R. c. Leclerc, 2001 CanLII 16729 (QC C.Q.)
L’auteur Irénée Lagarde définit la preuve circonstancielle comme consistant :
« […] dans la relation de faits, lesquels pris isolément peuvent n’avoir aucune portée directe sur le litige, mais dont l’ensemble amène l’esprit logique à conclure irrésistiblement dans un sens donné sans pouvoir concevoir, dans les circonstances, d’autres solutions logiques».
La Cour suprême, sous la plume du juge Hall, a également définit la portée et les limites de ce type de preuve :
"I recognize fully that guilty can be brought home to an accused by circumstantial evidence; that there are cases where the circumstances can be said to point inexorably to guilt more reliably than direct evidence; that direct evidence is subject to the everyday hazards of imperfect recognition or of imperfect memory or both. The circumstantial evidence case is built piece by piece until the final evidentiary structure completely entraps the prisoner in a situation from which he cannot escape. There may be missing from that structure a piece here and there and certain imperfections may be discernible, but the entrapping mesh taken as a whole must be continuous and consistent".
Pendant plus de cinquante ans, les tribunaux canadiens ont adopté, presque servilement, l’approche proposée par le baron Alderson dans l’affaire Hodge dans les cas où la preuve était entièrement ou essentiellement indirecte. En vertu de cette affaire, le juge devait informer le jury que, pour en arriver à une conclusion de culpabilité, « […] ils devaient être convaincus que la preuve était compatible avec la culpabilité, mais incompatible avec toute autre solution logique ». Il s’agissait donc d’un fardeau de persuasion beaucoup plus élevé que le critère du « hors de tout doute raisonnable » que l’on applique en droit criminel.
La Cour suprême, dans l’affaire Mitchell, a d’abord clarifié la situation en soulignant que l’affaire Hodge concernait uniquement la question de l’identification de l’accusé en tant qu’auteur de l’infraction reprochée. En effet, dans cette affaire, la perpétration d’un crime ne faisait aucun doute et le jury devait déterminer si l’accusé était l’auteur du crime. La règle de l’affaire Hodge ne pouvait donc avoir une quelconque incidence sur une affaire dans laquelle il était question de l’intention de l’accusé.
La Cour suprême a ensuite rendu l’affaire Cooper dans laquelle elle a assoupli considérablement la rigueur de l’interprétation énoncée dans Hodge. Ainsi, depuis Cooper, « […] il suffit d’expliquer aux jurés qu’ils doivent simplement être convaincus hors de tout doute raisonnable ». Plus précisément, la Cour a énoncé la directive appropriée à faire au jury à cet égard :
"Il suffit d’expliquer clairement aux jurés qu’avant de fonder un verdict de culpabilité sur une preuve indirecte, ils doivent être convaincus hors de tout doute raisonnable que la culpabilité de l’accusé est la seule déduction logique qui puisse être tirée des faits prouvés. À cet égard, je partage l’avis du Juge en chef qui rejette la formule Hodge comme règle de droit inexorable au Canada".
Plus récemment, la Cour suprême a ainsi résumé la façon d’aborder une preuve circonstancielle : « […] les circonstances doivent appuyer la culpabilité et rejeter l’innocence ».
Si la poursuite a comme fardeau de prouver hors de tout doute raisonnable la culpabilité de l’accusé, elle n’a pas à prouver chacun des éléments de preuve de façon hors de tout doute raisonnable. Le juge ou le jury qui condamnera un accusé sur la base d’une preuve circonstancielle devra plutôt être convaincu hors de tout doute raisonnable de sa culpabilité tout en se basant sur l’ensemble de la preuve. En effet, il est essentiel, dans l’appréciation d’une preuve circonstancielle, que « […] tous les faits soient considérés chacun par rapport à l’ensemble ». La nature même de la preuve circonstancielle exige que l’analyse soit conduite de cette manière :
"Il est évident que dans toute preuve circonstancielle, il y a toujours quelques éléments de preuve qui ne sont pas parfaitement clairs ou qui pourraient être interprétés autrement, mais, dans bien des cas, […], ceci n’empêche pas que les jurés puissent se former sur l’ensemble, une opinion hors de tout doute raisonnable, de la culpabilité de l’accusé".
La question de savoir si la preuve circonstancielle a établi la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable est une question de fait qui résulte d’une appréciation de la preuve. Dans un procès devant jury, c’est aux jurés qu’il revient de faire cette appréciation.
Les règles de preuve (crédibilité, recevabilité et pertinence) s’appliquent à la preuve circonstancielle de la même manière qu’elles s’appliquent à une preuve directe.
Si le juge des faits ne doit pas tirer une inférence défavorable à l’accusé qui choisit de ne pas témoigner, « […] l’effet cumulatif de différents types de preuve circonstancielle pourra conduire à une culpabilité en l’absence d’une preuve contraire de l’accusé ». L’absence de preuve contraire de la part de l’accusé peut, en effet, faciliter une conclusion de culpabilité :
"No person is required to explain or deny suspicious circumstances, but where a prima facie case is made out, that is, a case upon which the jury will be warranted in convicting, although they are not required to convict, the accused risks conviction if he does not introduce evidence to explain or contradict the prima facie case".
Enfin, rappelons que le ministère public n’est pas tenu de présenter une preuve directe du corpus delicti et que la seule preuve circonstancielle peut établir la culpabilité de l’accusé
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