R. c. Steele, 2007 CSC 36, [2007] 3 RCS 3
27 Les tribunaux ont statué qu’« utiliser » une arme à feu s’entendait de la décharger (R. c. Switzer reflex, (1987), 32 C.C.C. (3d) 303 (C.A. Alb.)), de la braquer (R. c. Griffin 1996 CanLII 3210 (BC C.A.), (1996), 111 C.C.C. (3d) 567 (C.A.C.‑B.)), [traduction] « pour un contrevenant, de la sortir alors qu’il l’a sur lui et de l’avoir à la main pour intimider autrui » (Langevin, p. 145, citant Rowe c. The King, 1951 CanLII 7 (S.C.C.), [1951] R.C.S. 713, p. 717; voir également Krug, p. 265) et de l’exhiber pour intimider (R. c. Neufeld, [1984] O.J. No. 1747 (QL) (C.A.)). Dans l’arrêt Gagnon, la Cour d’appel a indiqué au passage qu’« utiliser une arme à feu » pouvait s’entendre de révéler sa présence par ses propos ou ses gestes.
28 Il est donc bien établi en droit qu’utiliser une arme à feu n’est pas synonyme de l’avoir simplement en sa possession (ou d’en « être muni »). Cependant, les tribunaux ont presque toujours décidé au cas par cas si l’acte considéré dans une affaire équivalait à utiliser une arme à feu. L’on ne saurait dire qu’ils ont formulé un critère permettant de bien cerner les actes qui emportent l’« utilisation » d’une arme à feu au sens du par. 85(1).
29 L’arrêt Chang, de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique, permet toutefois de mieux saisir la différence entre l’utilisation et la simple possession dans ce contexte. Dans ses motifs concordants, le juge Carrothers conclut que le mot « utilise » employé au par. 85(1) [traduction] « a une connotation claire de mise en action, en fonction ou en marche réelle », ce qui doit être distingué d’avec le fait d’être muni d’une arme ou de l’avoir en sa possession, qui [traduction] « connote une utilisation simplement possible, et non réelle » (p. 422).
30 Dans l’affaire Bailey c. United States, 516 U.S. 137 (1995), la Cour suprême des États‑Unis a tiré une conclusion semblable concernant le sens du mot « use » (utilisation) employé à l’art. 924c)(1), 18 U.S.C. — une disposition comparable au par. 85(1) du Code criminel. Au nom de la Cour, la juge O’Connor a statué que le terme exigeait davantage que la simple possession et que la preuve de la proximité de l’arme à feu et de l’accessibilité à celle‑ci ne permettait pas de déclarer une personne coupable de l’avoir utilisée au sens de la loi. Elle a précisé que pour établir l’utilisation, [traduction] « l’État doit prouver l’emploi actif de l’arme à feu » (p. 144 (je souligne)). Elle a ajouté plus loin :
[traduction] « Utiliser » une arme à feu au sens de l’employer activement s’entend certainement du fait de la brandir, de l’exhiber, de l’échanger, de s’en servir pour frapper et, bien évidemment, de faire feu ou de tenter de le faire. Force est donc de conclure que même la mention par le contrevenant d’une arme à feu en sa possession pourrait satisfaire aux exigences de l’art. 924c)(1). Ainsi, la mention d’une arme à feu dans le but de modifier les circonstances de l’infraction sous‑jacente constitue une « utilisation », tout comme peut l’être sa présence silencieuse, mais perceptible et menaçante, sur une table. [p. 148]
31 Ces observations sont tout à fait compatibles avec le sens ordinaire et courant du verbe « utiliser » (« use », dans la version anglaise correspondante), et la Cour a reconnu que ce sens peut se dégager des définitions du dictionnaire dans l’une et l’autre langues. Pour déterminer le sens du verbe « utiliser », quoique dans un contexte différent, la Cour a retenu la définition du Petit Robert : « rendre utile [ou] faire servir à une fin précise » (Veilleux c. Québec (Commission de protection du territoire agricole), 1989 CanLII 82 (C.S.C.), [1989] 1 R.C.S. 839, p. 854). Elle a opiné que cette définition « implique une notion d’activité ainsi qu’une notion de finalité ». Aussi, le Canadian Oxford Dictionary (2e éd. 2004) définit le verbe « use » (utiliser) comme suit : [traduction] « employer (une chose) à une fin précise . . . [ou] exploiter (une personne ou une chose) à ses propres fins ». De même, suivant le Black’s Law Dictionary (6e éd. 1990), ce verbe s’entend de [traduction] « faire usage, convertir à son service, employer, se servir, tirer parti, exécuter par un moyen ou faire entrer en action ou en service, en particulier pour obtenir un résultat » (je souligne).
32 À défaut d’une définition dans la loi, je suis d’avis qu’un contrevenant « utilise » une arme à feu au sens du par. 85(1) lorsque, pour faciliter la perpétration d’un crime ou pour prendre la fuite, il révèle par ses propos ou ses gestes la présence réelle d’une arme à feu ou sa disponibilité immédiate. Le contrevenant doit alors avoir l’arme en sa possession physique ou à portée de main.
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