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vendredi 10 octobre 2014

L’infraction de harcèlement criminel comporte quatre éléments essentiels

Bédard c. R., 2014 QCCA 184 (CanLII)

Lien vers la décision

62]        Comme l’a rappelé la Cour dans Bertrand c. R., l’infraction de harcèlement criminel comporte quatre éléments essentiels :
1.         L’existence d’un comportement menaçant;
2.         L’effet du comportement menaçant;
3.         L’existence du harcèlement;
4.         La connaissance de l’effet du harcèlement.

Les actes d'accusation -- généralités

R. c. Douglas, [1991] 1 RCS 301, 1991 CanLII 81 (CSC)


Les arrêts de notre Cour permettent de dégager certains principes régissant les actes d'accusation dans leur ensemble.  Dans R. c. Côté1977 CanLII 1 (CSC), [1978] 1 R.C.S. 8, l'accusé avait été inculpé de l'infraction prévue au par. 235(2) du Code criminel, pour avoir omis de fournir un échantillon de son haleine.  La dénonciation ne contenait pas les mots "sans excuse raisonnable".  Cette omission n'avait suscité aucune objection et le moyen de défense de l'excuse raisonnable avait été invoqué et rejeté par le juge du procès.  Le juge de Grandpré, exprimant les motifs de six des huit juges présents, dit à la p. 13:

. . . la règle par excellence est que l'accusé doit être raisonnablement informé de l'infraction qu'on lui impute, pour lui donner ainsi la possibilité d'une défense complète et d'un procès équitable.  Lorsque, comme en l'espèce, la dénonciation énumère tous les faits et les relie à une infraction déterminée, identifiée par l'article pertinent du Code, il est impossible que l'accusé soit induit en erreur.  Admettre le contraire serait retourner au formalisme extrême de l'ancienne procédure.

               Dans l'affaire R. c. Wis Development Corp.1984 CanLII 140 (CSC), [1984] 1 R.C.S. 485, l'appelante avait refusé de fournir des détails aux intimés, qui étaient inculpés de l'infraction consistant à exploiter illégalement un service aérien commercial.  Les intimés avaient donc, avant le plaidoyer, demandé l'annulation de la dénonciation.  Le juge Lamer (maintenant Juge en chef), rédigeant les motifs de la Cour, a conclu que la dénonciation était incomplète parce que les mots "l'exploitation d'un "service aérien commercial"" pouvaient se rapporter à de nombreuses activités ou utilisations d'un aéronef au Canada.  Il dit, à la p. 493:

Dès qu'il est inculpé, le citoyen doit alors être traité équitablement.  Cela implique nécessairement qu'il doit être en mesure d'identifier clairement le méfait qu'on lui impute afin qu'il puisse préparer une défense adéquate . . .

               Dans R. v. Ryan (1985), reflex, 23 C.C.C. (3d) 1, la Cour d'appel de l'Ontario a examiné la question de savoir s'il faut préciser le moment et le lieu dans le cas d'une accusation de conduite en état de facultés affaiblies ou lorsque l'alcoolémie dépasse la limite fixée.  On a soutenu qu'à la lumière de l'arrêt Wis, précité, l'accusé avait droit à une description détaillée du moment et du lieu de l'infraction.  La Cour d'appel a estimé que l'arrêt Wis était fondé non pas sur l'omission de mentionner le moment ou le lieu de l'infraction, mais sur l'omission d'identifier l'acte précis qui constituait l'infraction.  On trouve le passage suivant à la p. 6:

               [TRADUCTION]  Le critère applicable est encore le même:  la dénonciation contient‑elle des détails suffisants pour renseigner raisonnablement le prévenu sur l'inculpation et pour identifier l'affaire mentionnée?  À notre avis, le genre de renseignements nécessaires pour satisfaire à cette exigence varie selon la nature de l'infraction imputée [. . .] Les détails requis à l'égard d'une inculpation "dépendent des circonstances" . . . [Je souligne.]

Les mêmes principes ont été examinés et appliqués dans Re Regina and R.I.C. (1986), reflex, 32 C.C.C. (3d) 399 (C.A. Ont.).  Le juge Krever dit, à la p. 403:

               [TRADUCTION]  Cette décision [R. v. Ryan] me semble établir nettement que l'arrêt WIS n'a pas pour effet de mettre en doute la justesse de cette règle générale, qu'expose Salhany dans son ouvrage Canadian Criminal Procedure, 4e éd. (1984), à la p. 214:

               La question de savoir si l'inculpation contient des détails suffisants pour renseigner raisonnablement l'accusé et pour identifier l'affaire mentionnée dépend des faits de l'espèce et de la nature de l'accusation.

               Compte tenu de cette proposition, je vais maintenant examiner les faits de l'espèce et la nature de l'accusation.  La nature de l'accusation revêt une importance particulière ‑‑ série d'agressions sexuelles perpétrées contre un enfant de neuf ans durant une longue période (six mois).  Il s'agit donc d'un cas où il serait vraisemblablement impossible, vu l'âge de la victime, de fournir des détails complets à l'égard, par exemple, des dates, et exiger qu'ils soient fournis rendrait extrêmement difficile la prévention d'un grave problème social.  [. . .] L'accusé a demandé [. . .] que des détails sur la dénonciation lui soient fournis. [. . .] Avant de demander des détails, il avait présenté son plaidoyer en réponse à l'inculpation.  Il avait déjà eu à ce moment‑là la permission de lire le mémoire du ministère public.  Le substitut du procureur général, en réplique, [. . .] a accepté de préciser qu'il s'appuyait sur 10 incidents distincts qui s'étaient produits entre le 31 mai 1984 et le 15 décembre 1984 . . . [Je souligne.]

               Il ressort de cette jurisprudence qu'un acte d'accusation est adéquat s'il contient des détails suffisants pour renseigner raisonnablement l'accusé sur l'accusation et pour identifier l'affaire mentionnée, de sorte qu'il est en mesure de bien préparer sa défense.  La question de savoir si l'acte d'accusation est suffisant dépend des faits de l'espèce et de la nature de l'accusation.  Il n'est pas nécessaire de préciser le moment exact à moins qu'il ne constitue un élément essentiel de l'infraction imputée et que l'inexactitude du moment indiqué n'induise l'accusé en erreur et ne lui porte préjudice.

               De même, on peut généralement affirmer que la preuve de l'infraction a été faite s'il a été établi qu'elle a été commise durant la période indiquée dans l'acte d'accusation.  Voir, par exemple, Container Materials Ltd. v. The King1942 CanLII 1 (SCC), [1942] R.C.S. 147, à la p. 159 et R. v. Hoffmann‑La Roche Ltd. (1980), 1980 CanLII 1615 (ON SC), 53 C.C.C. (2d) 1, à la p. 52, conf. par (1981), 1981 CanLII 1690 (ON CA), 62 C.C.C. (2d) 118 (C.A. Ont.).  Dans l'affaire Hoffmann, l'accusée était inculpée d'une infraction prévue par la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions, la vente d'articles à des prix déraisonnablement bas.  Aux pages 52 et 53, le juge Linden dit:

[TRADUCTION]  Je ne pense pas que la défense ait raison d'affirmer que le ministère public doit prouver en l'espèce que l'accusée a pratiqué des prix déraisonnablement bas de manière continue, pendant toute la période du 1er janvier 1968 au 30 novembre 1974.  L'acte d'accusation dit que l'infraction a été commise "entre" ces dates‑là et non qu'elle s'est poursuivie durant toute cette période.  Il suffit, à mon sens, de prouver que l'infraction a été commise à un moment de la période indiquée.  Je conclus que le ministère public y est parvenu en prouvant que de tels prix ont été pratiqués entre le 25 juin 1970 et le 30 juin 1971, période qui est nettement comprise entre les dates mentionnées.  [Je souligne.]

               Dans l'arrêt R. c. B. (G.)1990 CanLII 114 (CSC), [1990] 2 R.C.S. 30, aux pp. 44 et 45, le juge Wilson a exposé avec beaucoup de clarté les exigences qu'une dénonciation doit respecter:

               Il ressort de ces arrêts que ce qui constitue une dénonciation raisonnable ou adéquate relativement à l'acte ou à l'omission qui doit être établi contre l'accusé différera nécessairement d'une affaire à l'autre.  Les faits à la base de certaines infractions se prêtent à une description plus précise que dans le cas d'autres infractions.  De même, la nature et le caractère juridiques de l'infraction reprochée sont un facteur important dans toute appréciation du caractère raisonnable de la dénonciation.  Toutefois, il appert également qu'en général on n'annulera pas une dénonciation ou un acte d'accusation pour la simple raison que le moment exact de l'infraction n'est pas précisé.  La question sera plutôt entendue sur le fond.  Bien qu'il soit de toute évidence important de fournir à l'accusé suffisamment de renseignements pour lui permettre d'identifier l'infraction reprochée et de préparer sa défense, la précision du moment exact de cette infraction n'est habituellement pas nécessaire à cette fin.  Il va sans dire, évidemment, que le contraire peut être vrai dans certaines affaires.

Finalement, il faudra déterminer si l'acte d'accusation en cause respecte ces exigences.

Le principe applicable à l’examen d’un exposé au jury

Latortue c. R., 2014 QCCA 198 (CanLII)


[38]        La Cour suprême du Canada précise le principe applicable à l’examen d’un exposé au jury dans l’arrêt Hay :
[47]      Lors de l’examen d’un exposé fait au jury, « [u]ne cour d’appel doit examiner l’erreur alléguée dans le contexte de l’ensemble de l’exposé au jury et du déroulement général du procès »; R. c. Jaw2009 CSC 42 (CanLII), [2009] 3 R.C.S. 26, par. 32. Si, dans un exposé au jury, un passage contesté pris isolément peut amener à conclure qu’il renferme une erreur de droit, une cour d’appel n’interviendra pas s’il est évident, compte tenu de l’exposé complet, que le jury a reçu les directives appropriées; ibid., par. 3 et 24.
[48]      En outre, bien que des directives au jury inadéquates entraînent l’intervention des cours d’appel, le juge du procès doit jouir d’une certaine latitude sur la façon de donner ses directives; voir R. c. Avetysan2000 CSC 56 (CanLII), [2000] 2 R.C.S. 745, par. 9. Ainsi, le juge du procès n’est pas tenu de recourir à [traduction] « une formulation particulière » pour attirer l’attention du jury sur les faiblesses de la preuve par témoin oculaire; il faut, au contraire, lui accorder une latitude considérable dans le choix de la meilleure façon d’informer les jurés de ces faiblesses; Turnbull, p. 552; R. c. Candir2009 ONCA 915 (CanLII), 257 O.A.C. 119, par. 110.
[39]        La Cour a rappelé, récemment, d’autres principes relatifs à l’examen des directives données par le juge présidant un procès devant jury :
[35]      Il est acquis que ces directives doivent être évaluées d'un point de vue fonctionnel plutôt que littéral, c'est-à-dire que le tribunal d'appel doit procéder à « une analyse fonctionnelle des directives qui ont été données, et non pas [à] une analyse idéalisée des directives qui auraient pu être données ». Une cour d'appel doit aborder l'exposé dans son ensemble et dans le contexte du procès en vue de déterminer si les directives sont appropriées, et non pas parfaites, en ce qu'elles ont permis au jury de juger des faits conformément aux principes de droit applicables. La Cour suprême récapitule ces principes dans R. c. Daley :
[30]   En déterminant si le juge du procès a donné des directives adéquates sur ces éléments dans son exposé au jury, le tribunal d'appel ne doit pas oublier ce qui suit. La règle cardinale veut que ce qui importe soit le message général que les termes utilisés ont transmis au jury, selon toutes probabilités, et non de savoir si le juge a employé une formule particulière. Le choix des mots et l'ordre des différents éléments relèvent du pouvoir discrétionnaire du juge et dépendront des circonstances.
[31]   Pour établir le message général qui a vraisemblablement été transmis au jury par les termes utilisés, le tribunal d'appel considérera l'exposé dans son ensemble. Le juge du procès n'est pas tenu à la perfection dans la formulation de ses directives. L'accusé a droit à un jury qui a reçu des directives appropriées, et non des directives parfaites: voir Jacquard, par. 2. C'est l'effet global de l'exposé qui compte.
[36]      De plus, l'omission du procureur de la défense de soulever auprès du juge de première instance les passages des directives qu'il estime problématiques doit être prise en compte. Sans être déterminante, une telle omission est certes significative en ce qu'elle suggère que l'irrégularité reprochée n'est pas aussi grave que le prétend la défense.

L'approche que doit préconiser le juge envers le jury dans ses directives

Latortue c. R., 2014 QCCA 198 (CanLII)

Lien vers la décision

[34]        L’une des fonctions premières du juge qui préside un procès par jury est de donner des directives appropriées. Les directives sont appropriées lorsque le juge qui préside le procès remplit l’obligation qui est la sienne d’aider les jurés à comprendre les enjeux et à leur faire comprendre, le plus simplement, mais aussi le plus efficacement possible, les principes de droit qui doivent être appliqués aux faits qu’ils ont choisi d’accepter ou d’écarter.
[35]        C’est ainsi que le juge David Watt, maintenant juge à la Cour d’appel de l’Ontario, écrit ce qui suit :
      Jurors must understand the factual issues that require decision, the legal principles that apply to those issues, and the evidence introduced at trial on those issues. Some of those legal principles relate to the essential elements of the offence charged and other offences that may be included in it.
[36]        Il suggère l’approche suivante :
      The developmental approach can be applied to final instructions by taking advantage of the basic structure of any crime charged.
      Every criminal offence consists of at least two essential elements. Each essential element requires a factual determination by the jury about whether that essential element has been proven beyond a reasonable doubt. The jury’s decision about each essential element has implications for further decisions and, in time, the final verdict.
      Applying the developmental approach in organizing and composing final jury instructions involves several steps.
      The first step is to divide the crime charged into its essential elements, then to reduce those essential elements into point-form statements that reflect their substance. After that, these point-form statements of the essential elements should be converted into a series of factual questions for the jurors to consider.
      The next step involves the composition of the relevant legal instructions that govern the jurors’ response to each question. These instructions should include directions on what is required in law to establish the essential element to which the question relates, and explanations of any defence, justification or excuse relating to that essential element that has an air of reality to it.
      After composition of the relevant legal principles that control the jurors’ response to a question, the trial judge should proceed to a fair, balanced and accurate review of the significant parts of the evidence relevant to the issues framed by the question, and relate that evidence to the issue and the positions of the parties, so that the jurors can appreciate the value and effect of the evidence.
      Once the evidentiary review has been completed and the relationship of the evidence to the issue framed by the question made clear, the trial judge should move to instructions about the findings available to jurors in response to the question and the consequences of those findings for further deliberations and final verdicts. The jurors’ response to each question determines their next step in the deliberation process.
      The questions, along with the available responses and their verdict consequences can be incorporated into a decision tree for jurors to use during their deliberations. A decision tree is a deliberation aid, a forensic flow chart that repeats each question posed in final instructions, shows the available responses, and displays the consequences of the available answers for further deliberations and final verdict.
[37]        Cette approche relative aux directives finales, sans être la seule qui puisse remplir le rôle fonctionnel dévolu aux directives au jury, est parfaitement adéquate et tout autant efficace puisqu’elle aide les jurés à bien comprendre l’ensemble des aspects de la situation qui leur est soumise et des décisions qu’il faut rendre. Les modèles de directives préparés par le Conseil canadien de la magistrature sont aussi souvent utilisés par les juges qui président les procès par jury.

La démarche qu’une cour d’appel doit effectuer pour déterminer si un juge de première instance a suffisamment motivé sa décision

Pardieu c. R., 2014 QCCA 179 (CanLII)


[6]           Dans l’arrêt R. c. Vuradin, la Cour suprême, sous la plume de la juge Karakatsanis, résume bien la démarche qu’une cour d’appel doit effectuer pour déterminer si un juge de première instance a suffisamment motivé sa décision :
[10]      Une cour d’appel chargée de décider si un juge de première instance a suffisamment motivé sa décision doit appliquer une approche fonctionnelle : R. c. Sheppard2002 CSC 26 (CanLII), [2002] 1 R.C.S. 869, par. 55.  Un appel fondé sur l’insuffisance des motifs « ne sera accueilli que si les lacunes des motifs exprimés par le juge du procès font obstacle à un examen valable en appel » : R. c. Dinardo2008 CSC 24 (CanLII), [2008] 1 R.C.S. 788, par. 25.
[11]      En l’espèce, la crédibilité était la question clé au procès. Les décisions d’un juge du procès relatives à la crédibilité commandent un degré élevé de déférence. La juge Charron donne les précisions suivantes dans Dinardo :
Dans un litige dont l’issue est en grande partie liée à la crédibilité, on tiendra compte de la déférence due aux conclusions sur la crédibilité tirées par le juge de première instance pour déterminer s’il a suffisamment motivé sa décision.  Les lacunes dans l’analyse de la crédibilité effectuée par le juge du procès, telle qu’il l’expose dans ses motifs, ne justifieront que rarement l’intervention de la cour d’appel. Néanmoins, le défaut d’expliquer adéquatement comment il a résolu les questions de crédibilité peut constituer une erreur justifiant l’annulation de la décision (voir R. c. Braich, [2002] 1 R.C.S. 903, 2002 CSC 27 (CanLII), par. 23). Comme notre Cour l’a indiqué dans R. c. Gagnon, [2006] 1 R.C.S. 621, 2006 CSC 17 (CanLII), l’accusé est en droit de savoir « pourquoi le juge du procès écarte le doute raisonnable ». [par. 26] 
[12]      En dernière analyse, lorsqu’un tribunal d’appel examine les motifs pour déterminer s’ils sont suffisants, « il doit les considérer globalement, dans le contexte de la preuve présentée, des arguments invoqués et du procès, en tenant compte des buts ou des fonctions de l’expression des motifs » : R.E.M., par. 16.  Ces buts « seront atteints si les motifs, considérés dans leur contexte, indiquent pourquoi le juge a rendu sa décision » (par. 17)

Le secret professionnel et l'exception du crime

Ménard c. Agence du revenu du Québec, 2014 QCCA 589 (CanLII)

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[44]        D'une part, les communications avec un conseiller juridique, voulues confidentielles, et s'inscrivant dans le cadre d'une relation professionnelle de conseil sont protégées par le secret professionnel bien que, cela dit, ce ne soient pas toutes les interactions entre une personne et un conseiller juridique (avocat ou notaire) qui déclenchent une telle protection.
[45]        Dans l'arrêt Descôteaux et autre c. Mierzwinski, le juge Lamer de la Cour suprême le rappelle en ces termes :
L'énoncé suivant que faisait Wigmore (8 Wigmore, Evidence, par. 2292 (McNaughton rev. 1961)) de la règle de preuve résume bien à mon avis les conditions de fond de l'existence du droit à la confidentialité du client de l'avocat:
(TRADUCTION)  Les communications faites par le client qui consulte un conseiller juridique ès qualitévoulues confidentielles par le client, et qui ont pour fin d'obtenir un avis juridique font l'objet à son instance d'une protection permanente contre toute divulgation par le client ou le conseiller juridique, sous réserve de la renonciation à cette protection.
Consulter un conseiller juridique inclut la consultation de ceux qui l'assistent de façon professionnelle (v.g. sa secrétaire, son stagiaire) et qui ont eu comme tel accès aux communications faites par le client dans le but d'obtenir un avis juridique.
Il y a des exceptions. Il ne suffit pas de parler à un avocat ou l'un de ses collaborateurs pour que dès lors tout soit confidentielIl faut que la communication soit faite à l'avocat ou à ses collaborateurs en leur qualité professionnelle; la relation, au moment précis de la communication, doit être de nature professionnelle.
[Soulignage ajouté, référence omise.]
[46]        Le privilège du secret professionnel appartient au client et non au professionnel.
[47]        D'autre part, les tribunaux reconnaissent diverses exceptions au secret professionnel, principe de justice fondamental comme ils l'ont énoncé à maintes reprises, lesquelles sont et doivent être « limitées, clairement définies et strictement contrôlées ».
[48]        Parmi ces exceptions se trouve l' « exception de crime » destinée à éviter que la protection qui s'attache à la relation professionnelle (le secret professionnel) ne soit détournée de sa finalité sociale et juridique.
[49]        Des propos du juge anglais Stephen, datant de 1884, font voir ce pourquoi il en est ainsi :
The reason on which the rule is said to rest cannot include the case of communications criminal in themselves, or intended to further any criminal purpose, for the protection of such communications cannot possibly be otherwise than injurious to the interests of justice, and to the administration of justice. Nor do such communications fall within the terms of the rule. A communication in furtherance of a criminal purpose does not "come into the ordinary scope of professional employment." […]
[…] The client must either conspire with his sollicitator or deceive him. If his criminal object is avowed, the client does not consult his adviser professionally, because it cannot be the sollicitator's business to further any criminal object. If the client does not avow his object he reposes no confidence, for the state of facts, which is the foundation of the supposed confidence, does not exist. The sollicitator's advice is obtained by a fraud.
[50]        Ils sont toujours d'actualité, comme le laisse voir l'arrêt Solofsky de la Cour suprême :
[…] Plus significatif, si un client consulte un avocat pour pouvoir perpétrer plus facilement un crime ou une fraude, alors la communication n'est pas privilégiée et il importe peu que l'avocat soit une dupe ou un participant. L'arrêt classique est R. v. Cox and Railton (1884), reflex, 14 Q.B.D. 153, où le juge Stephen s'exprime en ces termes (p.167): [TRADUCTION] "Une [page 836] communication faite en vue de servir un dessein criminel ne "relève pas de la portée ordinaire des secrets professionnels."
[51]        Dans The Law of Evidence, les auteurs Paciocco et Stuesser expliquent et décrivent l'exception de crime et sa portée :
The privilege will not protect communications that are in themselves criminal or else are made with a view to obtaining legal advice to facilitate the commission of a crime. This is not an "exception" to but a "negation" of solicitor-client privilege. Such communications are not part of the professional relationship. Only communications made for the legitimate purpose of obtaining lawful legal advice are privileged. The privilege is designed to facilitate the administration of justice and is not intended to assist in the aiding and abetting of criminal activities. Therefore, no privilege will attach where the client, for a criminal or fraudulent purpose, either conspires with his solicitor or deceives him. The key will be the client's intent and purpose. The client's intention is paramount because the law will not discourage clients from seeking legal advice in good faith even regarding transactions that ultimately turn out to be illegal.
[…]
[…] ln principle, these communications are not within the scope of professional privilege at all, in that it is no part of a solicitor's duty, innocently or otherwise, to further any breach of duty or wrongful act.
[…]
[…] All privileges are created in the public interest and it is contrary to the effective administration of justice to use the privilege to shield criminal, fraudulent, or abusive misconduct.
[Soulignage ajouté, réferences omises.]
[52]        Dans la même veine, dans l'arrêt Amadzadegan-Shamirzad, cette Cour écrit :
La solution, qui semble la plus généralement acceptée, voudrait que l'on recherche s'il existe un ensemble de faits dont l'ensemble établit une sorte de preuve circonstancielle permettant de conclure probablement au détournement du secret de la communication privilégiée de cette preuve ainsi que la probabilité de l'existence d'une intention chez le client de commettre un crime ou une fraude grâce à la communication privilégiée.
[Soulignage ajouté.]
[53]        Des autorités qui précèdent, il ressort que l'exception de crime empêche la naissance même du secret professionnel (ou privilège – encommon law) : appliquer l'exception de crime ce n'est pas écarter le secret professionnel en place, mais plutôt affirmer son inexistence puisqu'il n'y en a jamais eu et qu'il ne pouvait y en avoir.
[54]        Cela étant, il tombe sous le sens qu'il ne peut-être question d'exception de crime que « si le client poursuit sciemment un dessein criminel », que si la communication est en elle-même de nature criminelle ou que si la relation professionnelle établie vise à faciliter, à encourager ou à préparer la commission d'un « crime » et que cette exception soit appliquée strictement et restrictivement, tant au niveau de la règle de preuve que de la règle de fond.
[55]        C'est donc à tort, à notre avis, que l'intimée soutient qu'il suffit de faire la preuve voulant qu'un crime ait été commis et qu'il y ait eu préalablement consultation d'un conseiller juridique pour réclamer, justifier et obtenir l'application de l'exception de crime. Il faut plus. Le juge Binnie de la Cour suprême l'énonce d'ailleurs dans l'arrêt R. c. Campbell :
À mon avis, la levée du privilège exige plus que la preuve de l'existence d'un crime et de la consultation préalable d'un avocat. Il faut quelque élément tendant à établir que l'avis a facilité le crime ou que l'avocat est devenu «dupe ou comploteur».
[Soulignage ajouté.]
[56]        Lorsque la communication n'est pas en elle-même de nature criminelle, qu'il n'est pas établi que le client poursuit un dessein criminel ou que la finalité du recours au conseiller juridique soit de faciliter la commission d'un crime, l'exception de crime ne s'applique pas.

jeudi 9 octobre 2014

Effective cross-examination techniques: a prosecutor's view

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Effective Cross-examination Techniques: A Prosecutor' s View. Kings County Criminal Bar Association. Brooklyn, New York. February 2'7, 2008. Kyle CReeves.

http://www.kccba.org/kyle%20reeves%20cross%20exam%20outline.pdf

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Le ré-interrogatoire

R. v. Lavoie, 2000 ABCA 318 Lien vers la décision Re-examination of Stephen Greene, Re-cross-examination of Stephen Greene   [ 46 ]        T...