R. c. Mathieu, 2008 CSC 21 (CanLII)
[11] Selon le texte même du par. 719(1) du Code criminel, « [l]a peine commence au moment où elle est infligée » et le par. 719(3) dispose que « [p]our fixer la peine [...] le tribunal peut prendre en compte toute période que la personne a passée sous garde par suite de l’infraction ». Ces principes de détermination de la peine s’appliquent indiscutablement à l’imposition d’une ordonnance de probation.
[12] Comme je l'exprimais dans l’arrêt Fice :
De plus, en concluant comme elle l’a fait dans Wust, notre Cour a souligné la nécessité d’interpréter les dispositions du Code criminel relatives à la détermination de la peine « de façon à éviter toute contradiction entre ses dispositions et tout résultat absurde, en s’efforçant d’assurer la cohérence et la logique internes du texte ». [par. 52]
[13] L’interprétation que je propose en l’espèce concorde bien non seulement avec les par. (1) et (3) de l’art. 719 (j’y reviendrai), mais également avec les autres dispositions pertinentes du Code criminel. Je n’en mentionne ici que deux.
[14] D’abord, le par. 719(4) du Code. Tandis que le par. 719(1) vise les contrevenants en détention au moment de la sentence, le par. 719(4) applique le même principe aux contrevenants alors en liberté. Selon cette disposition, une période d’emprisonnement commence à courir « à la date où la personne déclarée coupable est arrêtée et mise sous garde aux termes de la sentence ». Un prévenu en détention provisoire n’est pas « mi[s] sous garde aux termes de la sentence ». Ainsi, la détention provisoire ne peut manifestement pas faire partie d’une peine qui n’a pas encore commencé à courir.
[17] Aussi, je partage l’avis du juge Beauregard de la Cour d’appel dans l’affaire Monière voulant que « la détention provisoire ne fait pas partie de la peine, mais n’est qu'un facteur dont le juge tient compte pour déterminer la peine » (2007 QCCA 309 (CanLII), [2007] J.Q. no 1539 (QL), 2007 QCCA 309, par. 18). Il en résulte qu’une peine de moins de deux ans ne se transforme pas, pour l’application de l’al. 731(1)b), en une peine de plus de deux ans du simple fait que le juge du procès, en infligeant la peine de moins de deux ans, a pris en compte la période déjà passée sous garde par suite de l’infraction.
[18] Qui plus est, la prise en compte de la détention provisoire comme facteur de détermination de la peine ne découle pas uniquement de la loi et de l’art. 719 du Code, mais s’infère aussi de l’interprétation conceptuelle de la détention provisoire. En effet, l’emprisonnement provisoire fait généralement référence à la détention avant verdict, alors que l’accusé est présumé innocent. Dans le contexte qui nous concerne ici, cette détention est en principe préventive plutôt que punitive. Une telle détention ne peut guère être qualifiée de « peine » : advenant un verdict de culpabilité, le juge en tient compte comme facteur pertinent lors de la sentence, mais qu’en est-il advenant l’acquittement du prévenu? Il s’agirait alors de déterminer rétroactivement si la détention provisoire constituait ou non une peine aux termes du Code, ce qui dépendrait du verdict — évènement postérieur et indépendant.
[19] Manifestement, les termes « emprisonnement maximal de deux ans » employés par le législateur à l’al. 731(1)b) renvoient donc à la peine infligée lors de la sentence, peine que le tribunal détermine, le cas échéant, après avoir pris en considération la période passée en détention provisoire.
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