samedi 17 février 2018

Comment apprécier des paroles à savoir si celles-ci constituent des menaces

Dallaire c. R., 2013 QCCA 83 (CanLII)

Lien vers la décision

[55]        Dans son témoignage, la plaignante explique que l'appelant est devenu furieux quand il a appris qu'elle l'avait trompé.   En plus de l'insulter et de l'empêcher de sortir de la maison, il a dit :  « C'est qui, lui [Furtif]?   C'est quoi, ça?  Je vais le tuer, je vais le battre.   C'est qui, Furtif?   C'est qui Untel?   Pourquoi tu m'as fait ça?   Je le savais.   T'es une pourrie, une pute, une salope, je le savais. »
[56]        L'appelant plaide l'absence de valeur probante de ces paroles rapportées par la plaignante.   Il soutient qu'elles ne peuvent pas constituer objectivement des menaces puisqu'elles ont été prononcées de façon irréfléchie, sous le coup de la colère.
[57]        Qu'en est-il?
[58]        L'article 264.1 C.cr. vise à assurer une protection contre la crainte et l'intimidation; il importe donc peu que la menace soit mise à exécution ou non[.
[59]        L'actus reus de cette infraction consiste à proférer des menaces de mort ou de blessures graves.
[60]        La mens rea de l'infraction, c'est « l'intention de faire en sorte que les paroles prononcées ou les mots écrits soient perçus comme une menace de causer la mort ou des blessures graves, c'est-à-dire comme visant à intimider ou à être pris au sérieux ». Il n'est pas nécessaire que la victime visée soit au courant de la menace; cela ne constitue pas un élément essentiel de l'infraction. Quant à l'identité de la victime, elle n'a pas nécessairement à être identifiée, mais il suffit qu'elle soit identifiable.
[61]        Dans l'arrêt Clemente, la Cour suprême explique qu'il faut tenir compte des circonstances dans lesquelles les paroles s'inscrivent, de la manière dont elles ont été prononcées et de la personne à qui elles étaient destinées.
[62]        En l'espèce, le juge de première instance a conclu que les paroles prononcées à l'endroit de « Furtif » constituaient des menaces.
[63]        Il est vrai que ces paroles pouvaient avoir pour objectif d'extérioriser la frustration plutôt qu'à intimider ou à être prises au sérieux.  Cependant, si l'on considère l'ensemble de la conversation rapportée par la plaignante, qui comprenait également des insultes et des injures à son égard, ainsi que le fait que l'accusé tentait à ce moment de l'empêcher de quitter sa maison, je comprends le juge d'avoir conclu que ces paroles constituaient des menaces.  Il n'y a donc pas lieu d'intervenir sur cette question.  Il n'y a pas d'erreur.

Comment apprécier l’intention de provoquer la peur en regard de l'infraction prévue à 423.1 Ccr?

R. v. Bergeron, 2015 BCCA 177 (CanLII)

Lien vers la décision

[23]        In order to determine what the natural and probable consequences of Mr. Bergeron’s act would be, it was necessary for the trial judge to view the circumstances objectively.  All the judge was saying in para. 47 was that it was a natural and probable consequence of an act of revenge that the victim’s behaviour would likely be affected by it in the future.  The judge did not stop his analysis there.  He went on, in para. 48, to draw the inference that Mr. Bergeron did intend to impede Mr. Schmeisser in the performance of his duties.  In doing so, he considered the circumstances of the attack, including Mr. Bergeron’s anger.  The judge found that Mr. Bergeron had the required subjective intent, and he did not err in doing so.

[24]        Mr. Bergeron relies on the Treleaven decision, and says the trial judge incorrectly chose not to follow it on the same basis as he chose not to follow Cluney and Noble.  In Treleaven, it was alleged that Mr. Treleaven and another accused assaulted a witness in order to discourage the witness from testifying in an upcoming trial.  The assault took place in a washroom during a party, and Mr. Treleaven testified he was feeling ill, went in the washroom, and pushed the complainant out of the way so that he could throw up.
[25]        After dismissing the bulk of Mr. Treleaven’s evidence, Mr. Justice Shaw referred to the decisions in Cluney and Noble, in which the trial judges appeared to equate purpose or motive with intent.  He then referred to the holding in Armstrong that the words “in order to impede” in s. 423.1 were equivalent to the phrase “with intent to [impede]”.  Mr. Justice Shaw then expressed the view that CluneyNoble and Armstrong were consistent, and that they all stood for the proposition that the Crown must prove beyond a reasonable doubt that, among other things, the accused “provoked a state of fear in order to, that is, with the intent to impede [the justice system participant] in the performance of his duties”.  He concluded the Crown had not proven beyond a reasonable doubt that the accused provoked a state of fear in the witness in order to, or with the intent to, impede the witness in the performance of his duties as a justice system participant because a rational inference could be drawn from the evidence that the accused attacked the witness because he was angry the witness had informed on their mutual friend.
[26]        What the trial judge in the present case said about these cases was as follows:
[34]            In my view, the case of R. v. Armstrongsupra, adopts a different approach from that taken by the courts in TreleavenCluney, and Noble.  In Armstrongsupra, the court relies on Chartrandsupra, to distinguish between the purpose or motive underlying an act, on the one hand, and the intent, on the other.  In each of CluneyTreleaven, and Noble, the courts appear to require proof beyond a reasonable doubt of the underlying purpose of the impugned conduct rather than the accompanying intent.
[27]        I agree with the trial judge that, similar to the judges in Cluney and Noble, Shaw J. in Treleaven did focus on the underlying purpose of the attack rather than on determining the intent of the accused.  Although Shaw J. used the words “with the intent to” and referred to foreseeable consequences when dealing with the required intent to provoke fear, his conclusion that there existed a rational inference other than that the accused intended to impede the witness in the performance of his duties was expressed in terms of the purpose or motive (i.e., “because he was angry”), not in terms of the accused foreseeing the consequences of his actions.
[28]        Mr. Bergeron maintains that, similar to Treleaven, there was another rational inference other than that he foresaw his actions were certain or substantially certain to impede Mr. Schmeisser in the performance of his duties.  The judge found his underlying purpose was to take out his anger on a justice system participant, and Mr. Bergeron says the other rational inference is that his rage at the time clouded his foresight.  However, he did not testify at trial to that effect, and it is my view the judge is entitled to deference with respect to the inference he drew, after considering Mr. Bergeron’s anger, that he nevertheless foresaw the consequence that Mr. Schmeisser would be substantially certain to be impeded in the performance of his duties.

Les éléments constitutifs de l'infraction d'intimidation d'une personne associée au système judiciaire de façon répétée, dans l’intention de provoquer chez elle la peur en vue de lui nuire dans l'exercice de ses attributions

Trottier c. R., 2013 QCCA 760 (CanLII)


[4]           Pour déterminer si l'appelant a commis l'infraction, l'intimée devait établir qu'il a suivi une personne associée au système judiciaire de façon répétée, et ce, dans le but de provoquer la peur et de nuire à l'exercice de ses attributions. La preuve présentée lors du procès était essentiellement testimoniale et contradictoire. Le juge a trouvé les explications de l'appelant invraisemblables et la preuve en défense n'a soulevé aucun doute raisonnable. Le juge a par ailleurs conclu que l'intimée s'était acquittée de son fardeau d'établir la culpabilité de l'appelant hors de tout doute raisonnable.
[5]           Sur la question d'avoir suivi de façon répétée la victime, le policier Éric Savoie, la preuve révèle plusieurs événements impliquant l'appelant. Il s'est arrêté à 5 reprises devant la maison où habite le policier Savoie. Le juge ne fait d'ailleurs pas erreur en mentionnant qu'elle est située dans un secteur cul-de-sac. En effet, on ne peut traverser ce quartier résidentiel pour atteindre un autre quartier. Pour visiter ses amis à cet endroit, l'appelant n'avait pas à se rendre près de la résidence du policier Savoie. On ne retrouve aucun chemin menant à l'extérieur du quartier dans ce secteur. Quant à la portée de chiots que l'appelant souhaitait retrouver, son témoignage à cet égard est peu crédible. Il croyait pouvoir les repérer sans savoir dans quelle résidence ils se trouvaient. Le juge n'a pas retenu les explications données par l'appelant et sa conjointe sur les raisons de leur présence à plusieurs reprises en face de la résidence du policier Savoie. Il a considéré que l'intimée avait établi l'actus reus de l'infraction.
[6]           La Cour est d'avis que le juge n'a pas commis d'erreur révisable sur cette question.
[7]           Quant à l'intention spécifique de provoquer la peur en vue de nuire à l'exercice des attributions du policier Savoie, le juge a considéré qu'elle a été démontrée.  Il ressort de la preuve que le policier Savoie a enquêté, à partir de novembre 2011, dans des dossiers concernant l'appelant. Ces dossiers se sont terminés par des acquittements le 6 juin 2011 et le 6 janvier 2012. Le juge a retenu que le policier Savoie a eu peur de l'appelant. Il le connaissait. Son désarroi a d'ailleurs été constaté par un collègue. À une autre occasion, il a confié son téléphone portable à sa conjointe avant de se diriger vers la voiture de l'appelant et il lui a demandé d'appeler le 911 au besoin.
[8]           Le juge n'a donc pas commis d'erreur non plus à cet égard.