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mardi 13 mai 2025

Ce qu'est la déclaration d'un accusé à haut risque

Lebel c. R., 2024 QCCA 1666 

Lien vers la décision


[4]         L’appelant se pourvoit contre un jugement de la Cour supérieure qui le déclare accusé à haut risque. Cette décision repose sur l’application du paragraphe 672.64(1) du Code criminel. Le paragraphe 672.64(1) prévoit deux critères disjonctifs[3] selon lesquels un juge peut déclarer à haut risque un accusé de dix‑huit ans ou plus qui a fait l’objet d’un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux en lien avec une infraction grave contre la personne :

a) il est convaincu qu’il y a une probabilité marquée que l’accusé usera de violence de façon qu’il pourrait mettre en danger la vie ou la sécurité d’une autre personne;

b) il est d’avis que les actes à l’origine de l’infraction étaient d’une nature si brutale qu’il y a un risque de préjudice grave — physique ou psychologique — pour une autre personne.

[5]         Ce régime de déclaration qu’un accusé est à haut risque a été décrit et analysé en 2022 par notre Cour dans l’arrêt Lafrenière c. R.[4]. J’en reprends les traits essentiels. Il s’agit d’un régime d’exception puisque le droit criminel, par l’intervention des tribunaux judiciaires, conserve son emprise sur un accusé qui a été déclaré non criminellement responsable d’un crime grave[5]. La déclaration en cause comporte des modalités de détention qui sont plus restrictives que celles qui peuvent être ordonnées par la Commission d’examen des troubles mentaux[6].

[6]         En effet, en application du paragraphe 672.64(3) du Code criminel, le tribunal qui déclare un accusé à haut risque ordonne sa détention dans un hôpital et ses sorties éventuelles doivent être strictement encadrées. Il ne peut séjourner à l’extérieur que si le responsable de l’hôpital considère que la sortie est appropriée pour des raisons médicales ou pour son traitement, pour autant que l’accusé soit escorté et qu’un projet structuré ait été établi pour mitiger les risques, que la sortie ne présente pas un risque inacceptable pour le public.

[7]         L’objectif prépondérant visé par le régime de déclaration établi à l’article 672.64 du Code criminel est d’assurer la protection du public contre des personnes qui ont été reconnues non criminellement responsables et qui sont considérées comme très dangereuses, sur la base d’une évaluation des risques[7]. À cet égard, l’alinéa 672.64(1)a) du Code criminel requiert la preuve d’une « probabilité marquée » d’usage ultérieur de violence par l’accusé pouvant mettre en danger la vie ou la sécurité d’autrui. Il s’agit d’un risque élevé et substantiel[8]. Le danger à la vie ou à la sécurité d’autrui cible un préjudice sérieux[9]Le tribunal doit évaluer la dangerosité dans un contexte où l’accusé ne serait plus soumis à des contraintes externes[10]. La probabilité marquée doit être démontrée par le ministère public selon la prépondérance des probabilités[11]

[8]         L’alinéa 672.64(1)b) du Code criminel prévoit une seconde voie permettant de déclarer un accusé à haut risque[12]. L’alinéa 672.64(1)b) se concentre plutôt sur les circonstances du crime[13], à savoir la brutalité des gestes, et requiert une preuve de risque moins élevé que l’alinéa 672.64(1)a)[14]. Il s’agit de déterminer si, compte tenu de la brutalité[15] des gestes délictueux de l’accusé et des facteurs énoncés au paragraphe 672.64(2) du Code criminel, il existe un risque réel, non pas hypothétique, plus que « minime » ou « minuscule »[16], que celui-ci commette à nouveau une violence qui causera des dommages physiques ou psychologiques graves à une autre personne[17].

[9]         Même si la violence et la brutalité du crime ne suffisent pas pour fonder une déclaration qu’un accusé est un accusé à haut risque[18], dans l’application de ce critère, ces facteurs sont centraux à l’analyse. Encore une fois, cette évaluation doit être faite dans la perspective où l’accusé ne serait pas soumis à des contraintes en milieu hospitalier sécurisé. La brutalité des gestes délictueux réfère à des comportements hors normes, cruels, sauvages et inhumains[19]. Les caractéristiques de la « brutalité » d’un comportement comprennent : la gratuité des gestes, le fait que l’attaque a ciblé une personne parfaitement inconnue, le fait que le geste ne découlait d’aucune provocation, le fait que la violence était non nécessaire et prolongée, alors que la victime n’était plus en mesure de se défendre[20]. Tous ces éléments sont des indices importants d’imprévisibilité et de dangerosité éventuelle de l’accusé[21].

[10]      Pour décider s’il déclare ou non un accusé à haut risque[22], selon le paragraphe 672.64(2) du Code criminel, le tribunal prend en compte tout élément de preuve pertinent, notamment : a) la nature et les circonstances de l’infraction; b) la répétition d’actes comme celui qui est à l’origine de l’infraction; c) l’état mental actuel de l’accusé; d) les traitements suivis et à venir de l’accusé et la volonté de celui-ci de les suivre; e) l’avis des experts qui l’ont examiné. Ces éléments ne sont pas des prérequis à une déclaration qu’il est un accusé à haut risque et ne sont pas exhaustifs non plus[23]. Ce régime de déclaration d’un accusé à haut risque a donc une importante composante discrétionnaire[24].

[11]      Il est important de préciser que la déclaration à l’effet qu’une personne est un accusé à haut risque n’est pas un verrou qui la condamne à une détention indéfinie. L’accusé continue d’être évalué par la Commission d’examen des troubles mentaux.

[12]      En application de l’article 672.84 du Code criminel, si la Commission d’examen est convaincue, au terme d’une audience, qu’il n’y a pas de probabilité marquée que la personne déclarée accusée à haut risque usera de violence de façon à mettre en danger la vie ou la sécurité d’une autre personne, elle est tenue de renvoyer l’affaire à la cour supérieure de juridiction criminelle pour révision de la déclaration. Ce mécanisme s’applique que l’accusé ait été déclaré à haut risque en application de l’alinéa 672.64(1)a) ou de l’alinéa 672.64(1)b). Selon le paragraphe 672.84(3) du Code criminel, la cour supérieure de juridiction criminelle révoque la déclaration si elle est convaincue qu’il n’y a pas de probabilité marquée que l’accusé fera usage de violence de façon à mettre en danger la vie ou la sécurité d’une autre personne. La personne visée retombe alors sous la juridiction de la Commission d’examen des troubles mentaux.

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