jeudi 5 août 2010

L’affidavit doit être signé par les requérants et non par leur procureur

Gagnon c. R., 2007 QCCQ 1797 (CanLII)

[19] En signant l’affidavit pour et au nom des requérants, Me Walsh devient un témoin contraignable et soumis au contre-interrogatoire de la partie intimée.

[20] La Cour fait sienne les remarques du Juge Boilard dans l’arrêt Thibault c. Procureur général du Québec, précité, où il énonce, aux pages 6 et 7 de sa décision, ce qui suit :

20.1 « (…) j’estime que l’avocat ne peut se porter partie dans une procédure qu’il pilote au nom d’un client. »

20.2 « L’avocat est un porte-parole, l’avocat est un représentant, l’avocat est un conseiller d’un justiciable mais il ne peut devenir à la fois justiciable et porte-parole. Il faut que la démarcation entre les deux demeure toujours claire et nette. C’est la raison pour laquelle, entre autres, un avocat qui devient témoin dans un litige ne peut plus continuer d’agir. »

[21] Le juge Boilard cite avec approbation l’arrêt R. c. Deslauriers de la Cour d’appel du Manitoba, 1992, 77 C.C.C.(3d) 329, aux pages 336 et 337 où le juge Twaddle s’exprime de la façon suivante :

21.1 “It is a long-established rule that a lawyer should not be both counsel and a witness in a case. Speaking on the Divisional Court’s behalf following the hearing in R. v. Secretary of State for India, [1941] 2 K.B. 169 at p. 175n, Humphreys J. said:

(…) A barrister may be briefed as counsel in a case or he may be a witness in a case. He should not act as counsel and witness in the same case.”

21.2 “In my experience, this rule has been applied not only in cases where evidence is given “viva voce”, also in cases where it is given by affidavit. This means that a lawyer should not appear as counsel on a motion where his affidavit is before the Court.”

21.3 “The rigour of this rule is sometimes relaxed where the fact deposed to by counsel are non-controversial or where the interests of Justice demand it. This relaxation however, a concession to expediency, ordinarily permitted only where the lawyer’s credibility will not be impeached and where neither is conduct nor judgment is questioned.”

21.4 “The scope of this rule is not limited to cases where counsel gives evidence directly. It extends to cases in which counsel relies on an affidavit sworn on the basis of information received from counsel, whether or not the affidavit expressly says no.”

[22] En certaines circonstances, la règle a été assouplie. Pour des raisons d’efficacité administrative, l’avocat peut signer une requête en désassignation, pour cesser d’occuper ou à l’occasion d’une révision par certiorari à l’encontre d’un renvoi à procès où l’avocat affirme qu’il y a absence totale de preuve d’un élément essentiel de l’accusation. Ces cas impliquent soit une question de droit, soit que l’avocat est personnellement au courant des faits.

[23] « L’affidavit au soutien d’une requête est essentiel et il est reconnu que chaque fois qu’il s’agit d’une question de faits, l’affidavit doit être donné par la partie qui est au courant et non pas par son procureur ».

[24] « Mais il peut arriver, et il arrive fréquemment, que les faits dont fait mention la procédure sont connus du procureur ad litem et il est admis qu’en pareilles circonstances l’affidavit peut émaner du procureur au dossier. »

[25] Tel n’est pas le cas en l’espèce. La requête allègue des faits personnels aux requérants (voir par. 10 a) et b) du présent jugement). Ceux-ci doivent témoigner sous serment pour établir les faits qui n’apparaissent pas au dossier afin de permettre à la Cour de rendre une décision sur le fond de la requête.

[27] L’affidavit aurait dû être signé par les requérants et non par leur procureur « car les faits allégués sont pour le procureur du ouï-dire et je ne comprends pas comment il puisse jurer que les faits sont vrais lorsqu’il ne les connaît pas personnellement. Les faits ne sont connus [que des requérants]. Cet affidavit, dans les circonstances, n’est pas permis ».

[28] Dans l’arrêt Feuiltault c. Ville de Ste-Julie, M. le juge Marcel Nichols, alors juge à la Cour supérieure, se référant à l’arrêt Bédard c. Lapointe [1970] R. P. 88 (C.P.), écrivait à la page 775 :

28.1 « Il a été jugé que le serment de l’avocat, quand il s’agit de faits qui ne sont pas à sa connaissance personnelle, ne vaut pas parce qu’il s’appuie sur du ouï-dire (…). »

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