dimanche 29 août 2010

Il existe une distinction entre le plaidoyer de culpabilité (ou la reconnaissance de culpabilité) et la condamnation

Doyon c. R., 2004 CanLII 50105 (QC C.A.)

[43] Le choix des termes me convainc qu'il existe une distinction entre le plaidoyer de culpabilité (ou la reconnaissance de culpabilité) et la condamnation.

[44] Même s'il est réputé ne pas avoir été condamné, le contrevenant a néanmoins plaidé coupable ou été reconnu coupable, ce qui subsiste malgré qu'il ait été absous.

[45] Notre Cour a d'ailleurs fait une telle distinction dans l'arrêt Houle c. Barreau du Québec et Comité des requêtes du Barreau du Québec, REJB 2002 – 35348, juges Rochette, Pelletier et Biron (ad hoc), autorisation d'appel refusée, [2003] 1 R.C.S. xi :

Somme toute, au sens de l'article 55.1 du Code des professions, la déclaration de culpabilité de l'appelant, découlant du plaidoyer qu'il a enregistré, ne disparaît pas par l'effet de l'absolution conditionnelle; […].

[46] L'art. 55.1 du Code des professions est ainsi libellé :

Le Bureau peut, après avoir donné au professionnel l'occasion de faire valoir ses représentations écrites, le radier du tableau ou limiter ou suspendre son droit d'exercer des activités professionnelles, lorsque ce professionnel :

10 a fait l'objet d'une décision d'un tribunal canadien le déclarant coupable d'une infraction criminelle qui, de l'avis motivé du Bureau, a un lien avec l'exercice de la profession […]

[48] Dans R. c. Rozon, [1999] R.J.Q. 805 (C.S.), le juge Béliveau fait la même distinction en analysant l'art. 730 C.cr. :

[27] […] Dans l'arrêt R. c. Senior, 1997 CanLII 348 (S.C.C.), (1997) 116 C.C.C. (3d) 152, conf. à 1997 CanLII 348 (C.S.C.), [1997] 2 R.C.S. 288, la Cour d'appel de l'Alberta rappelait que le seul fait de consigner un plaidoyer de culpabilité n'entraîne pas une condamnation. Il faut que le juge enregistre la condamnation (pp. 158-159), comme le fait le juge qui préside un procès par jury doit le faire après avoir reçu le verdict de celui-ci. D'ailleurs, dans l'arrêt R. c. Pearson, 1998 CanLII 776 (C.S.C.), [1998] 3 R.C.S. 620, la Cour suprême a repris cette distinction en rappelant que lorsqu'un accusé fait valoir une défense de provocation policière, cela ne met pas en cause la culpabilité ou l'innocence de l'accusé, i.e. sa responsabilité (par. 14). Elle suppose que ce dernier est coupable mais qu'on ne le condamne pas.

[49] L'absence de condamnation ne fait donc pas disparaître rétroactivement le plaidoyer ou la reconnaissance de culpabilité, pas plus, d'ailleurs, que la réhabilitation (ou le pardon) n'anéantit rétroactivement la condamnation (Re Therrien, 2001 CSC 35 (CanLII), [2001] 2 R.C.S. 3, par. 122).

[50] Dans l'arrêt R. c. Senior, cité par le juge Béliveau, la Cour d'appel de l'Alberta s'exprime ainsi à l'égard de l'art. 736 C.cr., qui est le prédécesseur de l'actuel art. 730 , et de la distinction entre les diverses étapes d'une condamnation :

[21] […] The most obvious example of this arises in the context of discharges pursuant to s. 736 of the Code. That section reads in part :

where an accused … pleads guilty to or is found guilty of an offence, … the court before which he appears may, … instead of convicting the accused, by order direct that the accused be discharged absolutely or on the conditions prescribed in a probation order.

(emphasis added)

The language clearly distinguishes between the plea, the finding of guilt, and the act of convicting the accused. Under the provisions of this section, the fact that a judge accepts a plea of guilty or finds an accused guilty does not automatically result in a conviction. A conviction requires both the adjudication of guilt and the act of sentencing the accused to something other than a discharge. […]

[22] While a guilty plea clearly does not equate with a conviction under s. 736, this distinction is not so easily drawn in other contexts. […]

[51] Par ailleurs, étant donné que, selon l'art. 730 C.cr., le juge absout l'accusé au lieu de le condamner, la mention qu'il est réputé ne pas avoir été condamné ajoute peu. Il eût été aisé, si cela était l'objectif poursuivi, de prévoir qu'il était également réputé ne pas avoir plaidé coupable ou ne pas avoir été reconnu coupable. Ce ne fut pas le choix du législateur.

[54] Ainsi, dans Collège des médecins c. Blondin, [2002] D.T. P.Q. No 49, le Tribunal des professions écrit :

[16] De ces propos, il faut conclure que la déclaration de culpabilité et la condamnation sont bel et bien deux étapes différentes du processus pénal.

[17] L'article 55.1 (1) C.P. prévoit la possibilité d'une mesure administrative si le professionel a été déclaré coupable d'une infraction ("finding him guilty of a criminal offence") et non pas s'il a été condamné. Ce texte sans ambiguïté ne peut faire l'objet d'une interprétation différente.

[55] Dans Pelissero c. Ontario (Provincial Police), [1982] O.J. No 1359, la Cour divisionnaire s'exprime ainsi en réponse à l'argument qu'une absolution ne permettrait pas au commissaire d'instituer des procédures disciplinaires à l'endroit d'un policier coupable d'une infraction criminelle :

[7] In the case of this incident, the applicant was again charged in the criminal courts. In this case he was found guilty but was granted a conditional discharge under section 662.1 of the Criminal Code. This incident also gave rise to the third charge that was before us which was laid under section 1 (i)(g) of the Code of Offences which provides that a police officer is guilty of discreditable conduct if he,

(g) is guilty of an indictable offence or an offence punishable upon summary conviction under the Criminal Code (Canada);

[8] The submission made on behalf of the applicant is that this provision in the Code should be interpreted as meaning that a police officer is guilty of discreditable conduct thereunder only if a conviction has been entered against him in respect of the offence. The effect of the conditional discharge was that no conviction was entered against the applicant in respect of the criminal charge. On the other hand, the conditional discharge could only have been granted if the applicant was found guilty or had pleaded guilty. We are not persuaded that the provision of the Code can be interpreted in the way that is suggested. The plain words of the Code are "is guilty of an … offence" and that is precisely what occurred in this case.

[56] Enfin, dans Desbiens c. Canada (Royal Canadian Mounted Police, Commissioner), [1986] F.C.J. No 928, le Cour fédérale d'appel déclare :

An absolute discharge under section 662.1 by definition involves a finding of guilt; there can be simply no doubt that a person who has been found guilty has been "involved in the commission" of an offence.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire