R. c. Z.R., 2011 QCCQ 1701 (CanLII)
[41] Plus particulièrement, dans des cas d'agression sexuelle sur une conjointe, nos tribunaux ont réitéré l'importance de donner priorité aux facteurs de dissuasion et de dénonciation lors de la détermination de la peine. Dans la cause de R. c. Cumming, le juge Plouffe de la Cour supérieure du Québec a prononcé une peine de 21 mois d'incarcération à un accusé qui avait agressé sexuellement sa femme à répétition (au moins cinq fois) sur une période de plusieurs mois. L'accusé avait 47 ans et ne possédait aucun antécédent judiciaire lors du prononcé de la peine. En rejetant la proposition de la défense pour une peine avec sursis, le juge Plouffe a souligné les facteurs aggravants suivants: (i) la gravité objective du crime (par 29); (ii) le fait que le législateur a prévu que la violence conjugale est un facteur aggravant car ce crime constitue un mauvais traitement contre la conjointe (par. 31).
[42] Dans ce jugement, le juge Plouffe a fait une recherche approfondie des décisions prononcées par nos tribunaux dans les cas d'agression sexuelle perpétrée par un accusé sur sa femme. Le Tribunal reproduit, ci-après, quelques-uns de ces résumés:
44. Dans un premier temps, il y a l'arrêt FJ c. R. [FN3]. Dans cet arrêt, l'accusé avait agressé sexuellement sa conjointe et s'était également montré violent envers elle. Il a été retenu coupable d'agression sexuelle, de voies de fait, d'avoir proféré des menaces de mort et d'avoir eu en sa possession des matières incendiaires.
45. Le juge de première instance a reconnu que la preuve avait établi, au-delà de tout doute raisonnable, cinq (5) agressions sexuelles. Chaque agression comportait une relation sexuelle complète. Le premier juge avait retenu comme facteurs aggravants, la violence conjugale et le fait qu'en matière d'agression sexuelle, les objectifs de dénonciation et de dissuasion doivent primer sur ceux de la réhabilitation. Il a aussi considéré l'âge de l'accusé, c'est-à-dire, trente-huit (38) ans, l'absence de désordres similaires et d'antécédents judiciaires, la présence de remords, bien que tardifs, et une bonne possibilité de réhabilitation. Il y avait eu aussi une détention provisoire, depuis l'arrestation.
46. Le premier juge a imposé alors une peine de trente (30) mois d'emprisonnement sur les chefs d'agression sexuelle. Considérant la détention provisoire, il a imposé une peine de dix-sept (17) mois d'emprisonnement avec une probation de trois (3) ans.
47. La Cour d'appel mentionne qu'une peine d'emprisonnement de trente (30) mois sous les chefs d'agression sexuelle n'est pas déraisonnable en l'espèce, même si c'est sévère. La Cour d'appel a rejeté l'appel de l'accusé et la Cour suprême du Canada a rejeté l'appel de ce jugement. C'est un cas, qui à mon sens, est plus sérieux que le cas qui nous occupe aujourd'hui. Quand même, cela nous donne certaines balises.
48. Un autre arrêt, cette fois-ci, de la Cour d'appel de l'Ontario. C'est l'arrêt R. c. O.T. [FN4] où la Cour d'appel de l'Ontario traite d'un appel logé par l'accusé, condamné pour agression sexuelle et voies de fait sur sa conjointe. Dans ce cas, l'accusé, selon la preuve, était un homme violent et il avait agressé sexuellement son épouse dans le but de la punir.
49. Le juge de première instance l'a condamné à deux (2) ans d'emprisonnement pour les voies de fait et six (6) mois consécutifs pour l'agression sexuelle. La Cour d'appel de l'Ontario a jugé que cette peine globale de deux (2) ans et demi était acceptable et l'appel a été rejeté. Encore une fois, selon moi, c'est un cas plus sérieux que le nôtre.
50. Dans l'affaire R. c. L.D.M. [FN5], il s'agit d'un crime assez violent. L'accusé a été condamné à une peine totale de quatre (4) ans d'emprisonnement pour cinq (5) accusations, soit deux (2) ans pour agression sexuelle, six (6) mois pour voies de fait, un (1) an pour avoir pointé une arme à feu, six (6) mois pour avoir proféré des menaces de mort. Dans chaque cas, la victime était l'épouse de l'accusé. La Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse rejette l'appel logé par l'accusé et juge que la peine est appropriée compte tenu de toutes les circonstances. Encore une fois, selon moi, il s'agit d'un crime dont les circonstances sont plus sérieuses que celles qui sont présentes dans le présent dossier.
51. Un autre arrêt, cette fois de la Cour d'appel du Québec. L'arrêt Brunette c. R. [FN6], demande pour autorisation de la Cour suprême du Canada rejetée. Dans ce cas-ci, l'accusé a été condamné pour avoir agressé sexuellement son ex-conjointe. L'incident s'est produit alors que les conjoints revenaient à la maison avec les enfants, je crois. L'accusé a conduit Madame dans la chambre à coucher et l'a forcée à avoir des relations sexuelles complètes. La victime n'a pas été blessée et n'a subi aucune menace. Le Tribunal de première instance avait imposé une peine d'emprisonnement de dix-huit (18) mois, accompagnée d'une ordonnance de probation de trois (3) ans. En considérant les facteurs subjectifs et objectifs du dossier et le fait que l'accusé avait déjà purgé quarante-deux (42) jours d'emprisonnement, de façon provisoire, la Cour d'appel accueille l'appel de l'accusé et ordonne que la peine de dix-huit (18) mois soit purgée dans la collectivité. Selon moi, les circonstances dans ce cas-là sont moins sérieuses que celles que nous avons dans notre dossier.
52. Dans l'arrêt R. c. O.F.B. [FN7], de la Cour d'appel de l'Alberta, l'accusé avait plaidé coupable à trois (3) chefs d'agression sexuelle à l'endroit d'une ancienne partenaire. Dans cette affaire, il existait un climat de dépendance entre la victime et l'accusé qui abusait de celle-ci. La Cour d'appel accueille l'appel. Elle ordonne que la peine d'emprisonnement de deux (2) ans, imposée par le juge de première instance, soit modifiée pour une peine de cinq (5) ans, moins un (1) an pour tenir compte de la détention provisoire purgée. À mon avis, les circonstances de cette affaire sont plus sérieuses que celles qui nous confrontent aujourd'hui.
53. Dans l'arrêt M.D. c. R. [FN8], la Cour d'appel du Québec maintient une peine d'un (1) an avec probation, pour un accusé qui a agressé sexuellement son épouse. Ceci m'apparaît un peu moins sérieux que le dossier qui nous confronte aujourd'hui.
[43] Dans la cause de R. c. D.D., 2006 QCCQ 576 (CanLII), 2006 QCCQ 576, l'accusé est devenu furieux quand sa conjointe est retournée à la résidence conjugale accompagnée d'un ami. Après l'avoir frappée au menton et déchiré les vêtements de sa conjointe, il rentra ses doigts dans son vagin. L'accusé avait un antécédent de voies de fait causant des lésions corporelles dans un contexte de violence conjugale. Selon le rapport présentenciel, l'accusé minimisait la gravité des offenses et faisait porter sur sa victime une large part de la responsabilité.
[44] Les parties ont conjointement proposé une peine de sursis d'une durée de 18 mois. Mon collègue, le Juge Serge Boisvert, a refusé d'entériner cette proposition commune en précisant qu'elle était clairement déraisonnable, car elle ne rencontrait pas les objectifs d'une peine appropriée (paras. 3 et 18). Après avoir souligné les facteurs aggravants, l'antécédent judiciaire de l'accusé, la gravité objective du crime et le fait que l'infraction perpétrée constitue un mauvais traitement du conjoint, le juge a imposé une peine de 18 mois de détention ferme.
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