R. c. Von Gunten, 2006 QCCA 286 (CanLII)
[13] J’examinerai sommairement chacun des moyens soulevés par le ministère public en commençant par celui qui concerne la gravité objective du crime dont il s’agit. La Cour suprême du Canada a commenté cette question dans l'arrêt Sharpe:
On peut dire que les liens entre la possession de pornographie juvénile et le préjudice causé aux enfants sont plus ténus que ceux qui existent entre la production et la distribution de pornographie juvénile et le préjudice causé aux enfants. Toutefois, la possession de pornographie juvénile contribue au marché de cette forme de pornographie, lequel marché stimule à son tour la production qui implique l'exploitation d'enfants. La possession de pornographie juvénile peut faciliter la séduction et l'initiation des victimes, vaincre leurs inhibitions et inciter à la perpétration éventuelle d'infractions.
[14] Il ne fait pas de doute que le crime de possession en est un sérieux. Il faut toutefois se garder de le confondre avec les crimes de production et de distribution, lesquels entretiennent un rapport encore plus étroit avec le mal que le législateur cherche à éradiquer, en l’occurrence l’exploitation éhontée des enfants.
[15] Dans la même veine, on ne peut faire abstraction du fait que le législateur a rangé ce crime dans la catégorie de ceux qui ne peuvent commander une peine supérieure à cinq ans d'emprisonnement. De ce point de vue, il fait partie de l’une des catégories les moins graves de toutes celles qui recoupent les crimes susceptibles de faire l'objet d'une poursuite par acte d'accusation. Ainsi, objectivement, selon le législateur, il s’agit d’un crime moins grave que le vol d’un bien d’une valeur supérieure à 5000 $.
[17] En ce qui a trait à la gravité subjective, le juge n’a pas spécifiquement mentionné le fait que certaines des photos possédées par l’intimé mettaient en scène des bébés impliqués dans des activités sexuelles déshumanisantes. Il me paraît toutefois avoir pris en compte la nature du matériel en cause, l'utilisation qu’en faisait l’intimé de même que l'âge parfois très jeune des enfants impliqués. Au sujet du caractère sordide de ce matériel, le juge s’exprime ainsi :
D'abord je dois dire tout de suite que le matériel que l'on m'a montré est une exploitation sexuelle dégradante, dégoûtante et que quatre-vingt-dix-neuf pour cent (99%) de la population ne peut regarder sans y trouver un certain dégoût. Je crois que pour tirer un certain plaisir à regarder ces images, il faut avoir une sexualité déviante.
[18] Relativement à l’ampleur du crime, le juge a attribué à l'intimé la possession de 40 000 photos interdites en plus des 106 films vidéo. Ainsi, sous ce dernier rapport, il y a bel et bien erreur, mais cette méprise ne peut avoir induit le juge à prononcer une peine trop clémente, puisque l’erreur dont il s’agit accentue la responsabilité de l'intimé. En effet, la preuve révèle que 70% des 44 000 photographies détenues portaient sur de la pornographie juvénile, ce qui donne un résultat net de quelque 30 000 photos interdites, soit 10 000 de moins que le nombre retenu par le juge.
[19] Cette quantité demeure importante et elle paraît être la plus élevée de toutes celles qui ont été considérées au Québec jusqu'à présent dans des affaires de nature analogue. J'estime toutefois que, dans l'évaluation de la gravité subjective du crime, il faut se garder d'attribuer une importance trop grande à la quantité de matériel possédé par un accusé lorsque, comme en l’espèce, cette possession tire son origine de l'utilisation d'Internet. À cet égard, je fais miennes les remarques du juge Bonin de la Cour du Québec dans l'affaire Chassé:
Ainsi, à l'heure de la technologie d'Internet, il faut peut-être éviter de considérer la quantité d'images comme étant en soi le facteur le plus aggravant. Il serait possible d'obtenir des centaines d'images, voire peut-être des milliers à l'intérieur de 24 heures d'utilisation d'Internet.
[20] Ici, l’ampleur relative doit être considérée sous l’éclairage de la preuve administrée par le ministère public.
[24] Relativement aux principes directeurs de détermination de la peine en matière de possession de pornographie juvénile, l'examen de la jurisprudence des tribunaux d’appel ne me convainc pas que la peine prononcée par le juge se démarquerait de façon déraisonnable de celles qui sont généralement infligées au Canada dans le cas de possession simple par des contrevenants n'ayant pas d'antécédents en semblable matière. Certes, on retrouve certaines peines d'emprisonnement ferme, mais on en relève un nombre équivalent à être purgées dans la collectivité. La durée varie d’un cas à l’autre, mais elle n’excède pas 18 mois.
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