Canada (Ministre de la Citoyennté et de l'Immigration) c. Atwal, 2004 CF 7 (CanLII)
[15] En adoptant l'article 64 de la LIPR, le législateur a voulu établir une norme objective de criminalité au regard de laquelle un résident permanent perd son droit d'appel. On peut présumer que le législateur était au courant du fait que, conformément à l' article 719 du Code criminel, la période de détention présentencielle est prise en considération lors de la détermination des peines. Appliquer l'article 64 de la LIRP en faisant abstraction de la période de détention présentencielle lorsque cette période a été expressément prise en compte dans la détermination de la peine serait contraire à l'intention qu'avait le législateur lors de l'adoption de cet l'article.
Cheddesingh c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 124 (CanLII)
[20] Dans l’arrêt R. c. Wust, 2000 CSC 18 (CanLII), [2000] 1 R.C.S. 455, la juge Arbour écrivait ce qui suit, au paragraphe 41 :
[…] En conséquence, bien que la détention avant le procès ne se veuille pas une sanction lorsqu’elle est infligée, elle est, de fait, réputée faire partie de la peine après la déclaration de culpabilité du délinquant, par l’application du paragraphe 719(3) […]
[21] La demanderesse dit que dans la décision Atwal, précitée, le juge Pinard a mal interprété l’arrêt Wust lorsqu’il a considéré que le temps passé en détention présentencielle devrait être inclus dans l’emprisonnement dont parle l’article 64 de la Loi. Le juge Pinard écrivait ce qui suit, au paragraphe 15 :
En adoptant l’article 64 de la LIPR, le législateur a voulu établir une norme objective de criminalité au regard de laquelle un résident permanent perd son droit d’appel. On peut présumer que le législateur était au courant du fait que, conformément à l’article 719 du Code criminel, la période de détention présentencielle est prise en considération lors de la détermination des peines. Appliquer l’article 64 de la LIPR en faisant abstraction de la période de détention présentencielle lorsque cette période a été expressément prise en compte dans la détermination de la peine serait contraire à l’intention qu’avait le législateur lors de l’adoption de cet l’article.
[22] J’ai entendu les arguments très solides de l’avocat de la demanderesse, mais je ne puis souscrire à l’interprétation que propose la demanderesse sur ce qui constitue un emprisonnement pour l’application de l’article 64. Je partage les conclusions tirées par le juge Pinard dans la décision Atwal, précitée, et la jurisprudence de la Cour sur cette question est constante.
[23] Dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Smith, 2004 CF 63 (CanLII), 2004 CF 63, le juge Campbell a dit que l’emprisonnement visé au paragraphe 64(2) de la Loi comprenait la période de détention présentencielle, laquelle était prise en compte dans la détermination de la peine imposée à une personne. Dans la décision Jamil, précitée, la juge Mactavish est arrivée à la même conclusion. Elle écrivait ce qui suit, au paragraphe 33 :
Il convient de rappeler à cette étape que le paragraphe 64(2) de la LIPR ne concerne pas la durée de la peine infligée au délinquant, mais la punition infligée. Il ressort clairement de la jurisprudence qu’une fois qu’un individu est déclaré coupable d’un crime, la période qu’il passe en détention avant son procès est réputée faire partie de la punition infligée.
[24] Je suis donc d’avis que l’interprétation que préconise la demanderesse va à l’encontre de l’intention qu’avait le législateur lorsqu’il a rédigé le paragraphe 64(2) de la Loi, et j’arrive à la conclusion que le Tribunal n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle lorsqu’il a conclu que la période passée par la demanderesse en détention présentencielle faisait partie de son « emprisonnement ».
[29] Je souscris aux conclusions du juge Mosley sur ce point, conclusions qui ont été suivies dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Gomes, 2005 CF 299 (CanLII), 2005 CF 299, et dans la décision Sherzad, précitée. Dans la décision Sherzad, la juge Mactavish écrivait ce qui suit, aux paragraphes 57 à 61 :
C’est donc dire que la période passée en détention pour un délinquant avant sa condamnation est réputée faire partie de la « punition » qui lui est infligée. Il ne conviendrait pas, à mon avis, qu’un délinquant puisse faire valoir, en matière criminelle, qu’il faudrait réduire sa peine à cause de la période qu’il a passée en détention avant de subir son procès, et qu’il puisse ensuite faire volte‑face, en matière d’immigration, et dire qu’il ne faudrait pas prendre en compte la période passée en détention avant le procès, et que seule la durée de la peine devrait être prise en compte pour l’application du paragraphe 64(2) de la LIPR.
Comme l’a signalé le juge Mosley dans Cheddesingh (Jones), une telle interprétation irait à l’encontre des principes formulés dans l’arrêt Wust et de l’intention qu’avait le législateur en adoptant l’article 64 de la LIPR.
Par ailleurs, accepter l’interprétation que fait M. Sherzad du paragraphe 64(2) entraînerait un résultat absurde. Par exemple, si un individu inculpé d’une infraction plaidait coupable au moment de l’arrestation et était condamné à deux ans d’emprisonnement, son droit d’appel devant la SAI serait éteint par l’application du paragraphe 64(2). Par contre, un autre individu, inculpé de la même infraction dans des circonstances identiques, pourrait décider de subir un procès. S’il était déclaré coupable, la période qu’il a passée en détention avant le procès serait prise en compte et sa peine serait réduite en conséquence, devenant inférieure à deux ans. Dans de telles circonstances, le second délinquant aurait encore le droit d’interjeter appel devant la SAI.
Dans le même ordre d’idées, un délinquant qui passerait deux ans en détention avant de subir son procès et qui serait ensuite condamné « à la peine déjà purgée » n’aurait, suivant l’interprétation de M. Sherzad, reçu aucune « punition » aux fins de l’application du paragraphe 64(2).
Une telle interprétation inciterait concrètement les délinquants à invoquer les délais avant procès afin de contourner le paragraphe 64(2), ce qui n’est certes pas l’intention du législateur.
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