lundi 9 août 2010

Comment les tribunaux interprètent un plaidoyer de culpabilité lors de la détermination de la peine

R. c. Deng, 2003 CanLII 32942 (QC C.A.)

[27] Les appelants ne doivent surtout pas être «punis» pour s'être prévalus de leur droit indéniable à un procès. Par contre, ils sont mal venus de réclamer une identité de traitement avec ceux qui ont pu bénéficier de la clémence du tribunal pour avoir plaidé coupable. Les accusés auxquels les appelants se comparent ont tous enregistré un plaidoyer de culpabilité.

[28] Le professeur Hélène Dumont voit, dans le plaidoyer de culpabilité, un acte de collaboration à l'administration de la justice. Elle écrit ce qui suit:

C. Les facteurs d'appréciation liés à l'administration de la justice

a) Le plaidoyer de culpabilité

Les tribunaux ne sont pas très clairs quant aux raisons pour lesquelles ils attribuent un effet de mitigation au plaidoyer de culpabilité. La première raison qui s'impose, c'est de voir dans le plaidoyer de culpabilité l'expression du remords de l'accusé. On suggère aussi que le plaidoyer permet à la victime d'un crime de ne pas subir les affres d'un procès. On sait également que les plaidoyers de culpabilité épargnent les frais d'un procès et favorisent l'administration efficace de la justice. Les juges sont tout de même réticents à énoncer un principe de sentencing au sujet de l'effet de mitigation du plaidoyer de culpabilité. On peut plutôt suggérer que leurs sentences, de façon pragmatique, peuvent être interprétées comme un encouragement à plaider coupable.

[29] Elle poursuit comme suit:

L'accusé qui plaide coupable épargne temps et argent à la société puisqu'il évite à la Couronne la tenue d'un procès public. Tel serait la véritable raison d'être de la clémence des tribunaux envers les contrevenants qui plaident coupables, quels que soient le criminel et son crime.

Par exemple, dans l'arrêt Fish and MacDonald, le tribunal mentionne que le plaidoyer de culpabilité à une accusation d'homicide dispensait la poursuite de faire témoigner cent trente-neuf (139) témoins. La Cour d'appel de l'Ontario, dans une autre affaire, et s'appuyant sur la jurisprudence anglaise, révise à la baisse une peine de quatorze (14) ans imposée en première instance relativement à une importante importation de stupéfiants parce que le tribunal n'avait pas accordé d'effet atténuant significatif au plaidoyer de culpabilité:

Believing as we do that 14 years might well be regarded as a maximum sentence for the offenses involved, it is obvious, that little, if any, consideration was given by the trial judge to the fact that these two men pleaded guilty and thus saved the community a great deal of expense.

[30] L'auteur Manson exprime une opinion semblable dans son ouvrage précité:

4) Guilty Plea and Remorse

The reason that a guilty plea is usually considered to be a mitigating factor is because it implies remorse and an acknowledgement of responsibility by the offender. The extent of the mitigating value is affected by the timing of the guilty plea: the earlier, the better. This is especially true if one intends to include consideration for the victims as an added element. Avoiding the need to have a victim testify is a legitimate dimension of remorse but gets little credence if a guilty plea is entered only after hearing the witness at the preliminary hearing. Convenience to the court by saving its time is not a reason for mitigation. While this is a systemic benefit, it would be wrong to give the impression that foregoing the constitutional right to plead not guilty will garner credit simply because it makes the judge's life easier. The court is a public institution exercising an important public function and a guilty plea must reflect more that time-saving to support mitigation. In this sense, it ought to be communicated as an acceptance of responsibility.

Of course, a guilty plea is not the only way to show remorse. Sincere apologies and other efforts at reparation can convey a stronger message that simply the guilty plea. Moreover, remorse can be indicated even after a trial. The right to compel the Crown to prove its case does not entirely remove the opportunity to show remorse although it may diminish it.

[31] Dans une décision toute récente, notre Cour a appliqué le principe de la parité dans le contexte où l'une des peines comparées survenait après un plaidoyer de culpabilité. L'arrêt de la Cour énonce ce qui suit:

[178] L'appelant soutient que sa peine est alors disproportionnée à celle imposée à Cloutier, une absolution inconditionnelle, et viole ainsi le principe de la parité. Avec égards, il a tort. En effet, il faut souligner que Cloutier a collaboré en plaidant coupable alors que la condamnation de l'appelant a requis un procès par jury qui a duré onze mois. De plus, Cloutier s'est rendu compte que son comportement était illégal et il a produit par la suite des rapports conformes à la réalité. En somme, après avoir initialement entravé le cours de la justice, il s'est repris et a joué son rôle d'agent de la paix sans tenter de favoriser Sophie Brodeur. Sa situation n'est alors en rien comparable à celle de l'appelant qui lui décide en mai 1997 de produire un document qu'il sait faux alors que des accusations ont été déposées contre Sophie Brodeur. Si Cloutier a été pris de remords et s'est amendé, tel n'est pas le cas de l'appelant qui lors des représentations sur sentence prétend toujours s'être comporté conformément à la loi, ne manifestant aucun remords.

[32] Or, dans le cas présent, le juge n'a pu déceler aucun remords ni aucun acte de collaboration à l'administration de la justice de la part des appelants. Au contraire, le juge souligne, exemples à l'appui, le manque total de respect des appelants à l'égard de notre système judiciaire.

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