R. c. Beaupré, 2000 CanLII 6071 (QC C.A.)
[20] Dans l'arrêt R. c. Storrey, 1990 CanLII 125 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 241, la Cour suprême a développé les critères permettant d'évaluer la légalité d'une arrestation sans mandat. Le juge Cory écrivait au sujet de l'application de l'article 450 (1), [maintenant 495(1)] du Code criminel, aux pages 250-251:
En résumé donc, le Code criminel exige que l'agent de police qui effectue une arrestation ait subjectivement des motifs raisonnables et probables d'y procéder. Ces motifs doivent en outre être objectivement justifiables, c'est-à-dire qu'une personne raisonnable se trouvant à la place de l'agent de police doit pouvoir conclure qu'il y avait effectivement des motifs raisonnables et probables de procéder à l'arrestation. Par ailleurs, la police n'a pas à démontrer davantage que l'existence de motifs raisonnables et probables. Plus précisément, elle n'est pas tenue, pour procéder à l'arrestation, d'établir une preuve suffisante à première vue pour justifier une déclaration de culpabilité.
[21] L'existence de motifs raisonnables doit se justifier au-delà des simples soupçons qu'un agent de la paix peut avoir au sujet d'une personne. (R.c. Kokesh, 1990 CanLII 55 (C.S.C.), [1990] 3 R.C.S. 3; Hunter c. Southam, 1984 CanLII 33 (C.S.C.), [1984] 2 R.C.S. 145; R. c. Bennett 1996 CanLII 6344 (QC C.A.), (1996), 108 C.C.C. (3d) 175 (C.A. Qué.)) L'agent de la paix doit croire - personnellement - qu'un crime a été commis ou est sur le point de l'être en se fondant sur des informations fiables et convaincantes sans toutefois nourrir une complète certitude relativement à l'exactitude de ces informations. Bref, le portrait factuel dont bénéficie l'agent de la paix, préalablement à son intervention, doit être sérieux et consistant.
[22] Une fois démontrée la croyance subjective du policier, la Cour doit encore se demander si les exigences relatives au critère objectif proposé dans R. c. Storrey, précité, sont remplies. La Cour doit alors déterminer si une personne raisonnable se trouvant dans la même situation que le policier aurait cru à l'existence de motifs raisonnables justifiant l'arrestation de la personne sans mandat. Dans l'arrêt R. c. Collins, 1987 CanLII 84 (C.S.C.), [1987] 1 R.C.S. 265, la Cour suprême a déterminé que le concept de «personne raisonnable» se rapportait à une personne de type moyen évoluant au sein de la société.
[24] Dans l'arrêt R.c. Debot, 1989 CanLII 13 (C.S.C.), [1989] 2 R.C.S. 1140, la juge Wilson examine le concept de raisonnabilité des motifs en regard d'une fouille policière et propose, à la page 1168, de répondre à trois questions:
Premièrement, les renseignements permettant de prévoir la perpétration d'une infraction criminelle étaient-ils convaincants ? Deuxièmement puisque ces renseignements reposaient sur un tuyau provenant d'une source extérieure à la police, cette source était-elle fiable ? Enfin, l'enquête de la police confirmait-elle ces renseignements avant que les policiers procèdent à la fouille ? Je n'affirme pas que chacune de ces questions constitue un critère distinct. Je me range plutôt à l'avis du juge Martin d'après lequel (TRADUCTION) «l'ensemble des circonstances» doit satisfaire au critère du caractère raisonnable. La valeur des renseignements sous deux aspects peut, dans une certaine mesure, compenser leur faiblesse sous le troisième.
[25] Dans l'arrêt Debot, il s'agissait d'évaluer la légalité d'une fouille sans mandat plutôt qu'une arrestation sans mandat. Toutefois, ces principes s'appliquent chaque fois qu'un agent de la paix agit sur la foi d'éléments fournis par un informateur (R. c. Plant, 1993 CanLII 70 (C.S.C.), [1993] 3 R.C.S. 281, à la p. 297).
[26] Le juge Lamer, s'exprimant au nom de la majorité dans R.c. Greffe, 1990 CanLII 143 (C.S.C.), [1990] 1 R.C.S. 755, offre un éclairage intéressant quant aux principes pouvant guider la Cour dans son évaluation de la fiabilité des renseignements obtenus par un informateur. Il détermine que l'arrêt de principe sur l'évaluation des renseignements confidentiels est celui rendu par la Cour d'appel de l'Ontario dans R. c. Debot 1986 CanLII 113 (ON C.A.), (1986), 30 C.C.C. (3d) 207 (C.A. Ont.), sous la plume du juge Martin et confirmé par la Cour suprême (R. c. Debot, précitée). Le juge Martin écrivait aux pp. 218 et 219:
[TRADUCTION] Je suis d'avis que la simple affirmation non étayée par un informateur à un agent de police ne constitue pas un motif raisonnable de procéder à une fouille sans mandat. […] Parmi les questions très pertinentes […] il y a celles de savoir si le renseignement communiqué par l'informateur comporte suffisamment de détails pour assurer qu'il s 'appuie sur quelque chose de plus que de simples rumeurs ou racontars, si l'informateur a révélé la source ou l'origine des renseignements et s'il y a des indices de fiabilité de l'informateur, comme le fait d'avoir fourni, dans le passé, des renseignements sûrs ou la confirmation d'une partie de ses renseignements par la surveillance policière.
[27] Quant à la corroboration des renseignements fournis par l'informateur, soit la troisième question formulée par la juge Wilson, dans R. c. Debot précité, le juge Proulx souligne, dans l'arrêt R. c. Bennett, précité, en s'inspirant de la jurisprudence américaine, l'importance que doivent accorder les policiers à l'existence d'éléments de corroboration extrinsèques à l'informateur et qui permettent de confirmer l'information reçue avant de procéder à l'action policière.
[34] Dans ces circonstances, qu'il s'agisse de l'appréciation in concreto ou in abstracto du caractère raisonnable des motifs, il faut conclure que les agents, subjectivement, ou une personne raisonnable, objectivement, ne pouvaient conclure qu'il y avait effectivement les motifs raisonnables de procéder à l'arrestation sans mandat pour complot en vue de l'importation de stupéfiants. Conséquemment, le juge de première instance a eu raison de conclure au caractère illégal de l'arrestation.
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