mardi 18 août 2009

Procédure pour évaluer correctement s'il y a eu violation du droit à l'avocat

R. c. Rondeau, 2005 CanLII 56354 (QC C.Q.)

[16] En premier lieu, il faut rappeler qu'une déclaration fait par un accusé à une personne en autorité doit faire l'objet d'un voir-dire, même s'il s'agit de res gestae.

[17] L'article 10 de la Charte prévoit ce qui suit: «Chacun a le droit, en cas d'arrestation ou de détention: a) d'être informé dans les plus brefs délais des motifs de son arrestation ou de sa détention; b) d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat et d'être informé de ce droit; […]».

[18] Il incombe à l'accusé d'établir, selon la prépondérance des probabilités, qu'il y a eu atteinte à ses droits constitutionnels. En vertu de l'article 24 (2) de la Charte, le tribunal peut écarter les éléments de preuve obtenus en violation des droits, mais seulement si leur utilisation est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice.

[19] Dès 1987, le juge Lamer, dans R. c. Manninen, a défini les composantes du droit à l'avocat, dans le contexte où un accusé avait répondu à une question piège avant d'entrer en communication avec son avocat. Notamment:

[…] l'al. 10b) impose aux policiers l'obligation de cesser d'interroger ou de tenter autrement de soutirer des éléments de preuve du détenu tant qu'il ne se sera pas vu offrir une possibilité raisonnable de recourir à l'assistance d'un avocat. Le droit à l'assistance d'un avocat a pour objet de permettre à la personne détenue non seulement d'être informée de ses droits et de ses obligations en vertu de la loi, mais également, voire qui plus est, d'obtenir des conseils sur la façon d'exercer ces droits. […] Pour que le droit à l'assistance d'un avocat soit efficace, le détenu doit pouvoir obtenir ces conseils avant d'être interrogé ou requis autrement de fournir des éléments de preuve.

[20] En 1994, dans R. c. Bartle, qui concerne les modalités d'accès aux services juridiques gratuits, la Cour suprême résume ainsi l'état du droit:

L'objet du droit à l'assistance d'un avocat que garantit l'al. 10b) de la Charte est de donner à la personne détenue la possibilité d'être informée des droits et des obligations que la loi lui reconnaît et, ce qui est plus important, d'obtenir des conseils sur la façon d'exercer ces droits et de remplir ces obligations […]. Cette possibilité lui est donnée, parce que, étant détenue par les représentants de l'État, elle est désavantagée par rapport à l'État. Non seulement elle a été privée de sa liberté, mais encore elle risque de s'incriminer. Par conséquent, la personne "détenue" au sens de l'art. 10 de la Charte a immédiatement besoin de conseils juridiques, afin de protéger son droit de ne pas s'incriminer et d'obtenir une aide pour recouvrer sa liberté […]. L'alinéa 10b) habilite la personne détenue à recourir de plein droit à l'assistance d'un avocat "sans délai" et sur demande. Comme l'a dit notre Cour […] le droit à l'assistance d'un avocat prévu à l'al. 10b) vise à assurer le traitement équitable dans le processus pénal des personnes arrêtées ou détenues.

[…]

Notre Cour a dit à maintes reprises que l'al. 10b) de la Charte impose aux représentants de l'État qui arrêtent une personne ou qui la mettent en détention les obligations suivantes:

(1) informer la personne détenue de son droit d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat et de l'existence de l'aide juridique et d'avocats de garde;

(2) si la personne détenue a indiqué qu'elle voulait exercer ce droit, lui donner la possibilité raisonnable de le faire (sauf en cas d'urgence ou de danger);

(3) s'abstenir de tenter de soutirer des éléments de preuve à la personne détenue jusqu'à ce qu'elle ait eu cette possibilité raisonnable (encore une fois, sauf en cas d'urgence ou de danger).

[…] La première obligation […] touche à l'information. Les deuxième et troisième participent davantage de l'obligation de mise en application et ne prennent naissance que si la personne détenue indique qu'elle veut exercer son droit à l'assistance d'un avocat.

[21] Quant aux termes «sans délai», la Cour suprême a retenu dans l'affaire Manninen la portée suivante: «[…] lorsqu'un téléphone est disponible, avant même l'arrivée au poste de police, rien ne justifie de retarder la possibilité d'entrer en communication avec un avocat jusqu'à l'arrivée au poste».

[22] En outre, l'expression «soutirer des éléments de preuve» a été balisée dans R. c. Broyles, affaire

À mon avis, il est difficile de donner une définition brève et précise de l'obtention de renseignements de façon irrégulière; il faudrait plutôt tenir compte d'une série de facteurs pour trancher la question en litige. Ces facteurs permettent d'établir les rapports existant entre les représentants de l'État et l'accusé, de façon à répondre à la question suivante: Compte tenu de toutes les circonstances entourant l'échange entre l'accusé et le représentant de l'État, existe-t-il un lien de causalité entre la conduite du représentant de l'État et la décision de l'accusé de faire une déclaration?

[23] En 2002, la Cour d'appel de l'Ontario a proposé le test suivant dans R. c. McKenzie:

[…] the test to be applied is one which concentrates on the interchange between the police and the detainee with a view to determining whether, in all of the circumstances, there is a causal link between the conduct of the police and the making of the statement by the detainee.

[24] Dans l'affaire McKenzie, un individu avait formulé des aveux à un agent banalisé muni d'un micro-émetteur de poche [body pack]. Subséquemment mis en arrestation et inculpé de meurtre, l'accusé entend se prévaloir de son droit à l'avocat. Dans l'intervalle, l'agent banalisé se présente et les policiers en charge de l'interrogatoire font jouer l'enregistrement. Lorsque conduit à sa cellule, l'accusé passe finalement aux aveux. Au procès, le juge déclare cette confession admissible mais la Cour d'appel intervient et prononce une exclusion de la preuve, voyant un lien entre la conduite des policiers et les aveux. Cette conduite «[…] amounted to the functional equivalent of an interrogation»

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