vendredi 4 septembre 2009

Éléments essentiels de l'agression sexuelle

R.c. Dorilas, 2005 CanLII 39723 (QC C.Q.)

[76] La Cour suprême du Canada dans la cause de la Reine c. Ewanchuk est venue établir les balises permettant d'analyser les éléments essentiels de l'agression sexuelle.

[77] Pour la Cour suprême, cette analyse implique deux phases fondamentales.

[78] Dans un premier temps, le juge des faits doit se pencher sur la commission de l'actus reus, c'est-à-dire examiner si la preuve révèle hors de tout doute raisonnable qu'il y a eu des attouchements à caractère sexuel non souhaités.

[79] Dans un deuxième temps, il doit se demander si la mens rea requise est également prouvée hors de tout doute raisonnable, c'est-à-dire si l'accusé avait l'intention de se livrer à des attouchements tout en sachant que la plaignante ne consentait pas, soit par des paroles ou des gestes de celle-ci ou soit en faisant montre d'insouciance ou d'aveuglement volontaire à l'égard de cette absence de consentement.

[80] La Cour spécifie que les deux premiers éléments de l'actus reus, soit les attouchements et la nature sexuelle de ceux-ci sont des éléments objectifs alors que l'absence de consentement est un élément subjectif, c'est-à-dire déterminé par l'état d'esprit subjectif dans lequel se trouve la plaignante dans son for intérieur.

[81] Bien que le témoignage de la plaignante soit la seule preuve directe de son état d'esprit, le juge doit apprécier sa crédibilité à la lumière de l'ensemble de la preuve, y compris de tout comportement ambigu de cette dernière.

[82] Il sera toujours loisible à un accusé de prétendre que des paroles ou des actes de la plaignante avant et pendant l'incident, soulèvent un doute raisonnable quant à l'affirmation de celle-ci selon laquelle, dans son esprit, elle ne voulait pas que les attouchements sexuels aient lieu.

[83] Autrement dit concernant l'actus reus, le Tribunal, dans le cas d'une preuve non contredite au niveau de l'absence de consentement, doit accepter soit l'affirmation ou la perception subjective de la plaignante à l'effet qu'elle ne consentait pas.

[84] Lorsque la preuve est contradictoire sur ce point, le juge des faits doit appliquer les règles régissant les versions contradictoires au niveau de la crédibilité.

[85] Cependant même si le comportement de la présumée victime soulève un doute raisonnable quant à l'absence de consentement, il peut arriver des situations où le juge devra s'interroger sur les facteurs qui ont pu motiver le consentement apparent et donc sur le côté volontaire de celui-ci.

[86] Lorsque l'absence de consentement a été établi hors de tout doute raisonnable, l'analyse de l'actus reus est alors terminée.

[87] C'est à ce moment-là que le juge doit déterminer si la perception des événements par l'accusé indique qu'il avait également la mens rea requise. Les deux éléments essentiels qui la constituent, sont l'intention de se livrer à des attouchements et la connaissance ou l'insouciance ou l'aveuglement volontaire à l'absence de consentement.

[88] Cette notion de consentement eu égard à la mens rea de l'accusé, reçoit ses limites à la fois de la common law et des dispositions spécifiques de l'article 273.1(2) et 273.2 du Code criminel. Le fait que l'accusé soulève la question du consentement équivaut à toute fin pratique, à une prétention de croyance sincère de consentement. Si cette croyance est jugée erronée, on doit en apprécier la sincérité. Cette recherche de sincérité implique dans un premier temps un questionnement sur la présente ou non d'éléments de preuve qui confèrent une vraisemblance à la défense. Si cette première démarche reçoit une réponse affirmative, alors le juge des faits doit déterminer si l'accusé croyait sincèrement que la plaignante avait communiqué son consentement et si cette sincérité découle d'autre chose que d'une insouciance ou d'un aveuglement volontaire. Cette sincérité ne doit pas être non plus entachée par la connaissance d'un des facteurs prévus à 273.1(2) ou 273.2 du Code criminel, entre autres l'incapacité de former un consentement valide.

[89] Dit en d'autres mots, la défense du prévenu sur la présence d'un consentement s'attaque à l'actus reus mais la croyance sincère mais erronée au consentement de la part de ce dernier s'attaque à la mens rea.

[90] À partir du moment où l'accusé, comme c'est le cas dans le présent dossier, prétend qu'il y a eu consentement de la part de la plaignante, il indique que sa défense porte sur l'actus reus.

[91] Comme le signale la Cour d'appel du Québec dans l'arrêt Lapointe [7], dans l'hypothèse où le juge conclut quant à l'actus reus à un consentement valide, l'infraction n'est pas commise et l'examen de la mens rea n'est pas requis

[92] Dans cette même décision, en se référant à l'arrêt Blondin, la Cour indique :

"Ce n'est pas le fait d'avoir des relations sexuelles avec une personne vulnérable qui constitue l'infraction, mais bien d'avoir des rapports sexuels avec une personne qui ne consent pas ou dont le consentement est vicié … par son incapacité de le former."

[93] C'est donc dire que dans l'hypothèse où le juge en arrive à la conclusion qu'il y a un doute raisonnable quant à l'absence de consentement de la plaignante, il doit également se demander si le consentement a été volontaire et donc valablement donné.

[94] Comme nous le soulignions, dans le présent dossier, la preuve au niveau de l'absence ou la présence d'un consentement est contradictoire.

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