action sert elle l'intérêt de la compagnie ou l'intérêt de l'administrateur? La distinction entre la faute civile et l'acte criminel

 Extrait du mémoire d'Isabelle Charlebois : Analyse comparative du concept de malhonnêteté en droit criminel et en droit des sociétés

En droit criminel, les propos de la Cour suprême nous semblent tendre vers une
interprétation plus étroite de la notion d'intérêt de la compagnie résumant le tout à la question d'un conflit d'intérêts:

« La question cruciale était de savoir si le transfert des moyens d'investissement
pouvait être considéré comme servant les véritables intérêts financiers de la
compagnie cible ou s'il convenait davantage de le considérer comme étant
destiné à servir les fins personnelles des parties qui l'ont effectué, sans égard aux objectifs véritables de l'entreprise. On a déduit que, compte tenu des
circonstances de l'affaire, on ne pouvait pas raisonnablement considérer que la
compagnie cible était disposée à se prêter à un détournement de ses fonds pour
les fms personnelles des parties qui effectuaient la prise de contrôle. Notre Cour
a conclu sans difficulté qu'il ne pouvait s'agir que d'un transfert à des fms
personnelles, qui privait la compagnie cible d'une chose dans laquelle elle avait
un intérêt. »

Partant, toute action s'inscrivant à l'intérieur de la mécanique normale de l'entreprise ne pourra pas mener à une accusation de fraude

« [...] Il est possible, tout dépendant des circonstances, que s'il avait choisi
d'investir ces sommes à la bourse ou dans une opération immobilière, il ne serait
pas coupable de fraude criminelle puisque, dans ces circonstances, il ne pourrait
être démontré qu'il s'agissait là d'un des actes visés par l'infraction. »
L'examen se limite donc à la finalité de la décision de l'administrateur. L'action sert elle l'intérêt de la compagnie ou l'intérêt de l'administrateur :

« [...] La distinction est la même que celle entre un dirigeant d'entreprise qui ne
commet pas une fraude en utilisant des fonds de l'entreprise à des [ms
commerciales peu judicieuses, et celui qui détourne des fonds de l'entreprise à
des fins personnelles qui n'ont rien à voir avec l'entreprise. Les pratiques
commerciales malavisées ne sont pas dolosives. L'emploi illégitime de l'argent
dans lequel d'autres personnes ont un intérêt pécuniaire à des fins qui n'ont rien
à voir avec l'entreprise peut toutefois, dans certaines circonstances, constituer
une fraude. »

En somme, pour être qualifiée de malhonnête au sens du Code criminel et ainsi faire
l'objet d'une accusation criminelle, une conduite devra faire complètement
abstraction de l'intérêt de la compagnie et avoir entraîné une privation, autrement,
elle ne constituera qu'une violation des devoirs énoncés à l'article 322 C.c.Q. De
même, à la lumière des principes de droit criminel où il est depuis longtemps reconnu que l'actus reus à lui seul ne suffit pas à entraîner une condamnation criminelle, le simple fait d'avoir fait abstraction de l'intérêt de la compagnie ne pourra fonder une accusation que s'il est combiné à un élément subjectif particulier.

Tiré de: Analyse comparative du concept de malhonnêteté en droit criminel et en droit des sociétés
Auteur(s): Charlebois, Isabelle
https://papyrus.bib.umontreal.ca/jspui/bitstream/1866/2448/1/11784079.PDF
https://papyrus.bib.umontreal.ca/jspui/handle/1866/2448

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