vendredi 17 juillet 2009

Nouveau cadre d’analyse élaboré par la CSC relativement à la détention et à l’exclusion d’éléments de preuve

R. c. Grant, 2009 CSC 32

La détention visée aux art. 9 et 10 de la Charte s’entend de la suspension du droit à la liberté d’une personne par suite d’une contrainte physique ou psychologique considérable. Il y a détention psychologique quand l’individu est légalement tenu d’obtempérer à une demande contraignante ou à une sommation, ou quand une personne raisonnable conclurait, compte tenu de la conduite de l’État, qu’elle n’a d’autre choix que d’obtempérer. En l’absence de contrainte physique ou d’obligation légale, il peut être difficile de savoir si une personne a été mise en détention ou non. Pour déterminer si une personne raisonnable placée dans la même situation conclurait qu’elle a été privée par l’État de sa liberté de choix, le tribunal peut tenir compte, notamment, des facteurs suivants :

a) les circonstances à l’origine du contact avec les policiers telles que la personne en cause a dû raisonnablement les percevoir;

b) la nature de la conduite des policiers; et

c) les caractéristiques ou la situation particulières de la personne, selon leur pertinence.

Pour répondre à la question de savoir s’il y a détention, il faut procéder à une évaluation réaliste de la totalité du contact tel qu’il s’est déroulé, et non à une analyse détaillée de chacun des mots prononcés et des gestes posés. Dans les cas où les policiers ne savent pas avec certitude si leur conduite a un effet coercitif, ils peuvent dire clairement à la personne visée qu’elle n’est pas tenue de répondre aux questions et qu’elle est libre de partir. C’est au juge du procès qu’il appartient de décider — en appliquant les principes de droit pertinents aux faits particuliers de l’espèce — si la police a franchi la limite entre une conduite qui respecte la liberté et le droit de choisir du sujet et une conduite qui porte atteinte à ces droits. S’il est vrai qu’il faut faire preuve de déférence à l’égard des conclusions de fait du juge du procès, l’application du droit aux faits constitue une question de droit. [32] [43‑44]

Une détention illégale est nécessairement arbitraire et interdite par l’art. 9. Les policiers ont reconnu au procès qu’ils n’avaient pas de motif juridique ou de soupçon raisonnable les autorisant à détenir l’accusé avant que celui‑ci fasse les déclarations incriminantes. La détention était donc arbitraire. En outre, les policiers ont omis d’informer l’accusé de son droit d’avoir recours à l’assistance d’un avocat avant l’interrogatoire qui a mené à la découverte de l’arme à feu. Le droit d’avoir recours à l’assistance d’un avocat prend naissance dès la mise en détention, que celle‑ci serve exclusivement ou non à des fins d’enquête. [11] [55] [57‑58]

Il faut clarifier les facteurs pertinents pour déterminer quand, « eu égard aux circonstances », l’utilisation d’éléments de preuve obtenus par suite d’une violation de la Charte serait « susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ».

Le tribunal saisi d’une demande d’exclusion fondée sur le par. 24(2) doit évaluer et mettre en balance l’effet de l’utilisation des éléments de preuve sur la confiance de la société envers le système de justice en tenant compte de :

(1) la gravité de la conduite attentatoire de l’État,

(2) l’incidence de la violation sur les droits de l’accusé garantis par la Charte et

(3) l’intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée au fond.

Lorsqu’il se penche sur le cadre du premier volet, le tribunal examine la nature de la conduite de la police qui a porté atteinte aux droits protégés par la Charte et mené à la découverte des éléments de preuve. Plus les gestes ayant entraîné la violation de la Charte par l’État sont graves ou délibérés plus il est nécessaire que les tribunaux s’en dissocient en excluant les éléments de preuve ainsi acquis, afin de préserver la confiance du public envers le principe de la primauté du droit et de faire en sorte que l’État s’y conforme.

Le deuxième volet de l’examen impose d’évaluer la portée réelle de l’atteinte aux intérêts protégés par le droit en cause. Le risque que l’utilisation des éléments de preuve déconsidère l’administration de la justice augmente en fonction de la gravité de l’empiétement sur ces intérêts.

Dans le cadre du troisième volet, la cour se demande si la fonction de recherche de la vérité que remplit le procès criminel est mieux servie par l’utilisation ou par l’exclusion d’éléments de preuve. À ce stade, le tribunal prend en compte les facteurs telles la fiabilité des éléments de preuve et leur importance pour la preuve du ministère public. Il appartient chaque fois au juge du procès de soupeser et de mettre en balance ces questions. Lorsque le juge du procès a examiné les bons facteurs, les cours d’appel devraient faire preuve d’une retenue considérable à l’égard de la décision rendue. [71‑72] [76‑77] [79] [86] [127]

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