mardi 18 août 2009

Traitement à accorder à la déclaration faite avant que les policiers ait avisé l'individu de ses droits constitutionnels

R. c. Elshaw, 1991 CanLII 28 (C.S.C.)

Les facteurs à prendre en considération pour déterminer si l'utilisation de certains éléments de preuve, dans une instance, serait susceptible de déconsidérer l'administration de la justice peuvent se diviser en trois groupes selon leur effet sur la considération dont jouit l'administration de la justice. Le premier groupe englobe les facteurs liés à l'équité du procès. Le deuxième groupe touche la gravité des violations de la Charte, qui ressort de la conduite des autorités chargées d'appliquer la loi. Le troisième groupe de facteurs concerne la possibilité que l'administration de la justice soit déconsidérée par l'exclusion des éléments de preuve, même s'ils ont été obtenus d'une manière contraire à la Charte. La gravité tient au caractère délibéré ou non de la violation commise par les autorités, à l'existence d'une situation d'urgence et de nécessité, ainsi qu'à la présence d'autres facteurs aggravants ou atténuants.

La déclaration incriminante n'aurait pas dû être admise en l'espèce. La violation des droits de l'appelant était grave. Ce qui importe c'est que les policiers ont obtenu des éléments de preuve d'un détenu avant de s'acquitter des obligations que leur impose l'al. 10b), et non pas la durée relativement courte de la détention de l'appelant. Il y a eu violation de l'al. 10b) dès que l'agent de police s'est mis à interroger l'appelant sans l'informer qu'il pouvait avoir recours à l'assistance d'un avocat. La déclaration obtenue dans ces circonstances a largement contribué au verdict de culpabilité rendu contre l'appelant. Elle a été utilisée, en outre, pour former un lien avec une preuve de faits similaires relativement à la condamnation antérieure de l'appelant pour agression sexuelle contre des enfants, preuve sur laquelle a été fondée la peine de durée indéterminée prononcée contre l'appelant en tant que délinquant dangereux.

Bien qu'il puisse avoir été raisonnable et nécessaire de placer l'appelant dans le fourgon cellulaire, il n'était pas nécessaire, dans les circonstances, de violer le droit que lui garantissait la Charte. Le ministère public n'a présenté aucune explication ni aucun élément de preuve démontrant pourquoi les policiers n'auraient pas pu attendre pour l'interroger. Pour que l'urgence de la situation ou la nécessité constituent des facteurs atténuants, elles doivent procéder de la nécessité d'obtenir des renseignements sans délai, avant d'informer le suspect de son droit d'avoir recours à l'assistance d'un avocat, plutôt que de la nécessité de recourir à la détention ou à l'arrestation pour limiter les déplacements du suspect. L'urgence de la détention ne devrait pas servir de prétexte pour violer le droit à l'assistance d'un avocat dans un cas où il n'est nullement nécessaire d'interroger le prévenu immédiatement.

Même à supposer que la bonne foi des policiers ait été établie de façon concluante, elle n'aurait pas dû être considérée comme un facteur atténuant la violation des droits de l'appelant. La bonne foi de la police ne militera pas en faveur de l'utilisation de la preuve obtenue pour remédier à un procès inéquitable. Le fait que les policiers croyaient agir raisonnablement n'a guère de quoi consoler un accusé si, par suite de leurs actes, il subit une atteinte à son droit à l'équité du processus criminel.

Nul ne peut conjecturer sur ce que l'appelant aurait pu dire ou faire au moment de sa détention s'il avait été informé de son droit à l'assistance d'un avocat ou même de son droit de garder le silence. Motiver l'utilisation des éléments de preuve par le fait qu'il aurait pu faire un aveu, c'est miner complètement le droit à l'assistance d'un avocat, consacré dans la Charte.

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