R. c. Grandinetti, 2005 CSC 5, [2005] 1 R.C.S. 27
40 Même si le critère relatif à la personne en situation d’autorité ne s’applique pas de manière absolue, sauf circonstances exceptionnelles, un agent double ne sera pas une personne en situation d’autorité puisque l’accusé ne le percevra habituellement pas ainsi. La jurisprudence le confirme. Comme l’a expliqué le juge Cory dans l’arrêt Hodgson :
La question de la qualité de personne en situation d’autorité de la personne qui a reçu la déclaration se pose seulement si l’accusé connaissait cette qualité. Si l’accusé ne peut pas prouver qu’il connaissait la qualité de la personne ayant reçu sa déclaration (par exemple, dans le cas d’un agent double) [. . .], l’examen de la question de savoir si la personne ayant reçu la déclaration était une personne en situation d’autorité doit cesser. [par. 39]
(...)
41 Même s’il a reconnu qu’un agent double n’est habituellement pas une personne en situation d’autorité, l’appelant soutient que lorsque son stratagème consiste notamment à laisser entendre qu’il a des liens avec des policiers corrompus et que ces derniers pourraient influencer l’enquête et la poursuite relatives à l’infraction, l’agent est une personne en situation d’autorité.
42 Or, suivant la règle traditionnelle des confessions,
[traduction] la personne en situation d’autorité est une personne concernée par les poursuites judiciaires et qui, de l’avis de l’accusé, peut en influencer le déroulement.
(...)
43 Cette idée me paraît développée dans l’arrêt Hodgson, où le juge Cory dit de la personne en situation d’autorité qu’aux yeux de l’auteur de la déclaration, elle est un « mandataire de la police ou des autorités chargées des poursuites », un « allié des autorités étatiques », qu’elle agit « pour le compte de la police ou des autorités chargées des poursuites » ou « de concert avec les autorités policières ou celles chargées des poursuites, [. . .] en tant que mandataire de celles‑ci » (par. 34-36 et 47). Voici comment il a expliqué cette théorie plus avant :
Comme l’exigence relative à la personne en situation d’autorité vise à faire échec au comportement coercitif de l’État, le critère de la personne en situation d’autorité ne peut inclure les personnes que l’accusé croit déraisonnablement être des personnes agissant pour le compte de l’État. En conséquence, si l’accusé parle par crainte de représailles ou dans l’espoir d’obtenir un avantage parce qu’il croit raisonnablement que la personne qui reçoit sa déclaration agit à titre de mandataire de la police ou des autorités chargées des poursuites et qu’elle pourrait par conséquent avoir quelque influence ou pouvoir sur les poursuites engagées contre lui, cette personne est alors à juste titre considérée comme une personne en situation d’autorité. Autrement dit, la preuve doit révéler non seulement que l’accusé croyait subjectivement que la personne recevant la déclaration avait un certain pouvoir sur les poursuites engagées contre lui, mais elle doit établir l’existence d’un fondement objectivement raisonnable à l’égard de cette croyance.
(...) il n’existe aucune liste de personnes qui sont considérées d’office comme des personnes en situation d’autorité du seul fait de leur qualité. Un parent, un médecin, un enseignant ou un employeur peuvent tous être considérés comme des personnes en situation d’autorité si les circonstances le justifient, mais leur qualité, ou le simple fait qu’ils peuvent exercer une certaine autorité personnelle sur l’accusé, ne suffit pas à faire d’eux des personnes en situation d’autorité pour l’application de la règle des confessions. [. . .] [L]’exigence relative à la personne en situation d’autorité a évolué d’une manière qui évite l’application d’une approche formaliste ou légaliste aux interactions entre de simples citoyens. Au contraire, elle commande un examen au cas par cas de la croyance de l’accusé au sujet de la capacité de la personne qui reçoit sa déclaration d’influencer l’enquête ou la poursuite du crime. En d’autres mots, le juge du procès doit déterminer si l’accusé croyait raisonnablement que la personne qui a reçu la déclaration agissait pour le compte de la police ou des autorités chargées des poursuites. [par. 34 et 36]
44 L’appelant croyait que les agents doubles étaient des criminels, pas des policiers, même s’il pensait que ces criminels avaient des liens avec des policiers corrompus susceptibles d’influencer l’enquête dont il était l’objet. Lorsque, comme en l’espèce, l’accusé avoue son crime à un agent double qu’il croit en mesure d’influencer, grâce au concours de policiers corrompus, l’enquête dont il fait l’objet, le pouvoir coercitif de l’État n’est pas en cause. Les déclarations n’ont donc pas été faites à une personne en situation d’autorité.
45 L’accusé ne s’étant pas acquitté de sa charge de présentation quant à l’existence d’une véritable question en litige justifiant un examen, la tenue d’un voir‑dire sur le caractère volontaire de l’aveu était inutile.
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