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jeudi 22 juillet 2010

Comment traiter un long délai entre l'arrestation et l'ordre de fournir les échantillons d’haleine? La notion du «dès que possible» prévue aux articles 254(3) et 258(1)c) C.cr.

R. c. Auclair, 2008 QCCQ 6638 (CanLII)

12. Il s’est écoulé un délai d’une heure et 22 minutes entre l’arrestation de l’accusé et l’ordre de fournir un échantillon d’haleine.

13. Ce délai est inexpliqué. Ce délai est-il justifiable eu égard à toutes les circonstances?

14. La Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt R. c. Squires 2002 CanLII 44982 (ON C.A.), 2002 CANLII 44982 (ON C.A.), (2002) 166 C.C.C. (3d) 65, rappelle que l’expression “as soon as practicable” a été interprétée comme voulant dire “within a reasonably prompt time” et non “as soon as possible”. Donc, la jurisprudence n’exige pas que l’ordre soit donné le plus tôt possible, mais bien dans un délai relativement court ou «dès que possible» eu égard aux circonstances.

15. Par conséquent, l’agent de la paix doit sommer une personne en état d’arrestation de lui fournir un échantillon d’haleine immédiatement ou dès que cela est raisonnablement possible eu égard aux circonstances, et ce, après qu’il ait acquis des motifs raisonnables et probables de croire que cette personne a commis au cours des trois heures précédentes une infraction à l’article 253 du Code criminel.

16. Ainsi, dans l’arrêt Squires, précité, un délai de 59 minutes entre l’arrestation et la sommation a été jugé raisonnable, car le policier était justifié d’attendre que l’accusé ait subi des examens médicaux à la suite d’un accident.

17. De plus, pour que la présomption d’identité prévue à l’art. 258(1)c) C. cr. puisse s’appliquer, il faut également que les échantillons d’haleine soient fournis «dès que possible» (art. 254(3) C. cr.) et que le premier échantillon soit prélevé pas plus de deux heures après le moment où l’infraction aurait été commise.

18. La poursuite doit démontrer que ce délai est raisonnable dans les circonstances. Or, nulle part dans la preuve, le policier n’indique les raisons qui l’ont amené à sommer l’accusé de fournir un échantillon d’haleine qu’une fois rendu devant l’appareil d’ivressomètre.

19. Les raisons invoquées par la poursuite m’apparaissent insuffisantes pour justifier un tel retard. Même si le policier devait attendre la venue d’un appareil pour prendre des photos des marques sur le véhicule de l’accusé ou que d’autres policiers aient à obtenir des déclarations de témoins, rien n’empêchait l’agent Ricard de sommer l’accusé conformément à l’art. 254(3) in fine C. cr., de le suivre au poste de police afin de prélever un échantillon d’haleine.

20. La Cour considère que l’ordre de fournir un échantillon d’haleine donné 1 heure 22 minutes après l’arrestation de l’accusé ne l’a pas été dans un délai relativement court ou «dès que possible» eu égard à toutes les circonstances de l’affaire.

21. EN CONSÉQUENCE, la poursuite perd le bénéfice de la présomption d’identité édictée par l’art. 258(1)c) du Code criminel. La Cour ne peut donc tenir compte des résultats mentionnés au certificat du technicien qualifié déposé en preuve.

L'article 9 de la Charte n'oblige pas les policiers à s'abstenir d'interagir avec les membres du public tant qu'ils n'ont pas de motifs précis permettant de rattacher une personne à la perpétration d'un crime

R. c. Dault / 2010 QCCA 986 / 500-10-004041-081 / Le 20 mai 2010

[32] Il est de jurisprudence bien établie que les policiers peuvent patrouiller pour assurer la paix et la sécurité, prévenir la commission d'infraction et venir en aide à un citoyen (R. c. Cotnoir, [2000] R.J.Q. 2488 (C.A.)). Il est aussi indéniable qu'en vertu de leurs pouvoirs généraux, les policiers peuvent interpeller des personnes et leur poser des questions dans le cadre d'une patrouille de routine. Comme l'écrivent la juge en chef du Canada et la juge Charron dans Grant, précité, au paragr. 38 :

L'article 9 de la Charte n'oblige pas les policiers à s'abstenir d'interagir avec les membres du public tant qu'ils n'ont pas de motifs précis permettant de rattacher une personne à la perpétration d'un crime.

[33] Bien entendu, les personnes interpellées n'ont aucune obligation de répondre et peuvent décider de s'en aller (Dedman c. R, [1985] 2 R.C.S. 2 ). Si rien n'oblige la personne interpellée à répondre, l'honnête citoyen préférera généralement collaborer plutôt que de continuer bêtement son chemin (Rice c. Connolly, [1966] 2 All ER 649, p. 652, arrêt cité avec approbation dans Grant, paragr. 37)).

[34] En l'espèce, les policiers n'avaient aucune infraction précise en tête et encore moins d'indices qu'un crime se préparait ou était en voie d'exécution. Ils voulaient tout simplement faire des vérifications à l'égard d'un véhicule immobilisé, qui avait attiré leur attention : le conducteur avait-il besoin d'aide? les passagers se livraient-ils à une activité illicite? le conducteur hésitait-il à mettre le véhicule en marche parce que ses facultés étaient affaiblies?

[35] Avec égards pour mes collègues et l'avocat de l'intimé, cela était tout à fait légal et soutenir le contraire revient à empêcher les policiers de faire leur travail de prévention et d'aide.

[36] Une fois légalement à proximité du véhicule de l'intimé, les policiers pouvaient en toute légalité faire des observations, visuelles et olfactives. Jusqu'à ce moment, aucune interception et encore moins détention n'a eu lieu. De même, il n'y a eu aucune fouille, perquisition ou saisie.

La différence entre les notions de crédibilité et de fiabilité

Sutton c. R. / 2010 QCCA 1356 / 200-10-002258-080 / 20 juillet 2010

[13] La juge de première instance a aussi pris le soin d’expliquer la différence entre les notions de crédibilité et de fiabilité en recourant à l'extrait suivant d’un texte dans lequel mon collègue le juge Doyon écrit :

La crédibilité se réfère à la personne et à ses caractéristiques, par exemple son honnêteté, qui peuvent se manifester dans son comportement. L'on parlera donc de la crédibilité du témoin.

La fiabilité se réfère plutôt à la valeur du récit relaté par le témoin. L'on parlera de la fiabilité de son témoignage, autrement dit d'un témoignage digne de confiance.

Ainsi, il est bien connu que le témoin crédible peut honnêtement croire que sa version des faits est véridique, alors qu'il n'en est rien et ce, tout simplement parce qu'il se trompe; la crédibilité du témoin ne rend donc pas nécessairement son récit fiable

mercredi 21 juillet 2010

Les éléments constitutifs de l’infraction d'appels téléphoniques harassants créée par l’article 372 (3)

R. c. Gamache, 2004 CanLII 56849 (QC C.Q.)

[30] Le Tribunal a pris connaissance d’une décision de la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick, qui a interprété l’article 372 (3) du Code criminel dans l’affaire Regina c. Sabine.

[32] À la page 211, le juge Stevenson fournit les éléments de l’infraction créée par l’article 372 (3) :

«a) The elements of the offence are : (a) the making of repeated telephone calls to a person, (b) absence of lawful excuse, and (c) an intent to harass.»

[33] Le terme anglais «harass» correspond en français à «harasser».

[34] Le juge Stevenson fournit la définition du terme «harass» et statut que son synonyme est «annoy», et je cite :

«Despite the use of different words in s-ss. (2) and (3) of s. 372 of the Criminal Code, it is my view that the word «harass» in s-s. (3) is synonymous with «annoy».

The respondent’s explanation to the police was not plausible. When one telephones for a particular person and someone else answers, the caller normally inquires for the person he wants to speak to or asks to leave a message. The repeated calls here give rise to an inference that the respondent intented to harass whoever was on duty at the security office.»

[35] Si on traduit en langue française, le mot «annoy» signifie:

Annoy : ennuyer (person), embêter : (stronger), agacer, énerver ; (by going against somebody’s wishes etc) contrarier.»

mardi 20 juillet 2010

Les facteurs d’analyse concernant le par. 24(2) de la Charte n’ont pas changé depuis l'arrêt Grant

R. c. Beaulieu, 2010 CSC 7

[7] Premièrement, comme la Cour l’a fait observer dans Grant, les facteurs d’analyse n’ont pas changé : « [b]ien qu’elles ne recoupent pas exactement les catégories élaborées dans Collins, ces questions visent les facteurs pertinents pour trancher une demande fondée sur le par. 24(2), tels qu’ils ont été formulés dans Collins et dans la jurisprudence subséquente » (par. 71, citant R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 256).

samedi 17 juillet 2010

Comment traiter le fait qu'un accusé doive, dans certaines circonstances, fournir deux échantillons d'haleine dans 2 alcooltest différents

R. c. Martin, 2000 CanLII 9414 (QC C.A.)

Considérant que la prétention de l'appelant consiste essentiellement à soutenir que dès lors que les analyses des échantillons prévues à la loi n'ont pas été faites sur le même alcootest, en bon état de fonctionnement, mais comme ici sur deux appareils, les résultats obtenus n'ont pas été recueillis conformément à la Loi;

Considérant que le juge de la Cour supérieure a conclu à cet égard que :

« Il ressort clairement que l'intimé ne peut se plaindre qu'on l'a privé d'un droit. Si le législateur a voulu que l'accusé soit soumis à deux tests d'ivressomètre c'est avant tout pour éviter que ne se produise une erreur. Le fait que les deux test soient passés avec des appareils différents, non seulement ne nuit pas aux garanties données à l'accusé, mais pourrait même accorder une protection additionnelle à l'accusé, deux appareils différents confirmant le même résultat. »

Considérant que le juge de la Cour supérieure a répondu à la question qui lui était soumise en interprétant correctement un texte clair et que cette interprétation ne mérite pas d'être questionnée devant cette Cour.

La légalité d'une intervention peut s'apprécier en fonction de trois grandes catégories de motifs

R. c. Legault, 1998 IIJCan 9510 (QC C.S.)

8 C'est dans cette optique que le qualificatif «arbitraire» utilisé à l'article 9 prend tout son sens. En effet tous reconnaissent que la Charte ne confère pas une immunité complète contre les arrestations ou la détention; elle assure plutôt qu'une personne ne sera pas importunée par les policiers sans raison valable. Afin d'appliquer ce critère, il faut analyser le fondement de l'intervention des policiers et se demander si, dans les circonstances, leur gestes étaient justifiés. À cette étape, il n'est pas tenu compte des résultats obtenus par les agents car les tribunaux ont refusé d'endosser une conduite sur cette seule base: une enquête ne devient pas légale parce que fructueuse.

9 Si ces principes semblent clairs, leur application constitue une source de tracas. C'est pourquoi il est nécessaire de recourir à la jurisprudence, où l'on dénombre une multitude de causes traitant du sujet. Toutes ces affaires examinent la légalité d'une intervention en fonction de trois grandes catégories de motifs. Ainsi, les policiers agissent:

1) en vertu d'une loi qui leur accorde le pouvoir d'intervenir pour lutter contre le crime commis par la personne interpeltée;

2) pour des motifs obliques, par intuition, ou pour des raisons ne justifiant pas, en elles-mêmes, une intervention;

3) pour des motifs valables autre que la prévention du crime observé au moment de l'intervention.

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Un dossier médical peut être déposé en vertu de l’article 30 de la Loi sur la preuve au Canada

R. c. Drouin, 2015 QCCS 6651  Lien vers la décision [ 8 ]             L’ article 30(1)  de la  Loi sur la preuve au Canada [3]  précise que ...