mercredi 16 août 2017

Comment la question du verdict déraisonnable est traitée par une cour d’appel

Savard c. R., 2016 QCCA 380 (CanLII)

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[26]        Le sous-alinéa 686(1)a)(i) C.cr. prévoit qu’une cour d’appel peut admettre l’appel si le verdict de culpabilité est déraisonnable ou ne trouve pas appui dans la preuve. La Cour suprême, dans l’arrêt Corbett c. R. précise le sens qu’il faut donner à cette disposition :
[…] Comme on l’a déjà signalé, la question est de savoir si le verdict est déraisonnable, non s’il est injustifié. Le rôle de la Cour n’est pas de se substituer au jury mais de décider si le verdict est l’un de ceux qu’un jury qui a reçu les directives appropriées et qui agit d’une manière judiciaire aurait pu raisonnablement rendre.
[Je souligne]
[27]        Lorsque la question du verdict déraisonnable est posée à une cour d’appel, la juge Charron explique, dans l’arrêt R. c. Sinclair, que l’examen doit se faire en deux étapes lorsque la décision est rendue par un juge seul. Celles-ci sont exposées par l’auteur Tristan Desjardins de la façon suivante :
386. À l’occasion de ce même arrêt, la juge Charron a proposé une méthode pour procéder à l’examen que requiert le sous-alinéa 686(1)a)(i) du Code criminel. Ce faisant, elle a suggéré l’application dans un premier temps du traditionnel critère issu des arrêts Yebes et Biniaris. Une cour d’appel appliquant ce critère devra, lors de la première étape, se poser la question suivante : «le verdict est-il l’un de ceux qu’un jury ayant reçu des directives appropriées et agissant d’une manière judiciaire aurait pu raisonnablement rendre au vu de l’ensemble de la preuve?» Si la réponse est positive, il faut passer à l’étape suivante en présence d’une décision rendue par un juge seul. Dans le cas contraire, le tribunal siégeant en appel doit accueillir le pourvoi et conclure à l’acquittement.
387. La deuxième étape de cette méthode consiste en l’application du critère de l’arrêt BeaudryAinsi, quoique le tribunal d’appel soit d’avis que le verdict puisse reposer sur la preuve, il doit examiner le caractère raisonnable de la décision rendue en première instance. Cette analyse s’effectue en évaluant les conclusions de fait et inférences tirées par le juge du procès. Pour intervenir, le tribunal d’appel qui s’adonne à cet examen doit conclure à la présence d’une erreur qui vicie le raisonnement ayant mené au verdict de culpabilité ou d’une «erreur véritable» provoquant une erreur judiciaire au sens du sous-alinéa 686(1)a)(iii). Lorsque le tribunal d’appel, au terme de son analyse, en arrive à la conclusion que le raisonnement emprunté en première instance est irrationnel ou incompatible avec la preuve au point de vicier la décision rendue, son intervention est justifiée.
[Je souligne – Références omises]
[28]        Par ailleurs, bien que le caractère raisonnable d’un verdict soit une question de droit, l’appréciation de la crédibilité des témoins demeure une question de fait. Lorsqu’une cour d’appel revoit celle-ci, pour établir si le verdict est déraisonnable, elle ne peut l’écarter que s’il est établi qu’elle ne peut s’appuyer sur quelque interprétation raisonnable que ce soit de la preuve. La juge Deschamps, dans l’arrêt R. c. R.P., mentionne ceci :
[10]      Si le caractère raisonnable d’un verdict est une question de droit, l’appréciation de la crédibilité des témoins constitue elle une question de faits. L’appréciation de la crédibilité faite en première instance, lorsqu’elle est revue par une cour d’appel afin notamment de déterminer si le verdict est raisonnable, ne peut être écartée que s’il est établi que celle-ci « ne peut pas s’appuyer sur quelque interprétation raisonnable que ce soit de la preuve » (R. c. Burke1996 CanLII 229 (CSC)[1996] 1 R.C.S. 474, par. 7).
[29]        En l’espèce, l’appréciation de la crédibilité des témoins est au centre de la décision du juge. La Cour doit donc faire preuve d’une grande déférence à cet égard. Dans l’arrêt R. c. Gagnon, les juges Bastarache et Abella écrivent :
   Apprécier la crédibilité ne relève pas de la science exacte. Il est très difficile pour le juge de première instance de décrire avec précision l’enchevêtrement complexe des impressions qui se dégagent de l’observation et de l’audition des témoins, ainsi que des efforts de conciliation des différentes versions des faits. C’est pourquoi notre Cour a statué — la dernière fois dans l’arrêt H.L. — qu’il fallait respecter les perceptions du juge de première instance, sauf erreur manifeste et dominante.

La Cour d’appel vient de confirmer que le défendeur doit être sous la surveillance continue des policiers au moins 20 minutes avant l’administration des tests afin de s’assurer d’être en mesure de faire la preuve que rien n’est intervenu avant l’administration des alcootests pouvant ainsi être faussés

Cyr-Langlois c. R., 2017 QCCA 1033 (CanLII)

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[64]        Or, en l'espèce, l'agent Boissonneault explique que l'utilisation correcte de l'appareil exige d'observer le sujet de l'analyse pendant 15 à 20 minutes avant de prélever un échantillon de son haleine afin d'écarter la possibilité que la présence d'alcool résiduel dans sa bouche vienne fausser les résultats de l'analyse. Cette façon de faire est conforme à ce qu'on lui a enseigné et à ce que recommande le Comité des analyses d'alcool (sous l'égide de la Société canadienne des sciences judiciaires), recommandations dont la juge Deschamps écrit dans St-Onge Lamoureux « [qu'elles] font bien ressortir les circonstances qui pourraient expliquer un mauvais fonctionnement ou une utilisation incorrecte de l'appareil ».
[65]        L'agent Boissonneault précise que la tâche d'observer l'appelant revenait ici à son collègue, l'agent Cousineau, puisque lui devait préparer l'appareil. Or, l'agent Cousineau n'a pas témoigné et l'agent Boissonneault était incapable, en toute franchise, de dire précisément comment l'observation de l'appelant par son collègue s'était déroulée.
[66]        Le juge du procès a conclu qu'il s'agissait là d'une preuve « tendant à démontrer » une utilisation incorrecte de l'appareil, suffisamment sérieuse, à son avis, pour mettre en doute la fiabilité des résultats. Il s'agit d'une appréciation de la preuve qui se défend et qui mérite déférence en appel.

La croyance d'un policier quant à l'acquisition de motifs raisonnables peut se fonder sur des renseignements reçus de tiers

Houle c. R., 2014 QCCS 222 (CanLII)

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[19]      Je ne crois pas que, subjectivement, ayant pris la décision de demander un échantillon de sang, la policière ait eu quelque doute sur l'existence de motifs raisonnables. La véritable question demeure de savoir si cette croyance subjective pouvait reposer objectivement sur les faits. Cela dit, même s'il avait été préférable que la policière témoigne explicitement sur ses motifs subjectifs, la Cour d’appel de l’Ontario a indiqué que l’existence du critère subjectif peut parfois s’inférer. Tel est le cas ici.
[20]      Quant au caractère objectif des motifs, le juge doit considérer l'ensemble des circonstances, chaque fait s'influençant l'un l'autre pour former un portrait global de la situation et de l'infraction pour laquelle le policier intervient. Il ne fait pas de doute que la croyance d'un policier peut se fonder sur des renseignements reçus de tiers. Il ne fait pas de doute non plus que la conduite automobile anormale et les circonstances d'un accident sont des éléments pertinents.
[21]      Cela dit, les motifs d'arrestation ne sont pas un gage d'une poursuite réussie devant les tribunaux. Par conséquent, le policier n’a pas à se convaincre d’une preuve prima facie de la culpabilité du suspect; c’est un seuil trop élevé. Rappelons qu’à la base, une infraction à l'article 253 du Code criminel requiert la preuve de l'influence minimale de l'alcool sur les capacités de conduire une automobile.

Définition de ce que constitue la preuve dérivée

R. c. Stillman, [1997] 1 RCS 607, 1997 CanLII 384 (CSC)

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99               La «preuve dérivée» constitue une sous‑catégorie de la preuve obtenue en mobilisant l’accusé contre lui-même.  C’est une expression qui est souvent utilisée pour désigner ce qui constitue essentiellement une preuve «matérielle» obtenue en mobilisant l’accusé contre lui-même.  Elle implique une violation de la Charte qui permet de mobiliser l’accusé contre lui‑même (habituellement sous la forme d’une déclaration incriminante), et d’aboutir ensuite à la découverte d’un élément de preuve matérielle.  En d’autres termes, la déclaration obtenue illégalement de l’accusé en le mobilisant contre lui-même est la cause nécessaire de la découverte de la preuve matérielle.