lundi 27 janvier 2014

La mise en garde policière & la notion du caractère volontaire de la déclaration



31                              Par conséquent, la notion du caractère volontaire est générale et englobe depuis longtemps le principe de common law voulant que nul ne soit tenu de donner des renseignements à la police ou de répondre à ses questions.  Cet aspect de la règle du caractère volontaire ressort de la mise en garde policière que reçoivent habituellement les suspects et de l’importance accordée (même avant l’avènement de la Charte) à l’existence d’une mise en garde en tant que facteur à considérer pour déterminer le caractère volontaire d’une déclaration faite par une personne arrêtée ou détenue : voir les arrêts Boudreau c. The King1949 CanLII 26 (SCC), [1949] R.C.S. 262; R. c. Fitton1956 CanLII 28 (SCC), [1956] R.C.S. 958; R. c. Esposito 1985 CanLII 118 (ON CA), (1985), 24 C.C.C. (3d) 88 (C.A. Ont.).  La mise en garde policière faite à une personne accusée d’une infraction revêt souvent la forme suivante : [TRADUCTION] « Vous êtes accusé[e] de [. . .]  Souhaitez‑vous déclarer quelque chose en réponse à cette accusation?  Vous n’êtes pas obligé(e) de dire quoi que ce soit, mais tout ce que vous direz pourra servir de preuve. »  La mise en garde policière informe donc clairement le suspect de son droit de garder le silence.  Dès 1949, dans l’arrêt Boudreau, notre Cour en a souligné l’importance en tant que facteur à considérer pour trancher la question du caractère volontaire :

[TRADUCTION]  Il s’agit essentiellement de savoir si la confession d’un accusé produite en preuve est volontaire.  La simple existence d’une mise en garde ne fait pas nécessairement pencher la balance en faveur de l’admissibilité, mais l’absence de mise en garde ne devrait pas non plus avoir pour effet d’obliger la cour à écarter une déclaration.  La cour doit examiner toutes les circonstances ayant entouré une déclaration et si, après cet examen, elle n’est pas convaincue du caractère volontaire de l’aveu qu’elle constitue, la déclaration sera rejetée.  L’existence ou l’absence d’une mise en garde est donc un facteur à considérer, qui, dans bien des cas, est important.  [Je souligne; p. 267.]



32                              Bien que la règle des confessions s’applique peu importe que le suspect soit détenu ou non, la common law reconnaissait, là encore bien avant l’avènement de la Charte, que la situation du suspect est très différente après sa mise en détention.  (Comme nous le verrons, la protection résiduelle accordée au droit de garder le silence par l’art. 7 de la Charte n’entre en jeu qu’après la mise en détention.)  Après la mise en détention, les autorités de l’État ont la situation en main et le détenu, qui ne peut pas simplement s’esquiver, se trouve dans une position plus vulnérable.  Le risque d’abus de pouvoir de la part des policiers est plus élevé.  Le seul fait d’être détenu peut avoir un effet important sur le suspect et l’amener à se sentir contraint de faire une déclaration.  L’importance de réaffirmer le droit de l’individu de choisir de parler ou non aux autorités après sa mise en détention se reflète dans la jurisprudence relative au moment où doit être faite la mise en garde policière.  Dans son ouvrage intitulé Admissibility of Statements (9e éd. (feuilles mobiles)), p. 2‑24.2 et 2‑24.3, René Marin propose à cet égard aux policiers un critère utile :

[TRADUCTION]  La mise en garde devrait être faite lorsqu’il existe des motifs raisonnables de soupçonner que la personne interrogée a commis une infraction.  Pour déterminer selon un critère simple à quel moment il faut la faire, le policier peut se demander ce qu’il ferait si la personne tentait de quitter la salle d’interrogatoire ou de lui fausser compagnie pendant une communication ou un échange.  Si la réponse est qu’il procéderait à l’arrestation (ou à la mise en détention) de cette personne, il y a alors lieu de faire la mise en garde.



33                              Il s’agit là d’un conseil judicieux.  Même si le suspect n’est pas officiellement en état d’arrestation et qu’il n’est manifestement pas détenu, la mise en garde policière est indiquée dans les circonstances décrites par Marin.  Il va sans dire que, depuis l’avènement de la Charte, le droit à l’assistance d’un avocat garanti par l’art. 10 entre en jeu dès l’arrestation ou la mise en détention.  Il s’agit à la fois du droit de consulter un avocat et de celui d’être informé de ce droit.  Il vise à garantir que les personnes soumises au pouvoir coercitif de l’État connaissent leur droit de recourir à l’assistance d’un avocat et aient la possibilité de l’exercer, de manière à pouvoir faire un choix éclairé quant à savoir si elles participeront ou non à l’enquête dont elles sont l’objet.  Par conséquent, si le détenu a exercé le droit à l’assistance d’un avocat que lui garantit l’art. 10, il aura vraisemblablement été informé de son droit de garder le silence, et l’importance globale de la mise en garde peut se trouver quelque peu réduite.  Toutefois, si le suspect n’a pas consulté un avocat, la mise en garde policière devient d’autant plus importante en tant que facteur à considérer pour répondre à la question du caractère volontaire qui se pose en dernière analyse.

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