mardi 3 mars 2009

Harcèlement criminel - état du droit

R. c. Lamontagne, 1998 CanLII 13048 (QC C.A.)

L'art. 264 C.cr., précité, précise au par. (1) les éléments constitutifs de l'infraction qui doivent être prouvés tandis que le par. (2) décrit les quatre types de l'acte interdit auquel renvoie le par. (1). La Cour d'appel d'Alberta, dans l'arrêt R. v. Sillip 1997 CanLII 10865 (AB C.A.), (1997), 11 C.R. (5th) 71, p. 78, en dégage les cinq éléments essentiels suivants:

1) It must be established that the accused has engaged in the conduct set out in s. 264 (2) (a), (b), (c), or (d) of the Criminal Code.

2) It must be established that the complainant was harassed.

3) It must be established that the accused who engaged in such conduct knew that the complainant was harassed or was reckless or wilfully blind as to whether the complainant was harassed.

4) It must be established that the conduct caused the complainant to fear for her safety or the safety of anyone known to her; and

5) It must be established that the complainant's fear was, in all of the circumstances, reasonable.

Je souscris à cette analyse.

L'actus reus de cette infraction se compose de trois éléments, soit (1) l'acte interdit au par. (2), (2) que de fait la victime soit harcelée et (3) l'effet que cet acte provoque chez la victime.

Quand dans la version française il est stipulé que la connaissance ou l'insouciance que la plaignante se sente harcelée cela implique que l'auteur, par son fait, a contribué au harcèlement de la plaignante puisqu'on pourrait difficilement lui imputer une connaissance d'un état dont il n'est pas responsable.

Si l'on applique maintenant à l'instance le texte d'incrimination à la lumière de la dénonciation, il s'ensuit que la poursuite devait prouver les éléments essentiels suivants:

(1) que l'appelant s'est comporté d'une manière menaçante envers la plaignante;

(2) qu'en se comportant d'une manière menaçante cela a eu pour effet de faire raisonnablement craindre à la plaignante - compte tenu du contexte - pour sa sécurité; [j'ai regroupé ici dans un seul les éléments ci-haut énumérés aux par. 4) et 5)]

(3) que la plaignante a été harcelée;

(4) que l'appelant savait que la plaignante se sentait harcelée ou ne se souciait pas qu'elle se sente harcelée;

Le premier élément à prouver concerne la conduite prohibée par le par. 264(2) C.cr.; l'appelant s'est-il comporté d'une manière menaçante en prononçant les mots reprochés? Pour interpréter les mots «d'une manière menaçante», j'estime, à l'instar de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans l'arrêt R. v. Ryback, supra, qu'il y a lieu d'appliquer le test proposé par la Cour Suprême du Canada dans l'arrêt R. v. McCraw, 1991 CanLII 29 (C.S.C.), [1991] 3 R.C.S. 72, à l'égard de l'infraction qui consiste à «proférer des menaces» selon l'art. 264.1 du Code criminel, soit que la nature de la menace doit être examinée de façon objective, dans le contexte de tous les mots énoncés et compte tenu de la personne à qui ils s'adressent.

Si le premier élément soulevait l'existence même d'un comportement dit «menaçant» d'un point de vue purement objectif, le deuxième précise quel doit être l'effet de ce comportement, soit de «faire raisonnablement craindre à la plaignante - compte tenu du contexte - pour sa sécurité».

Encore là, il s'agit d'un test objectif en raison de l'emploi du mot «raisonnablement». Cela signifie que même si une plaignante affirmait avoir subjectivement craint pour sa sécurité, cela ne suffirait pas puisque le juge des faits doit être satisfait que «raisonnablement», donc d'un point de vue objectif (d'une personne raisonnable), ce comportement «menaçant», «compte tenu du contexte», a fait craindre à la plaignante pour sa sécurité (R. v. Ducey (W.J.) (reflex-logo) reflex, (1996), 142 Nfld. & P.E.I.R. 91 (C.A.T.N.), et La Reine c. Anne-Nicole Josile (inédit), C.S. Montréal, no 500-36-001209-975, 16 janvier 1998, j. Pinard.

Le «harcèlement» n'est pas défini par le législateur à l'art. 264.

Dans les arrêts Ryback et Sillipp, supra, l'on s'entend pour donner à ce mot une interprétation contextuelle. Il ne suffit pas que la plaignante soit «vexed, disquieted or annoyed», encore faut-il démontrer que la conduite prohibée ait «tormented, troubled, worried continually or chronically, plagued, bedeviled and badgered», soulignent ces arrêts

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