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dimanche 9 juin 2024

Différences entre la race et le profilage racial au regard de l’art. 9 de la Charte

R. c. Le, 2019 CSC 34 

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[74]                        Il importe de comprendre dès le départ la place qu’occupe la race et son objet en tant que considération dans le cadre de l’analyse relative à la détention, et en quoi cette notion diffère de celle de profilage racial.

[75]                        À l’étape de l’examen de la détention, il faut déterminer comment une personne raisonnable ayant vécu une expérience similaire liée à la race percevrait l’interaction avec les policiers. L’analyse est axée sur l’effet conjugué qu’auraient un contexte racialisé et l’appartenance à une minorité sur la perception d’une personne raisonnable mise à la place de l’accusé quant à savoir si elle était libre de partir ou tenue de rester sur place. L’analyse relative à la détention au regard de l’art. 9 est donc de nature contextuelle et de large portée. Elle tient compte du contexte historique et social plus large des relations interraciales entre la police et les divers groupes raciaux et les divers individus dans notre société. La personne raisonnable mise à la place de M. Le est présumée connaître ce contexte racial plus large.

[76]                        En revanche, la notion de profilage racial s’attache principalement à la motivation des agents de police. Le profilage racial se produit lorsque la race ou les stéréotypes raciaux concernant la criminalité ou la dangerosité sont dans une quelconque mesure utilisés, consciemment ou inconsciemment, dans la sélection des suspects ou le traitement des individus (Service de police d’Ottawa, Racial Profiling (27 juin 2011), politique no 5.39 (en ligne), p. 2).

[77]                          La Cour a adopté la définition suivante du profilage racial dans Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation)2015 CSC 39, [2015] 2 R.C.S. 789 :

                    Le profilage racial désigne toute action prise par une ou des personnes en situation d’autorité à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes, pour des raisons de sûreté, de sécurité ou de protection du public, qui repose sur des facteurs d’appartenance réelle ou présumée, tels [sic] la race, la couleur, l’origine ethnique ou nationale ou la religion, sans motif réel ou soupçon raisonnable, et qui a pour effet d’exposer la personne à un examen ou à un traitement différent.

                    Le profilage racial inclut aussi toute action de personnes en situation d’autorité qui appliquent une mesure de façon disproportionnée sur des segments de la population du fait, notamment, de leur appartenance raciale, ethnique ou nationale ou religieuse, réelle ou présumée. [Soulignement omis; par. 33.]

[78]                          Le profilage racial est donc ancré dans un processus mental que suit une personne en autorité — en l’espèce, l’un ou l’autre des policiers. Ainsi, le profilage racial entre surtout en jeu au regard de l’art. 9 lorsqu’il s’agit de déterminer si la détention est arbitraire, parce que, par définition, la détention fondée sur un profilage racial ne repose pas sur des soupçons raisonnables. Le profilage racial entre aussi en jeu au regard du par. 24(2) lorsqu’il s’agit de déterminer si la conduite policière est si grave et dénuée de bonne foi que l’utilisation des éléments de preuve au dossier est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

[79]                        Pour cette raison, une conclusion d’absence de profilage racial n’a guère d’incidence sur la question du moment où il y a détention, lequel repose principalement sur la perception qu’aurait une personne raisonnable mise à la place de l’accusé, et non sur ce qui a motivé les policiers à agir de la sorte[2].

[80]                        Au procès, la question du profilage racial a été soulevée au regard du par. 24(2). Le juge du procès a rejeté cet argument et a conclu à l’absence de profilage racial en l’espèce. Même si le juge Doherty faisait observer, dès 2006, que [traduction] « la jurisprudence reconnaît [désormais] l’existence du profilage racial qui fait partie du quotidien des minorités visées » (Peart c. Peel Regional Police Services Board (2006), 2006 CanLII 37566 (ON CA), 43 C.R. (6th) 175 (C.A. Ont.), par. 94), il demeure loisible au juge qui préside le procès de conclure qu’une chose qui arrive souvent ne s’est pas dans les faits produite dans l’affaire dont il est saisi. Ni l’une ni l’autre des parties n’a contesté la conclusion du juge du procès, et nous ne sommes pas en désaccord avec celle‑ci.

[81]                        Cependant, répétons‑le, la conclusion d’absence de profilage racial concerne la motivation des policiers et non la question particulière et distincte de l’incidence qu’aurait pu avoir la race sur la perception d’une personne raisonnable mise à la place de l’accusé. Alors que la question du profilage racial comporte un examen axé sur ce qui a motivé l’interaction des policiers avec une personne, l’analyse du contexte racial pertinente à l’égard du moment où il y a détention au regard de l’art. 9 porte plutôt sur les rapports entre la police et les collectivités racialisées afin de déterminer quelle serait la perception d’une personne raisonnable dans les circonstances. L’analyse fondée sur l’art. 9 porte donc principalement sur la perception qu’aurait une personne raisonnable mise à la place de l’accusé, question à laquelle nous passons maintenant.

La demande et l'obtention d'un mandat de perquisition représentent l'antithèse du mépris délibéré de la Charte

R. c. Rocha, 2012 CanLII 98676 (ON CA)

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 [28] La demande et l'obtention d'un mandat de perquisition d'un fonctionnaire judiciaire indépendant représentent l'antithèse du mépris délibéré à l'égard des droits que la Charte reconnaît. Le processus d'autorisation du mandat de perquisition constitue un important moyen d'empêcher l'exécution de perquisitions non justifiées. À moins que la partie demandant l'exclusion des éléments de preuve ne puisse établir que le mandat a été obtenu à l'aide de renseignements faux ou délibérément trompeurs ou que la rédaction de la dénonciation a entravé d'une façon ou d'une autre le processus d'autorisation du mandat, comme je l'explique ci-dessous, l'obtention dudit mandat montre généralement qu'il y a lieu d'admettre les éléments de preuve en question. Dans la présente affaire, les agents de police ont présenté les fruits de leur enquête à un juge de paix, qui a délivré les mandats. J'ai décidé que le mandat avait été délivré à bon escient dans le cas du restaurant. Le mandat n'aurait pas dû être délivré dans le cas de la maison, mais il faut se rappeler qu'un fonctionnaire judiciaire indépendant a autorisé la perquisition.

[29] Cela ne signifie pas que je suis d'avis que chaque fois qu'un mandat de perquisition a été autorisé, le premier volet du test de l'arrêt Grant favorise l'admission des éléments de preuve. Cependant, il n'y a pas lieu non plus de conclure, comme l'a fait la juge de première instance, que les éléments de preuve doivent être exclus parce que le mandat de perquisition a été obtenu par suite d'un processus délibéré. Il convient plutôt d'examiner la dénonciation et de se demander si elle est trompeuse d'une façon ou d'une autre. Dans l'affirmative, la cour devrait alors se demander où la dénonciation se situe sur le spectre de la faute entre l'utilisation intentionnelle de renseignements faux et trompeurs à une extrémité du spectre et la simple utilisation [page774] accidentelle de renseignements de cette nature à l'autre extrémité. C'est ce qu'a expliqué le juge Fish dans R. c. Morelli, 2010 CSC 8 (CanLII), [2010] 1 R.C.S. 253, [2010] A.C.S. no 8, aux par. 99 à 103 :

Premièrement, la conduite de l'État qui a enfreint la Charte en l'espèce était la perquisition de la maison de l'accusé et la saisie de son ordinateur personnel, de l'ordinateur portable de sa conjointe, de plusieurs bandes vidéo et d'autres objets. La perquisition et la saisie étaient injustifiées, mais elles ont été effectuées conformément à un mandat de perquisition, par des policiers qui croyaient agir en vertu d'un pouvoir légitime. Les policiers qui ont effectué la perquisition n'ont pas violé la Charte délibérément, ni même par négligence. Ces considérations favorisent l'admission de la preuve. À cet égard, la perquisition et la saisie ne peuvent être considérées comme particulièrement odieuses.

Par contre, vu la dénonciation sur laquelle repose le mandat, elles le sont. Le policier qui a préparé la dénonciation n'a pas fait preuve d'une diligence raisonnable ni du souci de respecter son obligation d'exposer les faits de manière complète et sincère. Au mieux, la dénonciation a été rédigée de façon imprévoyante et insouciante. Non seulement la dénonciation ne mentionnait pas la bonne infraction (accès à la pornographie juvénile plutôt que possession), mais son libellé était trompeur, ce qui a entraîné la délivrance d'un mandat sans motifs suffisants. Bien que la juge du procès ait conclu à l'absence de toute tentative délibérée d'induire en erreur, aucun policier dénonciateur, agissant raisonnablement, n'aurait pu ignorer que les mentions répétées de " "Lolita Porn" sur l'écran " et de la suppression de " toute la porno juvénile sur l'ordinateur " amèneraient la plupart des lecteurs -- et, plus particulièrement, le juge saisi de la demande d'autorisation -- à croire à l'existence d'éléments prouvant que le témoin, M. Hounjet, avait effectivement vu de la pornographie juvénile à l'écran.

De même, le policier aurait dû savoir -- s'il ne le savait pas -- que la juxtaposition de ces déclarations trompeuses et de la description incomplète de la [TRADUCTION] " webcaméra dirigée vers des jouets " serait indûment incendiaire.

La considération dont jouit l'administration de la justice est menacée si les tribunaux passent outre à une conduite policière inacceptable. Les policiers qui demandent des mandats de perquisition sont tenus d'agir avec diligence et intégrité, en veillant à s'acquitter de leur obligation particulière de divulgation honnête et complète dans une procédure ex parte. Pour s'en acquitter de façon responsable, ils doivent éviter de faire des déclarations qui risquent d'induire le juge de paix en erreur, éviter de dissimuler ou d'omettre des faits pertinents et veiller à ne pas exagérer autrement les renseignements qu'ils font valoir pour établir l'existence des motifs raisonnables et probables nécessaires à la délivrance du mandat de perquisition.

Nous sommes liés par la conclusion de la juge du procès selon laquelle le policier qui a fait la dénonciation sous serment n'a pas mal agi délibérément. La considération dont jouit l'administration de la justice serait néanmoins grandement érodée, particulièrement à long terme, si une telle conduite policière inacceptable pouvait servir de fondement à une atteinte à la vie privée aussi envahissante qu'une perquisition dans nos maisons et la saisie et l'analyse de nos ordinateurs personnels. (Non en italique dans l'original; souligné dans l'original) [page775]

Une autorisation judiciaire doit être exécutée dans un délai raisonnable suivant son obtention

R. c. François, 2019 QCCQ 276

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[43]        If a warrant is not executed promptly, it may become feeble where no time limit is stated. To meet the requirement of section 8 of the Charter, the time period over which a search warrant extends must be reasonable. The reasonableness depends on the circumstances of the case.[16] The warrant in this matter was executed the day after it was issued and the report to a justice of the peace[17] that was filed in evidence indicates that the search took place at 1:25 pm on January 14th, 2016. In these circumstances, the Court concludes that the time period for the execution of the warrant was reasonable.

La fouille d’un domicile effectuée accessoirement à une arrestation pour des raisons de sécurité sera conforme à l’art. 8 de la Charte lorsque les certaines conditions sont réunies

R. c. Stairs, 2022 CSC 11

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[82]                        En résumé, la fouille d’un domicile effectuée accessoirement à une arrestation pour des raisons de sécurité sera conforme à l’art. 8 de la Charte lorsque les conditions suivantes sont réunies :

(1)         L’arrestation était légale.

(2)         La fouille était accessoire à l’arrestation, ce qui est le cas lorsque les considérations suivantes sont respectées :

a)      Lorsque l’espace visé par la fouille relève du contrôle physique de la personne arrêtée au moment de l’arrestation, la norme de common law doit être satisfaite.

b)      Lorsque l’espace visé par la fouille est hors du contrôle physique de la personne arrêtée au moment de l’arrestation — mais que l’espace est suffisamment lié à l’arrestation — les policiers doivent avoir des raisons de soupçonner que la fouille contribuera à l’atteinte de l’objectif de sécurité des policiers et du public, y compris celle de l’accusé.

(3)         Lorsque l’espace visé par la fouille est hors du contrôle physique de la personne arrêtée au moment de l’arrestation — mais que l’espace est suffisamment lié à l’arrestation — la nature et l’étendue de la fouille doivent être adaptées à son objet et aux intérêts élevés au respect de la vie privée dans un domicile.

Ce qu'est la connaissance d'office

R. c. Find, 2001 CSC 32 

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48                              Dans la présente affaire, l’appelant s’appuie considérablement sur le mode de preuve fondé sur l’admission d’office de certains faits par le tribunal.  La connaissance d’office dispense de la nécessité de prouver des faits qui ne prêtent clairement pas à controverse ou qui sont à l’abri de toute contestation de la part de personnes raisonnables.  Les faits admis d’office ne sont pas prouvés par voie de témoignage sous serment.  Ils ne sont pas non plus vérifiés par contre-interrogatoire.  Par conséquent, le seuil d’application de la connaissance d’office est strict.  Un tribunal peut à juste titre prendre connaissance d’office de deux types de faits :  (1) les faits qui sont notoires ou généralement admis au point de ne pas être l’objet de débats entre des personnes raisonnables; (2)  ceux dont l’existence peut être démontrée immédiatement et fidèlement en ayant recours à des sources facilement accessibles dont l’exactitude est incontestable :  R. c. Potts (1982), 1982 CanLII 1751 (ON CA), 66 C.C.C. (2d) 219 (C.A. Ont.); J. Sopinka, S. N. Lederman et A. W. Bryant, The Law of Evidence in Canada (2e éd. 1999), p. 1055.

Il incombe à la personne qui invoque un privilège circonstancié revendiquant le secret professionnel (sauf pour l'avocat ou le notaire) d’en démontrer l’existence

R. c. Bissonnette, 2015 QCCS 6684

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[33]            On parle ici du privilège des communications entre un comptable et son client ainsi que du secret professionnel que protègent diverses dispositions législatives provinciales, dans le cadre notamment de la Charte québécoise des droits, du Code des professions et des divers Codes de déontologie des comptables.

[34]            Or, en matière de relations professionnelles, le Code criminel, émanation du Parlement fédéral, ne reconnaît explicitement que le privilège et le secret professionnel de l’avocat à titre de privilèges génériques.

[35]            Pour les autres professions, il incombe à la personne qui invoque un privilège d’en démontrer l’existence au cas par cas par l’application des quatre critères cumulatifs de Wigmore.

[36]            Or, l’arrêt Tower c. M.R.N., [2004] 1 RCF 1832003 CAF 307 (CanLII), dans un cas analogue au nôtre, décide que les communications de ce genre ne répondent à aucun des quatre critères de Wigmore et ne sont donc pas protégées par un privilège au cas par cas.

Le privilège du secret professionnel ne s'applique pas aux conseils donnés par un expert-comptable à son client

Tower c. M.R.N. (C.A.F.), 2003 CAF 307

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[36]La Cour suprême du Canada a reconnu l'existence de deux sortes de privilèges légaux--un privilège «générique» et un autre qui «dépend des conditions de chaque cas» (voir R. c. Gruenke1991 CanLII 40 (CSC), [1991] 3 R.C.S. 263, à la page 286). Les contribuables insistent à dire que leurs communications confidentielles avec M. Butalia, une fois bien comprises, peuvent se ranger dans l'une ou l'autre de ces catégories. Ils affirment que, d'après les éléments de preuve, ils ont traité avec Dunwoody et particulièrement avec M. Butalia, en tenant pour acquis que les conseils fiscaux qu'ils recevraient étaient confidentiels. Ils allèguent que s'ils avaient su que ces conseils ne pouvaient être protégés que dans le cadre du privilège du secret professionnel de l'avocat, ils n'auraient pas consulté Dunwoody sur ces questions.

[37]En 1990, notre Cour a confirmé que le privilège du secret professionnel ne s'applique pas aux conseils donnés par un expert-comptable à son client en rapport avec les dispositions de la Loi [Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, art. 231.3 (mod. par S.C. 1986, ch. 6, art. 121)] portant sur les perquisitions et saisies (voir Baron c. Canada1990 CanLII 13083 (CAF), [1991] 1 C.F. 688 (C.A.)). De l'avis des contribuables, il est temps aujourd'hui de reconnaître un privilège générique aux communications entre les experts-comptables et les clients auxquels ils donnent des conseils fiscaux dans le cadre d'une relation professionnelle, et ce privilège devrait s'étendre à toutes les catégories de conseils fiscaux, qu'il s'agisse d'impôt sur le revenu, de taxe d'accise, de taxe sur les produits et services, de taxe de vente ou de taxe foncière. Ils font valoir que les catégories de privilèges ne sont pas immuables et qu'elles peuvent évoluer avec le temps par l'identification d'une nouvelle catégorie fondée sur des principes (voir le juge en chef Lamer dans R. c. Gruenke, précitée, aux pages 289 et 290).

[38]Je ne vois rien dans les observations des contribuables qui milite contre la décision antérieure de cette Cour dans Baron c. Canada, précitée. Le privilège du secret professionnel de l'avocat, qui est essentiel à la bonne administration de la justice, est nécessaire pour que le client puisse, à la faveur d'avis confidentiels, ester en justice et défendre ses droits contre des réclamations indues (voir R. c. McClure2001 CSC 14 (CanLII), [2001] 1 R.C.S. 445, aux paragraphes 31 à 35). Les avocats sont tenus par la loi et par leur code de déontologie de préserver et de protéger l'intérêt public dans l'administration de la justice (voir Fortin c. Chrétien2001 CSC 45 (CanLII), [2001] 2 R.C.S. 500, au paragraphe 49). Les comptables, par contre, ne sont pas assujettis à ces obligations et ils ne donnent pas d'avis juridiques, sinon ils contreviendraient aux lois provinciales et territoriales régissant la profession juridique. D'après mon analyse, aucune considération de politique générale prépondérante ne permet d'assimiler au privilège de l'avocat les conseils obtenus de comptables.

[39]Quant au privilège fondé sur les circonstances de chaque cas, la Cour suprême du Canada a statué que les principes énoncés par le professeur Wigmore dans son traité américain sur la preuve fournissent un cadre général permettant de déterminer si une communication est privilégiée ou non. Dans ce cadre, les considérations de politique et les exigences relatives à l'établissement des faits peuvent être pesées et équilibrées suivant l'importance relative qu'elles revêtent dans chaque cas. Par conséquent, il y aurait toujours lieu d'aborder la question du privilège fondé sur les circonstances de chaque cas en s'appuyant sur des principes et en tenant compte de chacun des quatre critères et des circonstances particulières à chaque cas (voir R. c. Gruenke, précitée, aux pages 289 et 290).

[40]Les quatre critères de Wigmore sont les suivants:

[traduction]

1) Les communications doivent avoir été transmises confidentiellement avec l'assurance qu'elles ne seront pas divulguées.

2) Le caractère confidentiel doit être un élément essentiel au maintien complet et satisfaisant des rapports entre les parties.

3) Les rapports doivent être de la nature de ceux qui selon l'opinion de la collectivité doivent être entretenus assidûment.

4) Les préjudices permanent que subiraient les rapports par la divulgation des communications doit être plus considérable que l'avantage à retirer d'une juste décision. [Non souligné dans l'original.]

(Voir John Henry Wigmore, Evidence in Trials at Common Law, vol. 8, McNaughton Revision. (Boston: Little, Brown, 1961), à la page 527.)

[41]En discutant du premier critère de Wigmore, la Cour suprême du Canada s'est prononcée en ces termes: «il est absolument crucial que l'on s'attende à ce que les communications soient confidentielles [. . .] Sans cette expectative de caractère confidentiel, le privilège n'a pas de raison d'être» (voir R. c. Gruenke, précitée, à la page 292). Bien qu'un comptable agréé soit tenu, en vertu de son code de déontologie, d'assurer le caractère confidentiel de ses communications avec ses clients, il sait, ou est censé savoir, que ce caractère confidentiel est limité par le pouvoir du ministre d'exiger la divulgation. Par conséquent, Dunwoody et les contribuables ne se sont pas acquittés du fardeau qui leur incombe de prouver que les rapports en cause étaient censés être suffisamment confidentiels pour satisfaire au premier critère de Wigmore.

[42]De même, les contribuables n'ont pas démontré que le caractère confidentiel était un élément essentiel au maintien complet et satisfaisant de leur relation avec M. Butalia de façon à répondre au deuxième critère de Wigmore. Le caractère confidentiel peut être souhaité, comme il en va pour tous les rapports personnels et professionnels, mais ceux dont il s'agit en l'occurrence ne dépendaient pas, pour exister, de l'élément de confidentialité. En fait, la preuve indique que si M. Kitsch avait cru qu'aucun caractère confidentiel n'entrait en ligne de compte, il se serait malgré tout adressé au même cabinet d'experts-comptables pour obtenir des conseils en matière d'affaires ou de finances.

[43]De plus, les contribuables n'ont pas démontré que leurs rapports avec les comptables fiscalistes étaient de ceux qui, selon l'opinion de la collectivité, doivent être assidûment entretenus au point de bénéficier d'un privilège. Bien que le caractère confidentiel soit préférable, la relation entre un expert-comptable et son client n'est pas aussi fondamentale pour la société et l'administration de la justice que l'est la relation d'un avocat avec le sien.

[44]Les rares situations où la portée d'un privilège en fonction de chaque cas a été étendue à certaines communications bien précises avaient trait aux relations de médecins avec leurs patients, de thérapeutes en matière d'agression sexuelle et de membres du clergé. Ces relations sont assidûment entretenues au point de bénéficier éventuellement d'un privilège dans certaines circonstances bien définies. La raison en est bien simple. La société canadienne attache une bien plus grande valeur à l'intégrité physique, mentale et spirituelle d'une personne qu'à sa fortune. Il est établi que le fait de dissuader quelqu'un de consulter un médecin, un thérapeute en matière d'agression sexuelle ou un membre du clergé peut causer un préjudice et des souffrances inutiles. Ce qui peut arriver de pire à une personne qu'on décourage de prendre conseil au sujet de l'impôt sur le revenu, c'est de rater une occasion d'épargner de l'impôt, ce qui est peut-être regrettable, mais qui ne menace en rien son bien-être physique, mental et spirituel.

[45]Considérant le quatrième critère de Wigmore, il faut déterminer si l'intérêt qu'il y a à soustraire des communications à la divulgation l'emporte sur celui de connaître la vérité et de bien trancher le litige (voir M. (A.) c. Ryan1997 CanLII 403 (CSC), [1997] 1 R.C.S. 157, aux paragraphes 16 et 31). L'évaluation du préjudice que subit la relation, comparé à l'avantage que présente le règlement correct d'une affaire, met en jeu des considérations d'ordre public. Comme l'a conclu le juge en chef McLachlin, à ce stade de l'analyse, une injustice occasionnelle ne devrait pas être acceptée pour prix de l'extension du privilège de non-communication. Il est vrai que les catégories de privilège traditionnelles comportent nécessairement ce risque d'injustice occasionnelle. Cela ne veut pas dire qu'en se fondant sur de nouveaux privilèges, «les tribunaux devraient tolérer à la légère l'accroissement de leur portée». (M.(A.) c. Ryan, précitée, paragraphe 32). Le préjudice éventuel résultant de la divulgation de renseignements contestés a été décrit au paragraphe 30 de ce jugement comme celui qui:

[. . .] perpétue le désavantage que ressentent les victimes d'agression sexuelle qui sont souvent des femmes. La nature intime de l'agression sexuelle accentue les craintes que la victime éprouve au sujet de sa vie privée et est susceptible d'augmenter la difficulté d'obtenir réparation [. . .] La victime d'une agression sexuelle est alors défavorisée par rapport à la victime d'un autre méfait [. . .] Elle est alors pénalisée doublement, d'abord par l'agression sexuelle elle-même, ensuite par le prix qu'elle doit payer pour demander réparation--une réparation qui, dans certains cas, peut faire partie de son programme de thérapie.

La Cour a entériné, néanmoins, la divulgation de tous les documents à l'exception des notes personnelles d'un individu qui ne serait pas appelé à témoigner à l'instance et dont l'opinion est sans objet. La revendication infructueuse du privilège illustre, dans ce cas-là, le seuil élevé du préjudice nécessaire pour l'emporter sur l'avantage à retirer d'une juste décision.

[46]Les contribuables n'ont pas prouvé qu'un préjudice d'ordre public surviendrait si les communications avec leurs comptables continuent de faire l'objet d'examen par le ministre. D'innombrables relations entre des comptables et leurs clients se sont très bien déroulées dans le passé, nonobstant la possibilité pour le ministre de revoir leurs communications. Quel que soit le préjudice d'ordre public que craignent les contribuables, il n'a pas fait obstacle au maintien complet et satisfaisant de telles relations, malgré le pouvoir d'examen du ministre. Si la perspective d'un privilège au cas par cas devait hanter les communications entre les comptables et leurs clients, le préjudice touchant la vérification et l'application de la Loi serait considérable et l'emporterait sur tout autre dommage, que subiraient de telles relations. Dans l'ensemble, j'estime que l'intérêt du public pèse en faveur de la divulgation.

[47]Les communications en litige dans les présents appel et appel incident ne répondent à aucun des quatre critères de Wigmore et ne sont donc pas protégées par un privilège au cas par cas. Le juge des demandes a correctement statué que les documents requis par les demandes de production ne bénéficient ni d'un privilège générique ni d'un privilège au cas par cas.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

La possession d'une quantité de drogue plus grande que pour usage personnel est une assise permettant au juge de conclure à la possession en vue de trafic / se débarrasser de la drogue via une toilette ne permet pas de conclure à la possession en vue de trafic de ladite substance

R. v. Scharf, 2017 ONCA 794 Lien vers la décision [ 9 ]           Although not the subject of submissions by the appellant, we do not agree ...