lundi 2 mars 2009

Refuser la mise en liberté sous caution « pour ne pas miner la confiance du public envers l’administration de la justice »

R. c. Hall, [2002] 3 R.C.S. 309

Tout inculpé a le droit de ne pas être privé sans juste cause d'une mise en liberté assortie d'un cautionnement raisonnable (art 11 de la Charte)

Il est nécessaire d’examiner l’ensemble de l’al. 515(10)c) pour se prononcer sur la constitutionnalité du refus d’accorder la mise en liberté sous caution afin de maintenir la confiance du public dans l’administration de la justice. La partie de l’al. 515(10)c) qui permet la détention « [s’]il est démontré une autre juste cause » est inconstitutionnelle.

Le reste de l’al. 515(10)c), qui permet de refuser la mise en liberté sous caution « pour ne pas miner la confiance du public envers l’administration de la justice », est valide. Il énonce un motif de refuser d’accorder la mise en liberté sous caution, qui n’est pas visé par les al. 515(10)a) et b).

Bien que les circonstances dans lesquelles il est possible d’invoquer ce motif de refus d’accorder la mise en liberté sous caution puissent être rares, lorsqu’elles se présentent, il est essentiel de disposer d’un moyen de refuser cette mise en liberté étant donné que la confiance du public est essentielle au bon fonctionnement du système de mise en liberté sous caution et de l’ensemble du système de justice.

Dans l’arrêt R. c. Rondeau, 1996 CanLII 6516 (QC C.A.), [1996] R.J.Q. 1155, p. 1159, le juge Proulx de la Cour d’appel du Québec a affirmé ceci au sujet d’un meurtre aussi inexplicable et sauvage : « Plus un crime comme celui-là est inexpliqué et inexplicable, plus inquiétante pour la société s’avère la mise en liberté provisoire ». La disposition en cause vise un objectif important, à savoir le maintien de la confiance du public dans l’administration de la justice dans des circonstances comme celles de la présente affaire.

Permettre qu’une personne accusée d’avoir commis un crime haineux soit remise en liberté dans la collectivité, lorsque la preuve qui pèse contre elle est accablante, peut avoir pour effet de miner la confiance du public dans l’administration de la justice. Lorsque le public n’a pas l’impression que justice est rendue, il risque d’avoir moins confiance dans le système de mise en liberté sous caution et, de manière plus générale, dans tout le système de justice. Dans le cas où il est raisonnable de croire que la confiance du public est compromise, il peut notamment en résulter des désordres et des actes de justicier au sein de la population.

Le législateur a assorti d’importantes garanties la présente disposition en matière de mise en liberté sous caution. Le juge doit être persuadé que la détention est non seulement souhaitable, mais encore nécessaire. De plus, il doit être convaincu que cette mesure n’est pas seulement nécessaire pour atteindre un objectif quelconque, mais qu’elle s’impose pour ne pas miner la confiance du public dans l’administration de la justice.

Le refus d’accorder la mise en liberté sous caution « pour ne pas miner la confiance du public envers l’administration de la justice », eu égard aux facteurs énoncés à l’al. 515(10)c), est conforme à l’al. 11e) de la Charte.

Le législateur a assorti la disposition d’importantes garanties : le juge peut refuser d’accorder la mise en liberté sous caution uniquement s’il est persuadé, à la lumière des quatre facteurs énoncés et des circonstances connexes, qu’un membre raisonnable de la collectivité serait convaincu que ce refus est nécessaire pour ne pas miner la confiance du public dans l’administration de la justice. La disposition n’a pas une portée excessive. Elle établit plutôt un juste équilibre entre les droits de l’accusé et la nécessité de veiller à ce que la justice règne dans la collectivité.

Voir l'article 515 (10)

L'article 515 (10) c) est libellé comme suit :

« Motif justifiant la détention – Pour l'application du présent article, la détention d'un prévenu sous garde n'est justifiée que dans l'un des cas suivants :

[…]

c) il est démontré une autre juste cause et, sans préjudice de ce qui précède, sa détention est nécessaire pour ne pas miner la confiance du public envers l'administration de la justice, compte tenu de toutes les circonstances, notamment le fait que l'accusation paraisse fondée, la gravité de l'infraction, les circonstances entourant sa perpétration et le fait que le prévenu encoure, en cas de condamnation, une longue peine d'emprisonnement. »d'emprisonnement.

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