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dimanche 27 mars 2011

La décision du juge Healy ordonnant à la poursuite de divulguer à la défense le registre d'entretien relié à l'appareil Alco-Sensor

R. c. Legault, 2009 QCCQ 15360 (CanLII)

[5] L'expert de la poursuite convient que le bon entretien d'un appareil doit contribuer à son bon fonctionnement et pour cette raison, entre autres, les registres d'entretien sont maintenus de façon scrupuleuse. Dans son témoignage, il accepte qu'un appareil puisse être affecté d'une défectuosité et il accepte aussi qu'une défectuosité puisse survenir entre l'entretien et l'utilisation d'un appareil. À cet égard, son témoignage ne contredit aucunement les deux possibilités affirmées par l'expert en défense. Surtout, il affirme qu'il peut y avoir un lien entre l'entretien d'un appareil et son fonctionnement.

[6] La question sur cette requête n'est pas de savoir si le registre d'entretien est pertinent et admissible au procès, mais de savoir s'il est pertinent aux fins de préparer la cause. La preuve des deux parties sur la requête démontre que l'entretien d'un Alco-Sensor IV RBT-IV peut affecter son fonctionnement dans un sens ou dans l'autre.

[7] La communication de la preuve par la poursuite est un principe de droit qui renforce le droit de l'accusé à une défense pleine et entière. Quant à l'étendue de ce droit, il est large:

Stinchcombe énonce clairement que l’information pertinente devant être communiquée par la partie principale comprend non seulement les renseignements ayant trait aux éléments que le ministère public a l’intention de présenter en preuve contre l’accusé, mais également ceux qui peuvent raisonnablement aider ce dernier à présenter une défense pleine et entière (p. 343‑344).

Le seuil à franchir n’est pas très élevé.

[8] La pertinence pourrait être aussi une question de droit, mais elle est plutôt une question de logique et d'expérience. L'existence d'un fait A rend-elle plus ou moins probable l'existence d'un autre fait B? Si oui, le fait A est pertinent par rapport au fait B. De plus, si l'existence du fait B est une question en litige, l'on doit dire non seulement que le fait A est pertinent sur le plan logique («la pertinence logique») mais qu'il est pertinent sur le plan juridique («la pertinence juridique»).

[9] En l'espèce, si le fait B est le fonctionnement de l'appareil, que peut être le lien logique entre cette question de fait et le registre d'entretien? Pour répondre à cette question, je me pose d'autres questions et j'y réponds.

Q. Le fonctionnement d’un appareil approuvé est-il une question pertinente?

R. Oui, et pertinente non seulement sur un plan logique mais aussi sur un plan juridique.

Q. Si c’est le cas, le dysfonctionnement de l’appareil serait-il une question pertinente?

R. De toute évidence – même réponse.

Q. Les causes d’un dysfonctionnement pourraient-elles être pertinentes?

R. Certainement.

Q. Si l’entretien d’un appareil approuvé pouvait être la cause d’un dysfonctionnement, l’entretien de l’appareil serait-il pertinent?

R. Encore, oui.

Q. Le registre qui fait état de l’entretien de l’appareil pourrait-il être pertinent?

R. Non seulement logiquement pertinent, mais peut-être même juridiquement pertinent.

Voici le raisonnement qui m'amène à la conclusion que le registre pourrait être pertinent aux fins de communication.

[10] Je tiens à souligner deux distinctions. Premièrement, la pertinence n'a rien à voir avec la force probante ou le poids d'un élément de preuve. La pertinence d'un élément de preuve existe ou elle n'existe pas. La réponse à toute question de pertinence est strictement binaire - oui ou non – et elle n'admet aucunement de gradation par degré. La valeur probante d'un élément de preuve qui est par ailleurs pertinent n'est qu'une question de degré lorsque tous les éléments sont évalués les uns avec les autres. Il s'ensuit que le registre d'entretien pourrait être aussi pertinent que les divers tests de contrôle effectués sur l'appareil, mais que, en ce qui concerne le fonctionnement de l'appareil au jour de l'infraction alléguée, il risque peu, dans le cours normal des choses, d'être aussi probant que les tests de contrôle.

[11] La deuxième distinction que je garde à l'esprit est celle entre la pertinence d’une information pour fins de communication par la poursuite et la recevabilité d'un élément de preuve au procès. Dans le cas qui nous occupe, le registre d'entretien serait également pertinent aux fins de divulgation ou aux fins du procès, mais cela n'implique pas que si le registre doit être communiqué à la défense il est également admissible ou recevable au procès. La pertinence du registre est une condition nécessaire dans les deux cas, mais elle n’est pas forcément suffisante pour que le registre soit reçu en preuve au procès.

[12] Le juge Sopinka a traité de cette question dans l’arrêt Mohan:

La pertinence est déterminée par le juge comme question de droit. Bien que la preuve soit admissible à première vue si elle est à ce point liée au fait concerné qu'elle tend à l'établir, l'analyse ne se termine pas là. Cela établit seulement la pertinence logique de la preuve. D'autres considérations influent également sur la décision relative à l'admissibilité. Cet examen supplémentaire peut être décrit comme une analyse du coût et des bénéfices, à savoir «si la valeur en vaut le coût.» Voir McCormick on Evidence (3e éd. 1984), à la p. 544. Le coût dans ce contexte n'est pas utilisé dans le sens économique traditionnel du terme, mais plutôt par rapport à son impact sur le procès. La preuve qui est par ailleurs logiquement pertinente peut être exclue sur ce fondement si sa valeur probante est surpassée par son effet préjudiciable, si elle exige un temps excessivement long qui est sans commune mesure avec sa valeur ou si elle peut induire en erreur en ce sens que son effet sur le juge des faits, en particulier le jury, est disproportionné par rapport à sa fiabilité. Bien qu'elle ait été fréquemment considérée comme un aspect de la pertinence juridique, l'exclusion d'une preuve logiquement pertinente, pour ces raisons, devrait être considérée comme une règle générale d'exclusion (voir Morris c. La Reine, 1983 CanLII 28 (C.S.C.), 1983 CanLII 28 (C.S.C.), [1983] 2 R.C.S. 190).

Voyons comment ces propos et les deux distinctions que j'ai notées s'appliquent ici.

[13] Je comprends aisément que le registre d'entretien pourrait être pertinent aux fins de communication et aux fins du procès. Quant à la communication, le registre répond parfaitement aux critères établis par la Cour suprême. Quant au procès, cette question n'est pas devant la cour à ce stade-ci. Pourtant, j'ajouterais quelques commentaires là-dessus.

[14] Même si, à strictement parler, le registre peut être pertinent au fonctionnement de l'appareil, il incombera à la défense lors du procès d'établir, non seulement la vraisemblance de sa prétention, mais aussi que la preuve qu'elle entend administrer sera suffisamment utile pour justifier sa réception. Dans un dossier comme le nôtre, lorsque le fonctionnement d'un appareil approuvé est contesté, le fonctionnement de l'Alco-Sensor IV RBT-IV sera normalement examiné à la lumière des divers tests de contrôle et fréquemment aussi avec l'aide du témoignage des experts. Même si la pertinence logique et juridique du registre n'était pas contestable, la valeur probante d'une telle preuve doit être démontrée par la défense. Pour ce faire, la défense aura le fardeau d'établir, à partir du registre, non seulement un lien entre l'entretien et le fonctionnement de l'appareil, mais un lien qui serait capable de soulever dans les faits un doute raisonnable quant au fonctionnement de la machine à la date et au moment en question. Autrement la preuve du registre doit être déclarée inadmissible pour le même motif que le juge Sopinka a énoncé dans Mohan: sa valeur ne vaut pas le coût.

[15] Sur le plan procédural, il y aurait lieu peut-être d'adapter les dispositions de la Partie VIII du Code criminel aux fins d'un voir-dire si ou lorsque la défense tente de mettre le registre d'entretien en preuve au procès. À la suite d’un avis signifié dans un délai raisonnable, la défense peut demander au juge du procès de tenir une audition en vue de décider si la preuve est admissible. Comme toute requête, la demande doit être formulée par écrit et doit fournir toutes les précisions au sujet de la preuve en question et le rapport de celle-ci avec un élément de la cause. Le juge doit motiver sa décision sur l'admissibilité du registre d'entretien en précisant les éléments de la preuve retenus et la façon dont la preuve à admettre, en tout ou en partie, se rattache à un élément de la cause. Les motifs de la décision sont consignés au procès-verbal des débats ou sont donnés par écrit.

[16] La jurisprudence au Québec sur la question devant la cour est partagée et pour cette raison je ne m’y arrêterai pas. Dans certains cas, il semble que la preuve tendait à démontrer que le registre d'entretien ne pouvait pas avoir une incidence sur le fonctionnement d'un appareil approuvé. Dans d'autres cas, il y avait une preuve qui allait dans les deux sens sur cette question. Je répète qu'ici la preuve des deux parties fait en sorte que l'entretien peut avoir une incidence sur le fonctionnement de l'appareil et, par conséquent, que le registre d'entretien pourrait être pertinent aux fins de communication par la poursuite. Dans la mesure où il y a des décisions de notre cour qui soutiennent que le registre ne peut jamais être pertinent pour ces fins, je ne partage pas cet avis.

[17] À mon avis, il est clair qu’on ne peut qualifier cette requête de théorique ou de farfelue. De plus, je ne vois aucunement comment la divulgation du registre d'entretien imposerait un lourd fardeau aux corps policiers ou à la poursuite. Même l'expert de la poursuite l'a affirmé clairement dans son témoignage.

[18] Dans le présent dossier on ignore de quelle façon, le cas échéant, l'entretien de l'appareil a pu avoir une incidence sur son utilisation et, finalement, sur la validité de la présomption d'exactitude. Mais je ne fermerai pas la porte sur cette question sans donner à la défense l'occasion de vérifier, en préparation du procès, si dans les faits cela a eu une incidence pertinente sinon importante.

[19] Pourtant, aux fins de cette requête seulement, je ne dis pas que la poursuite doit communiquer le registre d'entretien sans qu'une demande en soit faite. Cette question n'est pas devant la cour. Je dis que, par suite d’une requête de la défense, la preuve devant moi démontre que le registre en question dans ce dossier doit être communiqué à la défense pour la préparation du procès.

La décision du juge Landry ordonnant à la poursuite de communiquer une copie du registre d’entretien de l’appareil

R. c. L'Écuyer, 2010 QCCQ 9173 (CanLII)

[23] À la lecture de ces différentes décisions, on peut conclure que la pertinence ne s’évalue pas nécessairement en fonction de l’utilité pour la poursuite de cette preuve mais plutôt en fonction de l’utilité pour la défense. Ce qui est pertinent pour la défense peut ne pas l’être pour la poursuite.

[24] Le document existe, le tribunal n’en a pas pris connaissance mais la poursuite mentionne que ce n’est pas un document volumineux.

[25] Cela étant, si la preuve est claire et précise que l’appareil a été bien entretenu, la communication de la preuve aura été utile à faire avancer le dossier pour convaincre l’accusé que la preuve est forte ou que la preuve est faible et contient des failles évidentes. Dans les deux cas, la recherche de la vérité s’impose.

[26] En conséquence, tenant compte du droit de l’accusé d’avoir une défense pleine et entière, tenant compte des nouvelles dispositions des paragraphes c) et d.01) de l’article 258 du Code criminel, le tribunal estime que le requérant a démontré, selon la balance des probabilités, l’existence d’une possibilité raisonnable que le registre d’entretien aurait pu être utilisé soit pour réfuter la preuve du ministère public soit pour présenter un moyen de défense ou par ailleurs, pour prendre une décision qui aurait pu avoir une incidence sur la façon de présenter la défense.

[27] Ce n’est pas au tribunal de quantifier cette utilité. À partir du moment où la défense aura démontré une certaine utilité, la preuve devra être communiquée.

[28] EN CONSÉQUENCE, la requête est accueillie et le tribunal ordonne à la poursuite de communiquer une copie du registre d’entretien de l’appareil ALCO-SENSOR IV – RBT IV, portant le numéro de série 032349 et 4372 utilisé sur le requérant d’ici quinze (15) jours.

L'application du Règlement sur les appareils de détection d'alcool en regard des dispositions du Code criminel

Dufour c. R., 2009 QCCQ 7790 (CanLII)

[78] Dans l'examen de la pertinence, il importe d'analyser l'application du Règlement sur les appareils de détection d'alcool en regard des dispositions du Code criminel.

[79] Le règlement provincial sur les appareils de détection d'alcool a été adopté pour les fins du Code de la sécurité routière. Au Québec, les policiers doivent respecter les exigences du règlement et remplir les formulaires exigés. Contrairement au législateur provincial, le Parlement fédéral n'a pas légiféré en regard de l'entretien général des appareils de détection d'alcool. Le fait que le législateur québécois ait créé des documents qui par ailleurs n'existent pas dans les autres provinces canadiennes, ne les rend pas automatiquement pertinents. Il faut se rappeler que les législations provinciales ne s'appliquent pas aux dispositions du Code criminel.

[80] Sur cet aspect, certains tribunaux ont examiné des demandes d'exclusion de la preuve en vertu de la Charte lorsqu'un appareil de détection approuvé a été utilisé en contravention du Règlement sur les appareils de détection d'alcool.

[81] Dans R. c. Zrig, les policiers interrogés ne savaient pas si l'appareil de détection avait fait l'objet d'une vérification conformément au règlement provincial. La juge conclut au paragraphe 55 de sa décision qu'il n'y a pas lieu d'exclure les échantillons d'haleine obtenus puisque « un règlement adopté par la législation provinciale ne peut modifier la procédure dans une matière criminelle qui relève de la compétence du Parlement fédéral. »

[82] Dans R. c. Guèvremont, le délai de vérification aux 15 jours de l'appareil de détection exigé par la réglementation québécoise était expiré. Le juge conclut que le Code criminel n'impose aucune obligation de vérifier un appareil de détection approuvé et qu'en conséquence, les résultats des tests obtenus ne pouvaient être exclus.

[83] Dans R. c. Granger, comme dans la décision de Guèvremont, le délai de vérification aux 15 jours de l'appareil de détection était expiré. Le juge rappelle que cette exigence du règlement québécois ne s'applique pas au Code criminel.

[84] On peut inférer de ces décisions que les formulaires se rattachant aux dispositions du règlement provincial ne sont pas pertinents pour l'application des dispositions du Code criminel. Cependant, cela n'exclut pas qu'au cours du procès, l'accusé puisse démontrer qu'un de ces renseignements est pertinent.

Revue du droit sur la communication de la preuve

R. c. L'Écuyer, 2010 QCCQ 9173 (CanLII)

[15] La communication de la preuve est un élément essentiel dans l’application du droit criminel. Dans R. c. Taillefer, on mentionne :

P. 313 : « Dégagée par une jurisprudence née de la common law, explicitée à l’aide des principes constitutionnels de la Charte canadienne des droits et libertés, consacrée par l’arrêt prononcé par notre Cour dans R. c. Stinchcombe, [1991]3 R.C.S. 326, cette obligation a pris rang parmi les règles essentielles de la procédure pénale canadienne. Elle facilite le déroulement du procès, mais, d’abord, contribue à assurer la protection du droit des prévenus à une défense pleine et entière. D’ailleurs, dans le passé, une conception de la divulgation de la preuve comme un acte de bonne volonté et de coopération du ministère public a contribué à des erreurs judiciaires désastreuses. À ce propos, il suffit de rappeler que la Commission royale sur la poursuite de Donald Marshall Jr. a identifié l’omission de divulguer toute la preuve pertinente comme l’une des causes de l’erreur judiciaire qui a privé Donald Marshall de sa liberté durant 11 ans pour un crime qu’il n’avait pas commis (Royal Commission on the Donald Marshall, Jr., Prosecution : Findings and Recommendations (1989), vol. 1, p. 238 et suiv.). »

[16] Les principes généraux de la communication de la preuve se retrouvent dans l’arrêt R. c. Stinchcombe. De cette décision, on peut retenir entre autres les principes suivants :

« La divulgation de la preuve fait partie du droit de l’accusé de présenter une défense pleine et entière selon l’article 7 de la Charte.

La poursuite a l’obligation de divulguer tous les renseignements pertinents.

La poursuite a l’obligation de divulguer tout fait substantiel connu de la poursuite qui soit favorable ou non à l’accusé (si le ministère public pèche, ce doit être par inclusion).

Il est bien entendu que l’obligation de divulguer n’est pas absolue. La poursuite peut refuser de divulguer certains documents pour absence de pertinence. »

[17] Quant à la pertinence, la Cour Suprême mentionne à la page 345 :

« Si les renseignements présentent une certaine utilité, alors ils sont pertinents et c’est à la défense et non à la poursuite de décider s’il s’agit d’une utilité suffisante pour qu’ils soient produits en preuve. »

[18] La Cour mentionne de plus à la page 339 :

« Si le ministère public pèche, ce doit être par inclusion. Il n’est toutefois pas tenu de produire ce qui n’a manifestement aucune pertinence. »

[19] Dans R. c. Taillefer, déjà cité, à la page 334, la Cour Suprême s’exprime ainsi :

« Les règles encadrant l’obligation de divulgation de la preuve incombant au ministère public, après une période de développement graduel par les cours d’appel provinciales dans les dernières décennies, ont été précisées et consolidées par notre Cour dans l’arrêt Stinchcombe. Ces règles se résument en quelques propositions. Le ministère public doit divulguer à l’accusé tous les renseignements pertinents, qu’ils soient inculpatoires ou disculpatoires, sous réserve de l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministère public de refuser de divulguer des renseignements privilégiés ou encore manifestement non pertinents. La pertinence s’apprécie tant à l’égard de l’accusation elle-même que des défenses raisonnablement possibles. Les renseignements pertinents doivent être divulgués, que le ministère public ait ou non l’intention de les produire en preuve et ce, avant que l’accusé n’ait été appelé à choisir son mode de procès ou à présenter son plaidoyer. »

[20] Dans R. c. Chaplin, la Cour Suprême mentionne à la page 743 :

« Par pertinence, il faut entendre qu’il y a possibilité raisonnable que ces renseignements puissent aider l’accusé à présenter une défense pleine et entière. »

[21] Dans R. c. Dixon, la Cour citait à la page 257 l’arrêt R. c. Egger, [1993]2 R.C.S. 451 sur la pertinence, page 467 :

« Une façon de mesurer la pertinence d’un renseignement dont dispose le ministère public est de déterminer son utilité pour la défense. S’il y a une certaine utilité, il est pertinent et devrait être divulgué – Stinchcombe précité à la page 345. Le juge qui effectue le contrôle doit déterminer si l’accusé peut raisonnablement utiliser la communication des renseignements pour réfuter la preuve et les arguments du ministère public, pour présenter un moyen de défense ou autrement pour parvenir à une décision susceptible d’avoir un effet sur le déroulement de la défense comme par exemple de présenter ou non une preuve. »

[22] Plus loin, à la page 257, la Cour mentionne :

« Manifestement, le critère préliminaire fixé pour la divulgation est fort peu élevé et par conséquent, une vaste gamme de documents qu’ils soient disculpatoires ou inculpatoires sont assujettis à la communication. »

Page 258 : « Ainsi, lorsque l’accusé démontre l’existence d’une possibilité raisonnable que les renseignements non divulgués auraient été utilisés pour réfuter la preuve du ministère public, pour présenter un moyen de défense ou par ailleurs, pour prendre une décision qui aurait pu avoir une incidence sur la façon de présenter la défense, il se trouve également à établir l’existence d’une atteinte aux droits à la divulgation que garantit la charte. »

Page 258 : « Le droit à la communication de tous les documents pertinents est large et vise les documents qui peuvent n’avoir qu’une importance secondaire par rapport aux questions fondamentales au litige. »

Page 260 : « Pour réduire au minimum le risque de non-divulgation par inadvertance, le ministère public pourrait bien choisir de divulguer même les déclarations de témoins qui ne semblent pas pertinents au départ. Évidemment, la défense connaît mieux sa preuve que le ministère public et quelque chose qui semble non pertinent au ministère public pourrait avoir de l’importance pour la défense. »

L'évaluation de la pertinence concernant la divulgation de renseignements au sujet des appareils de détection et de l'alcootest

Dufour c. R., 2009 QCCQ 7790 (CanLII)

CONCERNANT LES APPAREILS DE DÉTECTION :

- le certificat d’utilisation délivré par le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale

[97] Les certificats d'utilisation des appareils en cause ont été délivrés respectivement entre 1997 et 2003. Ce document est produit par le Laboratoire pour une période de 12 mois en vertu d’une législation provinciale adoptée dans le but d’établir des normes d’entretien et d’utilisation en vertu du Code de la sécurité routière. La seule conclusion que l’on peut tirer de l’existence de ce document est que la réglementation provinciale a été respectée. La seule exigence prévue au Code criminel est que ces appareils soient approuvés.

[98] Que le Laboratoire conclut en 1997 ou en 2000 que l’appareil est certifié conforme aux dispositions du règlement provincial pour les 12 mois suivants n’apporte aucun renseignement sur le fonctionnement de cet appareil 10 ans plus tard. Cela n’apporte aucun renseignement pertinent quant à une défense pleine et entière.

- les renouvellements annuels du certificat d’utilisation ainsi que les certificats de l’analyste et les registres de la solution d’alcool type utilisée

[99] Les appareils de détection font l’objet d’une vérification annuelle qui amène le renouvellement du certificat d’utilisation. Cette opération est effectuée en vertu de la même législation provinciale. Le fait d’avoir été vérifié une fois par année au cours des dix dernières années n’apporte aucun renseignement sur le fonctionnement de l’appareil au moment des événements en l’espèce. Que le certificat ait été renouvelé en 2000 ou 2001 ou même qu’il ne l’ait pas été n’est d’aucune pertinence pour le fonctionnement de l’appareil au moment des événements. Tous ces renouvellements sont d’autant moins pertinents que le même appareil fait l’objet d’une vérification aux 15 jours.

[100] Ces documents n’apportent aucun renseignement pertinent en regard d'une défense pleine et entière.

- les relevés d’utilisation de l’étalonnage fait aux quinze jours ainsi que les certificats de l’analyste et les registres d’utilisation de l’alcool type

[101] Rappelons que monsieur Gendreau du Service de Police de la Ville de Québec a mentionné qu’on peut retrouver jusqu’à 300 relevés d’utilisation dans le dossier d’un appareil de détection approuvé. Il n’est d’aucune utilité de savoir qu’un appareil a fait l’objet d’une vérification aux 15 jours des centaines de fois non plus que d'examiner ces relevés d’utilisation.

[102] Ces documents n’apportent aucun renseignement pertinent pouvant aider à une défense pleine et entière.

- le registre d’entretien

[103] Comme le démontrent les témoignages, les informations sur l’entretien des appareils ne sont pas utiles pour déterminer la fiabilité et l’exactitude des analyses au moment des tests passés sur un sujet donné, à un moment précis. Tout au plus, le registre démontre que l’appareil a été entretenu ou ne l'a pas été. À titre illustratif, l’appareil peut avoir eu un bris en 2001, avoir été réparé et être en parfait état en 2007.

[104] Par conséquent, aucun renseignement émanant de ce registre n'est pertinent à une défense pleine et entière.

- le dossier des simulateurs

[105] Il n’est pas ressorti de la preuve faite devant le Tribunal que ces dossiers existent. Quoi qu'il en soit, comme le registre d’entretien, ces renseignements ne sont d’aucune utilité pour déterminer si l’appareil était en bon état de fonctionnement au moment des événements.

[106] Ce ne sont pas des renseignements pertinents à une défense pleine et entière.

CONCERNANT LES ALCOOTESTS :

- le registre d’entretien de l’alcootest

[107] Comme le démontrent les témoignages, les informations sur l’entretien des appareils ne sont pas utiles pour déterminer la fiabilité et l’exactitude des analyses au moment des tests passés sur un sujet donné, à un moment précis. Tout au plus, le registre démontre que l’appareil a été entretenu ou ne l'a pas été. Un bris antérieur ou postérieur n'a pas de pertinence quant aux résultats des tests puisque les tests de contrôle constituent la meilleure mesure du bon fonctionnement de l'appareil.

[108] Cela n’apporte aucun renseignement pertinent quant à une défense pleine et entière.

- le dossier du simulateur

[109] La preuve admise n'établit pas que ces dossiers existent, mais de toute manière, comme le registre d’entretien, ces renseignements sont inutiles pour déterminer si l’appareil était en bon état de fonctionnement au moment des événements.

[110] Cela n’apporte aucun renseignement pertinent quant à une défense pleine et entière.

- la mémoire de l’appareil Alco-sensor IV-RBT IV

[111] Rappelons que cet appareil garde en mémoire 1 022 tests. Suivant les directives propres à chaque organisation policière, ces données sont disponibles ou ont été détruites. Il n’est pas utile ou pertinent de savoir qu’au 233e test, l’analyse a été de 110 mg ou que l’appareil a fait 200 tests après les événements sur le sujet. Les seuls résultats pertinents sont ceux analysés lors des tests effectués sur l'accusé. Les autres résultats d'analyses réalisés sur les autres accusés n'apportent rien de pertinent à une défense pleine et entière.

- les manuels des manufacturiers relatifs à l'opération et aux aspects techniques des appareils utilisés

[112] Ces documents ne sont pas sous le contrôle exclusif de la poursuite et peuvent être obtenus sur Internet et/ou chez les manufacturiers.

- l’attestation de la qualification des techniciens qualifiés en alcootest et celle des agents ayant manipulé les appareils de détection ainsi que les renouvellements, si disponibles.

[113] Rappelons que la divulgation de la preuve consiste à remettre à l’accusé toute preuve pertinente pour assurer une défense pleine et entière. Il ne s’agit surtout pas d’une commission d’enquête sur le respect par les organismes concernés des prescriptions législatives. Il faudrait mettre en doute que le procureur général désigne les techniciens qualifiés ou croire qu’un corps de police laisserait un policier faire un travail pour lequel il n’est pas désigné conformément au Code criminel. De même, pourquoi la défense n’exigerait-elle pas la qualification du médecin qui a prélevé un échantillon sanguin ou la désignation de l’analyste qui signe les certificats d’analyse? À tout événement, l’article 258 (1) g) C. cr. spécifie que les faits allégués dans le certificat du technicien qualifié font preuve des faits allégués sans qu’il soit nécessaire de prouver la signature ou la qualité officielle du signataire. Il n’est donc pas nécessaire ni pertinent de divulguer des renseignements que le Code criminel prévoit avérés.

[114] Quant à l'attestation de qualification des agents de la paix ayant manipulé les appareils de détection, ces renseignements n'existent pas.

L'état du droit sur la divulgation du registre d’entretien de l’appareil Alco-Sensor

R. c. Rochon, 2010 QCCQ 5763 (CanLII)

[5] Dans les deux causes précitées, des experts avaient été entendus sur ce point précis. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.

[6] Dans le jugement Legault, mon collègue le juge Healy, au paragr. 16, considère que « la preuve des deux parties fait en sorte que l’entretien peut avoir une incidence sur le fonctionnement de l’appareil et, par conséquent, que le registre d’entretien pourrait être pertinent aux fins de communication par la poursuite. » Au paragr. 19, il conclut que la preuve d’expert, faite devant lui, démontre que le registre d’entretien doit être communiqué à la défense pour la préparation du procès.

[7] Dans la décision Dufour, ma collègue la juge Pelletier, aux paragr. 107 et 108, estime, de l’ensemble des témoignages, que les informations contenues au registre d’entretien ne sont pas utiles pour déterminer la fiabilité et l’exactitude des analyses au moment des tests passés sur un sujet donné, à un moment précis et que les tests de contrôle constituent la meilleure mesure du bon fonctionnement de l’appareil. Celle-ci réfère à plusieurs décisions rendues au Québec et, ailleurs au Canada, où l’on a rejeté des demandes de divulgation similaires à celle en l’espèce au motif que les renseignements demandés étaient non pertinents et que ces requêtes s’apparentaient davantage à une expédition de pêche (paragr. 85 et 87).

[8] Les affaires Legault et Dufour ont cependant en commun qu’une preuve fondée sur le témoignage d’experts a été entendue au soutien de la requête en divulgation. Dans le premier dossier (Legault), les deux experts convenaient qu’il pouvait y avoir un lien entre l’entretien d’un appareil et son fonctionnement (paragr. 4 et 5) tandis que dans l’autre (Dufour), le Dr Langille spécifiait que le registre d’entretien n’était d’aucune utilité pour savoir si un appareil a bien fonctionné à un moment précis (paragr. 39). Voilà pourquoi, selon moi, les conclusions des juges d’instance diffèrent alors que la requête a été accueillie dans Legault et rejetée dans Dufour.

[9] En l’occurrence, aucune preuve d’expert n’a été soumise pour appuyer la requête en divulgation. Par conséquent, j’estime que la défense n’a pas établi le fondement de sa prétention. Elle devait prouver minimalement que l’entretien pouvait avoir une incidence sur le bon fonctionnement de l’appareil et que le registre d’entretien pouvait être pertinent à cet effet. Sur cet aspect de l’exigence minimale de pertinence, la Cour suprême, dans l’arrêt R. c. McNeil, 2009 CSC 3 (CanLII), [2009] 1 R.C.S. 66, au paragr. 28, spécifie ce qui suit :

[28] À la première étape d’une demande contestée visant la production de renseignements non privilégiés en la possession d’un tiers, il incombe à la personne qui demande la production – l’accusé en l’espèce – de convaincre la cour que les renseignements sont vraisemblablement pertinents. […] L’auteur de la demande doit alors justifier à la cour l’utilisation du pouvoir de l’État d’imposer la production – d’où son fardeau initial de démontrer la «- pertinence vraisemblable ».

[10] Puis, au paragr. 29, la Cour suprême souligne qu’on ne saurait trop insister sur l’importance d’empêcher les demandes de production inutiles d’épuiser les ressources judiciaires limitées :

[29] […] D’une part, cette exigence de pertinence vraisemblable est « importante » parce que la cour doit pouvoir participer de manière significative au filtrage des demandes pour « empêcher que la défense ne se lance dans des demandes de production “qui reposent sur la conjecture et qui sont fantaisistes, perturbatrices, mal fondées, obstructionnistes et dilatoires” » (O’Connor, par. 24, citant un extrait de R. c. Chaplin, 1995 CanLII 126 (C.S.C.), [1995] 1 R.C.S. 727, par.32).

L'obligation de divulgation VS la remise de la copie du registre d’entretien ou toutes fiches d’entretien et réparation de l’ivressomètre

R. c. Hansen, 2011 CanLII 10919 (QC C.M.)

[25] Quant au mérite de la requête, tout au moins quant à la communication de la preuve, notre collègue l’Honorable Sylvie Girard a, le 26 janvier 2011, une décision fort intéressante sur le point. On peut la consulter dans la cause de Patricia Iannizi c. La Reine dossier # 109 044 701 de la Cour Municipale de la Ville de Montréal;

[26] La défenderesse demandait la communication de plusieurs documents dont le registre d’entretien de la machine, le nombre de tests effectués par la machine depuis 30 jours, les manuels d’instructions fournis avec la machine, les instructions internes policières quant à la manutention de la machine et enfin que l’appareil soit mis à la disposition de l’expert du défendeur.

[27] La poursuite refuse de fournir la preuve sur la base de l’absence de pertinence;

[28] Les parties s’entendent pour admettre que si l’expert était entendu, il dirait que dans ce cas précis il n’existe pas de registre d’entretien de l’ivressomètre;

[29] La juge Girard, après avoir étudié la jurisprudence pertinente, rend un jugement motivé et conclut de la façon suivante :

« [27] En conséquence, tenant compte du droit à une défense pleine et entière, tenant compte des dispositions des paragraphes c) et d) 01) de l’article 258 du Code criminel, le Tribunal estime que la requérante, même si elle n’a présenté aucune preuve ni même un début de preuve à l’effet que l’appareil utilisé dans cette affaire comportait une quelconque anomalie, celle-ci a démontré l’existence d’une possibilité raisonnable que le registre d’entretien puisse être utile pour réfuter la preuve de la poursuite ou pour présenter une défense. »

[30] La juge Girard a donc ordonné à la poursuite de produire la fiche ou le registre d’entretien;

[31] Nous comprenons qu’il existe une jurisprudence contradictoire à ce sujet, mais tout comme dans le débat sur les effets rétrospectifs de la Loi C-2, nous nous sentions obligés de suivre le raisonnement de l’Honorable Julie Caumartin, je me sens lier par le raisonnement de ma collègue la juge Girard dans l’affaire Iannizi;

Le dédommagement à la victime doit toujours être envisagé lors de la détermination de la peine

Celui qui propose d'acheter une arme à feu ou de la drogue ne peut pas être reconnu coupable de trafic de cette chose

R. v. Bienvenue, 2016 ONCA 865 Lien vers la décision [ 5 ]           In  Greyeyes v. The Queen  (1997),  1997 CanLII 313 (SCC) , 116 C.C.C. ...