samedi 2 octobre 2010

Le délai acceptable pour la police d'apprendre les développements jurisprudentiels relatifs à l'exercice de leurs fonctions

R. c. Kokesch, [1990] 3 R.C.S. 3

Je ne veux pas que l'on pense que j'impose à la police l'obligation d'interpréter instantanément les décisions judiciaires. La question du délai qui devrait être alloué après un jugement pour que la police soit censée avoir pris connaissance de son contenu, aux fins de déterminer sa bonne foi, est une question intéressante, mais elle ne se pose pas en l'espèce. La police a bénéficié d'un peu plus de douze ans pour étudier l'arrêt Eccles, d'un peu moins de six ans pour examiner l'arrêt Colet, et d'un peu plus de deux ans pour comprendre l'exigence du mandat énoncée dans l'arrêt Hunter. Tout doute qu'elle aurait pu avoir quant à sa capacité de commettre une intrusion en l'absence d'un pouvoir expressément prévu par la loi à cette fin était manifestement déraisonnable et ne saurait, en droit, être invoqué pour justifier sa bonne foi aux fins du par. 24(2).

Il y a, à mon avis, toute la différence du monde entre la conduite policière qui est censée être de bonne foi en l'espèce et la conduite policière acceptée par notre Cour dans les arrêts R. c. Sieben, 1987 CanLII 85 (C.S.C.), [1987] 1 R.C.S. 295; R. c. Hamill, 1987 CanLII 86 (C.S.C.), [1987] 1 R.C.S. 301; R. c. Duarte, 1990 CanLII 150 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 30; et R. c. Wiggins, 1990 CanLII 151 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 62. Dans chacun de ces cas, la police a agi conformément à un pouvoir expressément prévu par la loi qui légitimait la perquisition effectuée. Elle a le droit, et même l'obligation, de présumer que les pouvoirs de perquisition qui lui sont conférés par le Parlement sont constitutionnels, et d'agir en conséquence. On ne peut pas s'attendre à ce que la police prédise le résultat des contestations judiciaires en vertu de la Charte de pouvoirs de perquisition qui lui sont conférés par la loi, et le succès de la contestation d'un tel pouvoir n'enlève rien à la bonne foi des policiers qui ont effectué une perquisition en vertu de ce pouvoir. Mais, lorsque les pouvoirs de la police sont déjà limités par une loi ou par des décisions judiciaires, il n'est pas loisible à un agent de police de tester ces limites en n'en tenant pas compte et en prétendant par la suite avoir été "dans l'exercice de ses fonctions". Cette excuse ne peut plus être invoquée depuis au moins la décision de notre Cour dans l'arrêt Colet (voir le juge Ritchie à la p. 9).

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